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01/12/2015

Brèves et Intuitions - Le 01/12/2015

Pat Poker

 

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    Vu ce matin Hollande « faire le show à la COP21 » comme disent les journalistes de BobFM. Deux spiqueurs : un gominé et une coiffée louent les qualités du chauffeur de salle. Je suis certain qu’ils attendent du spectateur qu’il entende le mot saxon show au détriment d’un faire le chaud plus franchouillard. L’homophonie involontaire arrive néanmoins à point pour résumer les foucades du débile de France. Il blague sur scène, bide en avant, fesses en arrière. Il lui suffit d’une grimace pour confondre le représentant de commerce en frère burlesque. Un peu et il sautillerait sur un coussin péteur. Et il marchote tandis que ses bras balancent tels une horloge de maison de campagne. Tout penaud là, avec son humour charcutier et ses membres bouchers.

 

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    Aujourd’hui, Gattaz « fustige le programme économique du FN ». La vérité sort de la bouche des enfants n’est-ce pas. Le dadais du MEDEF valide sa prophétie en réajustant son slip enflé par un paquet qu’il range comme des liasses. Ce vendeur d’assurance-vie rigole en rotant des épaules. Il bave son analyse de goret qui nourrit ses idées au poids qu’il imprime sur la balance. Vingt kilos en trop, et c’est dix fois plus de points de CAC gagnés, donc légitimité et droit de parler. La graisse fait monter les sondages. Gattaz bat le FN en neige, encore un effort, et il aura de la meringue entre les cuisses, alors il pourra jurer et ce sera le dieu MEDEF qui transforme en ogre tout ce qu’il touche. Merci ducon.

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    Un bobo écrivait une lettre à son fils après les attentats de Paris en Novembre 2015. Au vrai, il « postait » sa science sur facebook comme s’il s’adressait à son enfant. « En mode épistolaire » sans doute. Ce fut une tartine de niaiseries qui se professent sur toutes les terrasses de cafés. J’ai souvent l’occasion de recueillir ces confessions auprès de Parisiens branchés, surtout de Parisiennes tant c’est l’esprit féminin qui ensemence la société urbaine. Ces bobs sortent, font la « teuf », et m’impressionnent à meubler leur vide par des conversations sans consistance. Bref, l’un de ces idiots gueulait depuis profil à son chiard qu’il lui apprendrait « à vivre, à baiser, à s’amuser, à lire et à se taper des meufs et des mecs, bref, à fêter » (sic en substance). Ce matin, c’est Fleur Pellerin qui dit qu’ « il y aura plus de spectacles et de fêtes afin de s’opposer à ceux qui s’opposent aux spectacles et aux fêtes et qui tuent pour ca ». Voilà comment un terroriste devient un mauvais coucheur. Un simple rabat-joie qui explose ses pétards sur les gens.

La lettre comme la sentence ministérielle sont chacune une leçon d’idéologie qui relaie ce qui les pense en croyant penser. Un peu comme si un robot programmé par un homme s’imaginait le duper en agissant précisément tel que ca lui est formulé. Tout père de famille est désormais un petit père du peuple. Son peuple : sa progéniture. Sous couvert de liberté, le père de la lettre configure son fils à l’avance : il l’aliène. Il l’enferme dans son schéma porno à l’aide d’obscénités. En lisant la lettre, et c’était insupportable, je pensais : « mais ne peut-il pas foutre la paix à son gosse et le laisser devenir ce qu’il est ? Non, il faut qu’il soit lui : ce n’est pas de l’amour, c’est de l’égoïsme, davantage : c’est de l’égotisme, le propre de ce taré enfermé dans son bunker disait Schopenhauer, sauf que dans le bunker aujourd’hui, le taré ne sait plus qu’il est seul et croit qu’il est tous. » Eduquer commande d’encadrer avant de laisser s’exprimer le libre-arbitre du bonhomme. Ces Charlie donnent raison à Renaud Camus : « Vous me dites que vous ne vivez pas en dictature parce qu’il n’y a pas de dictateur ? Mais le dictateur, c’est vous. » Le débat est clos.

 

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    Le lendemain des attentats du 13 Novembre 2015, je note deux choses :

    le bellicisme des bobs motivés par leur droit à fêter. Le blagueur en chef est le grand patron. Le porc de France ou encore L’imbécile de France comme l’appelle l’Etat islamique se fait martial : maintien franc, collet serré, popotin pincé, tout y est. Etat d’urgence. C’est la guerre qu’ils disent.

    et cette fille interrogée par BobFM qui raconte que le monsieur à côté de son père au Bataclan a pris une balle dans le crâne. « Le mec, il était à côté de mon père, et là, pan, une balle dans la tête, à côté de mon père, balle, tête, père, à côté, l’est tombé ». La gonze semble moins attristée qu’émerveillée par ce qui est arrivé : c’est qu’elle est enfin victime, elle est enfin devenue une damnée de la terre elle aussi, c’est son tour !, et maintenant les immigrés doivent partager le malheur du monde avec elle. La culpabilisation : finie ! Ouf ! Elle peut être agressive et dire avec les autres « on est guerre ». Et c’est là que se situe le rapport entre elle et Hollande. Son racisme paternaliste pour le bamboula a également le droit de virer à l’agression de l’arabe. Ses yeux humides ne le sont pas de peine, mais de joie ! Ivre, elle est transportée par le droit de fêter avec le porc de France qui excite les scènes de guerre à venir. « A côté de mon père, balle, tête, père, à côté, l’est tombé » et yeux mouillés. L’excitation excède sa tristesse. La peur transmue sa folie en hystérie douce. Peut-être ira-t-elle danser sur les cadavres de ses bourreaux, elle, la victime enfin réalisée. A la façon de ces raveurs débilités par des années de drogue et de gauchisme - qui occupent les champs de paysans n’ayant rien demandé, elle envahira les terres d’ISIS et exportera les valeurs de la terrasse, ce nouvel universalisme.

    C’est donc la guerre, mais la guerre en tant que prolongation de la fête par d’autres moyens. C’est la fête intérieure, Hollande qui blague à la COP21, Fleur Pellerin qui entremet des chanteurs afros jurant que « la cultu’’ ne va pas où vont les kalachnikovs » - et c’est la fête extérieure, avec Hollande en grand DJ. C’est l’Eros à la maison avec les appels à partouzer tous à poil à Répu pour protester contre le terrorisme et contre la mort – et c’est Thanatos à l’étranger avec les envies d'exploser tous les a-rabes à Raqqa pour se vautrer dans l’errorisme* et dans l’amour. Ha ! Eros et Thanatos, Amour et Mort, Pulsion contre Pulsion, Vénus et Mars, Femme et Homme, que les Anciens s’y entendaient à binariser le monde ! Seulement c’était inscrit dans leurs mythes, loin du dasein, donc aux confins de l’abstraction. C’était plus un exil qu’une mise en abîme : il s’agissait de se protéger de ce manichéisme. Quand cesserons-nous de nous rouler dans nos fanges ? C’est en cela que ce monde est bébé, il continue de jouer avec soi jusqu’au fond des langes.

 

 

*errorisme : mien néologisme que j’ai créé dans ma chronique sur la catastrophe de la German Wings. L’errorisme est le fait des hommes de l’erreur. La terreur générale s’efface dans l’erreur généralisée, en sorte que le bob (qui est un individu hors-sol, c'est-à-dire un touriste, partout chez l’autre, nulle part chez lui, donc qui se trompe) et le terroriste (qui est un individu hors-sol, c'est-à-dire un touriste, partout chez l’autre, nulle part chez lui, donc qui se trompe) se rejoignent par nihilisme dans cette idée qu’ils sont des hommes de l’erreur, donc qui se trompent. Autrement dit : ils sont des erroristes. Leur fête et leur guerre procèdent d’une binarisation de l’instant qui conduit, lorsqu’elle devient une vision du monde unanimement et uniment partagée, à l’errorisme. C’est un totalitarisme. C’est le mythe érigé en dogme.

 

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    Tout cela me rappelle une phrase du film UN FRANÇAIS (que j’ai déjà chroniqué : il s’agit de l’histoire d’un skinhead repenti) prononcée par un arabe à l’adresse d’un skin : « Bientôt chez vous, ce sera nulle part. » Et bien nous y sommes. L’imbécile de France, c’est-à-dire personne, préside une France métisse, c'est-à-dire tout le monde, dirigée ailleurs, c’est-à-dire hors-sol, par une hyperclasse bobique qui terrorise par l’économie quand ce n’est pas assuré par une sous-classe terroriste. Oui, ce monde est nulle part, et pourtant il est là. Paradoxe ? Oui, mais aussi mythe sorti de l’image qui l’enfermait. Mort du dasein.

 

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L'Aristo dit que l'erroriste est ce penseur rigolo.

27/11/2015

Quelques mots - Le 27/11/2015

Pat Poker

 

    Dans MYTHOLOGIES, Roland Barthes enseigne que le mythe est la transformation de l’Histoire en nature. Or de l’Histoire n’émerge que la culture. La mythification, toujours selon Barthes, est une naturation. Le couple appartient à la culture mais semble naturel à beaucoup : c’est donc qu’il fut mythifié.

La mythification se construit sur des figures popularisées par les contes et légendes dont la synthèse établit les mythes fondateurs. La figure du couple de notre civilisation occidentale est celle de Tristan et Yseult. Certains y voient son socle véritable de sorte qu’elle évacuerait la tragédie d’Œdipe. C’est le moyen-âge qui met l’Antiquité de côté. Tristan et Yseult consacrent le couple qui symbolise l’enfant à naitre. On dira avec eux qu’il est né, le divin enfant. Oedipe symbolise le père à mourir. On dira sans lui qu’il est tué, le défunt parent.

Cela pour le constat. Il faudrait maintenant pousser l’analyse en explorant notre société de divorcés qu’a étalés l’ouragan de 68. Mai 68 destitue le couple de son piédestal du même temps qu’il crée la figure de l’enfant-roi. Un autre mythe est possible. En lui, se mélangent l’Œdipe-roi et le divin-enfant. Ce sont donc deux schémas différents fondus en un seul. Comprendre cette tambouille serait une façon originale de définir le malaise engendré par le soixante-huitisme. Je n’ai ces derniers temps plus la force de mes idées ; plus précisément, je n’ai plus la force de les exploiter, ni même de les noter. Je ne m’étalerai donc pas sur Œdipe et Yseult, lesquels semblent correspondre à ce couple infernal et moderne qui tue l’enfant par abandon du père.

Je suis depuis trois mois trompé par mes intuitions qui m’excèdent, c’est-à-dire qu’elles me surpassent et m’épuisent. Je songe depuis le 13 Novembre 2015 à écrire sur le Bataclan, mais la fatigue du sens dont parle Richard Millet m’a vaincu. Je n’ai plus envie. Alors ce ne seront que quelques mots jetés à la face de moi-même.

 

 

    Il y a beaucoup d’explications à l’énervement des terroristes du 13 Novembre 2015. Parmi elles, il en est une bébête parce qu’elle semble faire l’économie de tout, il en est une stupide et imbécile, bientôt idiote, parce qu’elle ne s’investit dans rien sinon dans la noirceur des passions tristes, et cette raison, c’est l’envie. Ces petits cons étaient envieux. Pas seulement, mais ils étaient cela. Ils se languissaient de ce qu’ils n’avaient pas. Ces français et ces belges étaient des troublés de l’être, je ne le nie pas, ni ne souhaite m’épancher à ce sujet, mais ils étaient tout autant des agacés de l’avoir sous l’étendard de quoi le monde accidental s’est placé. Ils voulaient ce qu’ils n’avaient pas. Et je ne parle pas de notre mode de vie basé sur l’Hêdonê comme je l’ai lu dans les médias gauchistes, non, ce qu’ils n’avaient pas et qu’ils voulaient avoir sont ces jolis brins de filles qui affolent les quartiers de l’est parisien. L’envie naît de la frustration, et la leur est sexuelle. Ils n’avaient pas ces femmes qu’ils désiraient*, alors il leur fallait les tuer elles et ceux qui les ont afin de se venger. J’insiste : ce n’était qu’un des multiples ressorts sur quoi ils s’appuyaient, mais c’en était un. Je le dis : l’analyse est simple, même carrément simpliste, mais elle énonce une partie du tout que je n’ai pas la force d’aborder.

Moi-même, j’ai éprouvé de l’énervement face à ces parisiennes qui n’offrent que mépris à qui n’appartient pas à leur milieu. Assurément, les bataclaniseurs ne venaient pas d’une tribu d’arrondissement branché, c'est-à-dire une bande. Non, seuls les chiards aisés y pullulent, par quoi seuls ces bobs connaissent l’heur d’attirer la jolie. La reproduction sociale n’annonce ni n’énonce les commandements biologiques : la culture crée aujourd’hui le mythe du faible et laid qui séduit la vénusté. Cette figure perturbe le dépositaire de la force naturelle, c’est-à-dire de la force physique. Seulement les excités du 13 Novembre ignoraient que la force du corps s’étiole si elle ne s’appuie pas sur celle de l’esprit. Amputés du cerveau, comment eussent-ils dominé leur colère et pu s’en prendre à eux-mêmes ? Ils eussent effacé leurs pensées morbides pour surpasser les fiottes festives qui infusaient en eux le sentiment que les désirées leur étaient volé. J’ai connu ca. J’ai accepté la fatalité de mon destin. Déraciné à une autre échelle que ces rageux, mais déraciné malgré tout, j’ai toujours trimardé seul. Mas j’ai compris que la revanche sur soi-même est supérieure à la vengeance. Et puis me venger de qui ? De festivus incultes que les femmes semblent aimer ? Ou de ces mêmes femmes ? C’eût été ridicule. La revanche est sans objet. C’est une cause perdue ; elle me paraît plus noble. Elle ne jette pas dans l’horreur où ont précipité les terroristes de Paris. Du reste, le pouvoir sur soi, qui est celui de se dominer, est l’instrument de la revanche. Or il ne s’exerce pas en ôtant la vie, mais en ôtant la sienne à qui la convoite. Il me souvient de cette fille qui considérait que tous les hommes sont des animaux et sont à traiter comme tels. Elle pérorait sa science. Elle vint chez moi. Je m’installai aussitôt dans mon canapé. Euh…tu fais quoi ? Et bien je lis, ca ne se voit pas ? Tu vois, je te prouve par le livre que les hommes ne sont pas tous des animaux. Elle dégagea. Voilà une revanche. La vengeance m’eût intimé de la briser, de l’humilier ou pire. La vengeance disparaît dans son absence de contrôle. C’est inconcevable à l’honnête homme. Ha ! mes abrutis du bataclan, je vous le dis tout net : vous êtes des animaux, et encore, qu’est-ce qu’un animal sinon un être dédié à sa vie ? Quelle est donc votre engeance de mort ? Mais qu’êtes-vous ? Vous m’épuisez.

 

    Cependant, aujourd’hui 27 Novembre 2015, la Nation rend hommage aux bataclanisés par le selfie tricolore. BobFM dépêche son journaliste normalement chargé du football. Le spectacle s’étend à tout, et dans son inspiration, et dans son traitement. Roulez jeunesse !

 

*la kamikaze de Saint-Denis, elle, n’était pas cette femme qu’ils désiraient : elle n’avait pas leur beauté. Et ca l’énervait.

 

Drapeau.jpg                                     L'Aristo rend hommage aux tués.                                     

22/10/2015

L'appel de la Défense - Le 22/10/2015

  Pat Poker 

Remarque liminaire :

L’aujourd’hui sollicite les bas instincts et appuie où ca fait mal en prétendant que ca fait du bien. Le c’est bon quand ca fait mal manifeste la mentale des gens du commun. Typiques, les citations d’Oscar Wilde. Types et typesses balancent du Wilde en une façon de caution morale pour justifier qu’ils ne consomment pas quand ils jouissent. Ils ne sont pas prisonniers, mais libres. En réalité, « le meilleur moyen de résister, c’est de céder. »

 

 

Le marché est une économie d’échange de marchandises. Il vit de leur circulation.

Dans INTERVENTIONS, Houellebecq écrit que l’architecture de la Défense est la réalisation de l’esprit du marché. Le culte de l’efficience se rend dans les tours de verre des boîtes du CAC.

Le quartier d’affaires parisien est une partie d’un tout du même temps qu’il est un effet causé par ce tout. Le marché, en ce qu’il englobe tout, de l’économie aux rapports humains qui se mènent désormais on line, est ce tout. C’est un tout total, et parce qu’il est actif, il est totalisant. Un tout totalisant s’arrête à un univers totalitaire, et c’est ce qu’est le marché, de sorte qu’il est difficile de le séparer de ses émanations ou de traiter celles-ci de superflues. Elles ne sont pas des événements aléatoires, c’est-à-dire que leur indépendance n’existe pas. Bien au contraire, elles dépendent du marché qui les a voulues, lequel se perpétue dans ses créations. Charge à elles de le répandre ou a minima de le maintenir en vie. C’est la fameuse interdépendance vantée par les communicants. Hiérophantes du marché, ils ne jurent que par les interconnexions et les interactions. C’est dans leurs abstractions sémantiques que s’énonce la logique marchande que la Défense écoule dans l’espace.

Entre les cadres dynamiques, l’information circule aussi vite que les courants d’air qui démolissent les coiffures s’aventurant sur l’Esplanade de bon matin. Cependant, l’espace extérieur se reproduit dans l’open-space, donc à l’intérieur, où est assuré le partage d’informations. Le marché modèle les constructions dans quoi il s’imprime. Ainsi pénètre-t-il partout comme d’une force diffuse qui indiquerait la direction. La marche à suivre dit-on, ou l’ordre. Il y a un modèle d’inspiration de marché qui est décliné dans les produits. Les gestes qu’implique leur manipulation deviennent, à mesure qu’ils sont partagés par le nombre, des mimes. S’ensuit un modèle de base qui tourne au modèle d’imitation. C’est le processus de standardisation. Les comportements se calquent sur les objets. La Défense est à ce titre l’architecture uniformisée, comme le bob est le cadre typique et le hipster le modeux basique. Ces désinences à fonction unique ne doivent pas étonner comme nul ne saurait être surpris qu’elles influencent les mentalités et accouchent d’un homme-à-pulsions robotisé par pantomime. C’est précisément parce que découlent de ces structures un bonhomme à l’esprit nouveau que Houellebecq écrit de la poésie en se promenant à la Défense ou au MONOPRIX : c’est ici et là qu’il capte l’état de l’homme du temps.

En architecture, il n’est jusqu’au design des appartements qui ne copie la Défense. Murs blancs et vierges, économie de meubles, tout concourt à insinuer par-tout l’esprit-marché. C’est un vaste copié-collé qui l’institue dans la chaîne de productions. IKEA, HABITAT, ZARA HOME, H&M HOME – autant de marques qui martèlent l’épurement pour être vu et entendu tout fort et à travers. En exportant au logis l’agencement d’open-space, la décoration d’intérieure aère les surfaces restreintes. En ville, lieu hypermarché, donc où le totalitarisme marchand prend forme, les lieux d’intimité sont petits. Seul un mobilier frugal permet une habitation vivable. Plus la population s’appauvrit à mesure que le marché grossit, plus il se ménage des terrains d’expressions : non qu’il offre un loft pour tous, mais en l’espèce, il se coule dans l’écrasement que connaissent les actifs. Cette apparente contradiction est l’essentiel tour de force de la civilisation libérale qui enseigne que si les urbains sont des êtres de restriction qui étouffent dehors, dans les transports ou dans la foule, il est alors normal qu’ils croupissent dedans, dans du petit. La cohérence réside dans ce que, comme à l’air libre, il est loisible d’épurer via une décoration froide et transparente façon la Défense. La City et Wall Street sont à la portée de toutes les bourses. Sans les moyens, le fin du fin s’invite à la maison. Les gestes y sont avares par absence d’espace, mais le mouvement est suggéré. Tout peut circuler, mais rien ne bouge : chacun à sa place, comme ce à quoi le marché assigne. La masse s’englue en s’enroulant sur elle-même, mais il lui est suggéré de s’envoler. L’épithète aérien traduit toutes les émotions, de l’art contemporain à la mercatique CARREFOUR. Mais au vrai, c’est confinement et restriction. La vie privée s’identifie à la vie active. L’une parle d’échelle sociale, l’autre de hiérarchie. Ici et là, un sas de sécurité empêche la majorité d’en réchapper.

Bref, les domaines professionnel et privé se rejoignent dans leur commune distorsion de la hutte. C’est par l’espace que le marché totalitarise, mais sa dimension (physique par le produit ou spatiale par le bâtiment) n’en est qu’une parmi d’autres. Dans L’EXTENSION DU DOMAINE DE LA LUTTE, Houellebecq révèle que la compétition en vue de récompenses professionnelles existe aussi en amont du succès amoureux, en sorte que le marché, pour s’assurer davantage de compétitivité, est bien ce mécanisme totalisant qui fonctionne par déviations concrètes et abstraites.

Qui tient le marché pour nocif ne saurait donc supporter la Défense. Il est vrai que n’importe quel être humain ne résiste bien longtemps à l’ambiance aliénante de cet amoncellement d’acier, de béton et de verre. Les gens y campent les héros houellebecquiens. Ils survivent sous serre et ce n’est pas pour rien que le personnage de L’EXTENSION a le sentiment d’être un aliment d’industrie : « des fois, j’ai l’impression d’être une cuisse de poulet sous cellophane dans un supermarché. » Le film plastique figure l’invisible coercition d’une époque en apparence évasive. Ainsi de l’Esplanade à la géographie nue où la présence est pourtant limitée par l’affolement des vitres. S’y réverbèrent à l’infini les lumières, les sons et les gens. C’est ainsi que se multiplie la foule qui informe la personne de son règne. C’est l’avènement du nombre, partant, de la quantité. C’est là qu’on s’abrutit.

Il s’en trouve pour minimiser l’intensité du mal, et la minimisation la plus fréquemment entendue explique que c’est comme ca. La Défense existerait ontologiquement. Sans raison. Elle s’appartiendrait à elle-même et vivrait de cet incréé qui la pose là, devant soi, comme une fiente sur le bout de son nez. Ceci dénie au quartier une lignée commune à la civilisation libérale et en excuse les agressions continues. Ainsi considérées, l’angoisse et l’oppression générées ne font pas partie d’un tout et peuvent être acceptées. Il serait vain de les critiquer, aussi faut-il les subir sans se regimber. L’analyse précédente serait exagérée, Wilde en soutien. « Tu extrapoles » que j’entends. « Rien à voir ». « Ca vient de toi ». « La solution est en toi ». « Tu te défausses, tu es un marxiste ». Les plus intelligents remarquent l’obsolescence de la superstructure*, par quoi mon propos serait nul et non avenu. La critique façon Pavlov. Ouaf ouaf l’esclave aboie et regarde les talk-show. Où l’on retombe dans les travers de la servitude volontaire... C’est bien dans celle-ci que cuit l’homme partiel qui segmente son activité travailleuse comme il cloisonne ses conditions mentales. Alors il ne peut nommer sa souffrance et s’en remet au divin marché qui le frotte de sa main invisible. Ainsi limé, il goûte au plaisir de ne plus douter. Bientôt, il ne pensera plus. Il réalisera l’homme sans qualités de Robert Musil, qui est incapable de penser ce qui le soumet. Or comprendre est important. C’est ce qui permet de s’arracher au grand tout. Et ce n’est même pas un bon début, c’est une fin en soi. S’exclure à mesure qu’on extrait, puis se retirer : n’est-ce pas là la dignité qui reste à l’ère de la bureaucratie de masse ?

 

*avec quoi je suis d’accord, parce qu’il faut désormais parler d’hypostructure pour signifier l’idée-marché qui sourd du-dedans de soi, comme une source qui jaillirait du bas et non du haut : la masse n’est pas chapeautée, mais envahie. Ce n’est plus l’état, mais le marché. La politique n’est plus, c’est l’économie qui décide. La mort de l’état, qui coïncide avec celle de la politique, est celle de la superstructure qui était devenue l’hyperstructure dans les pays du socialisme réel (URSS, Chine, Corée du Nord, pays Baasistes, Algérie post-FLN), lesquelles ont été (URSS, pays Baasistes, Algérie post-FLN) ou sont (Chine) ou seront (Corée du Nord) bouffées par l’hypostructure du marché. Plan quinquennal autrefois, restructuration libérale maintenant. On connaît la chanson.

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L'Aristo dit qu'il vaut mieux le citer lui que caqueter Wilde