UA-63724026-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/09/2016

Agenda d'Août 2016

Pat Poker

 

Le dimanche 7 Août 2016 - Rêveuse bourgeoisie pour quelques notes bretonnes

   En vacances à Saint-Cast, je mesure en ce dimanche 7 août 2016 la détérioration de la classe moyenne française. Chaque individu ressemble à un personnage de Reiser. Je songe à cette femme à lunettes blanches papillon et attifée comme un caniche: casquette à pois assortis à ceux de sa robe qui suit sa cascade de bourrelets. Elle fixe la mer depuis la promenade du port qu'un arrêté préfectoral a fermé à la circulation par peur d'une réplique de l'attentat niçois. Par détérioration, j'entends une perte de qualité de vue mais aussi de vie. "Le tout sécuritaire" signe la fin de temps bénis où, je me souviens d'il y a dix ans à peine, Saint-Cast ne se préoccupait de rien, même pas de soi. Un lieu de vacances. Désormais, la peur accompagne la construction de lotissements qui s'agglutinent autour de villas d'avant-guerre auxquelles ils volent la vue sur la mer. Des familles de ploucs viendront s'y entasser les prochains étés. Ils contre-plaqueront leur laideur sur l'horreur architecturale, accentuant la détérioration par leur présence gênante et sans cesse plus nombreuse. Ainsi les riches seront-ils punis. Ce n'est pas tant leur argent qui leur sera ôté, entendu qu'ils ne sont pas encore totalement spoliés en France, que leur art de vivre fait de tranquillité, d'isolement, de silence, de lecture et d'humeurs familiales discrètes. C'est un drôle de communisme de punition qui s'installe.

   Cependant, je me promène avec le cousin de mon père qui me promet la publication future. Tu sors du lot. Tu écris très bien. Ma foi, toute flatterie est bonne à citer. Son ami évoque plus tard RÊVEUSE BOURGEOISIE. Nous parlons alors de Drieu la Rochelle. Je me condense dans mes souvenirs de lecture du FEU FOLLET. Je le lisais un soir d'Octobre 2012 à Stresa dans une chambre en face du Lac Majeur. Vue sur l'eau. Pas de Reiser à l'horizon. J'étais seul. La nuit tombait comme un suicide lent et heureux, et au loin un train troublait la montagne dans l'orage naissant. Le calme régnait ; je touchais à ce moment qui fait penser que la vie vaut la peine d'être vécue. À peine, je me sentais vivre, j'existais un peu moins et savais qui j'étais et pourquoi j'étais là.

 

   Le cousin de mon père reste comme moi fasciné par la virilité guerrière et comprend le mépris que l'obésité occidentale provoque chez les énervés. Il arrive qu'une civilisation crève du confort dans lequel elle s'est enfoncée. Elle bouffe, boit, fume et ne se lève plus. Ici commence le cauchemar, et alors la bourgeoisie ne rêve plus. Il m'est souvent reproché d'être un hygiéniste qui prône l'ascèse. J'affirme que c'est faux. J'admets que l'excès fait partie de la vie et sais souvent le démontrer. Ma discipline, maintenant, est une résistance au pourrissement. Elle me permet à mon échelle de préserver ma civilisation.

Yannick, avec qui je converse, pointe l'émasculation abstraite de l'homme blanc qui est le résultat de décennies de discours culpabilisants et castrateurs. De là que les femmes blanches se jettent dans les bras des hommes que sont les immigrés. Attirées par la force, c'est par biologie qu'elles les réclament et militent pour qu'ils soient accueillis. Il m'indique le livre de Patrick Buisson 1940-1945 : Années érotiques qui raconte la guerre à travers le sexe ainsi que le processus qui aboutit à la babtou-fragilité.

   Le soir, je zappe les jeux Olympiques de Rio dont l'orgie d'épreuves m'en dégoûte. Je tombe sur le JT de France 2 dont la principale speakerine introduit Bérénice Bejo venue présenter son film L'ÉCONOMIE DU COUPLE. « Un film moderne », dit-elle, « qui parle de la place des femmes et des hommes dans notre société. On veut des hommes virils et protecteurs qui vont prendre soin de nous, mais on veut travailler, gagner plus que nos hommes et avoir du pouvoir. » Le film raconte l'histoire d'un divorce entre une femme qui a tout payé, la maison notamment, et un homme moins winner qui compte sur son épouse. Il est un pauvre type. Encore un film castrant, et toujours l'idée de la compétition économique entre les hommes et les femmes cependant que la baise est sous-traitée aux immigrés, prolétaires à queue, pour les besoins d'un conflit qui monopolise toutes les tensions et attentions. Ce clin d'œil hasardeux à Yannick semble rigolo mais cette idéologie qui se vomit partout, depuis toutes les ondes dégueulantes, cette idéologie qui bavasse ses conneries de féministes cyclopes, cette idéologie, donc, n'est personne. Il n'y a naturellement aucune lutte entre les sexes. La dispute économique dans le couple n'existe pas parce qu'un homme qui serait gêné par une femme plus brillante que lui au lieu de s'en réjouir pour elle et pour lui est un con, donc tout sauf une référence et encore moins une règle. Bref, la bourgeoisie ne rêve plus mais pire : elle ne fait plus rêver.

 

Le Lundi 08 Août 2016 - Du cahier à l'herbier

   J'ai entre les mains un cahier de feue ma grand-mère - du temps qu'elle était écolière. Il date de 1937. C'est un objet scolaire qui traite de l'histoire de l'art. Il s'y trouve des leçons, des collages d'illustration, des dessins, et des exercices corrigés. Les notes me semblent sévères au regard de la production de l'élève. Il y a une dissertation bien écrite pour une enfant de 15 ans, tant par la calligraphie que par la grammaire. Il manque pourtant trois points sur dix. Sans doute ces trois points non accordés anticipaient-ils la détérioration dont je parlais hier et qui se constate aujourd'hui d'abord à l'école. Quel élève de 15 ans serait capable de cela maintenant ? Ou plutôt : combien d'élèves le pourraient ? Corollairement : combien d'élèves sont-ils actuellement soumis à ce niveau d'exigence ?

   Ma grand-mère était un être délicat. Elle aimait coudre, dessiner, peindre, cuisiner, lire, discuter, les mondanités entre amis, c'est-à-dire cette frime d'enfants tristes qui ont quitté le monde avec les années 50, aussi vite qu'un écrivain se tuait en Aston Martin. « Je ne fume que pendant les dîners ». Elle utilisait un long filtre années folles. J'aurais volontiers arraché ce filtre et aspiré tout d'un trait sa gitane d'ouvrier. Elle s'habillait à la manière d'une bourgeoise de province qui confond chic et élégance pour finir endimanchée un samedi d'été. Elle avait joué au tennis avec le champion de Bretagne. Elle avait détesté les Allemands de l'Occupation mais restait convaincue que les juifs ont un nez crochu. Le plus drôle est qu'elle-même avait un nez crochu. Cela ne nuisait pas à sa beauté. Elle était grande et svelte avec des mains fines. Ses attaches justifiaient à mes yeux qu'elle fût exigeante avec moi parce j'obéis à la grâce. Elle m'enseignait l'esprit critique. Elle me secourait dans mes lectures et m'engageait à douter. Elle me faisait la leçon. J'avais droit à des cours de maintien dilués dans la journée, avec l'air de ne pas y toucher. Rien n'était pesant. Elle me parlait comme si j'étais adulte. « Je n'aurai jamais fini de te conseiller que tu ne seras un gentleman » me disait-elle. Elle a échoué : je ne le suis pas assez. Je suis un énervé qui blesse parfois les gens dont je prends pourtant soin selon les manières qu'elle m'a inculqué. Interdits après mon amok, leur déception n'a d'égale que leur sentiment d'avoir été trahis. Le risque est de perdre toute crédibilité. Ils personnifient les ratures que l'instituteur de ma classe mentale laisserait sur le cahier de l'existence. Trois points en moins ! Mais je sais me rattraper parce que j'ai l'intelligence qui le permet. Entre autres personnes, ma grand-mère sut développer cette qualité chez moi. L'éducation d'un enfant confine au culte de ce qui est bon en lui afin de l'aider à l'extraire de soi. Elle y est parvenue, je crois. Les gens me pardonnent. Nous discutons alors comme je discutais avec grand-mère. Elle savait raconter. J'aimais l'écouter.

   Elle ne jouissait pas d'une grande sensibilité de caractère bien qu'elle perçût les états d'âme sans grande difficulté. Cela la conduisait à sortir gagnante de chacune des affaires qu'elle menait : c'était une intelligence commerciale qui sourdait de son passé familial paysan. Ils s'étaient enrichis dans la culture, le culte et le gain de la terre. C'est du sang qu'elle tirait son talent plus que d'un enracinement, quand même il existait.

   Elle était aussi dotée d'une culture terrienne parce qu'elle connaissait la nature, ses arbres, ses fleurs et ses insectes. Elle m'avait fait faire un herbier. C'était ce temps qu'on apprécie après qu'il s'est écoulé. J'ai bien entendu égaré cet herbier.

 

Le Lundi 08 Août 2016 – Les souvenirs dans les pompes

   Je me souviens d'un moment de Février 2014. C'était le jour du crunch, c'était tournoi des six nations. Je regardais le match dans un bar proche du quartier du Châtelet. Il s'y trouvait plusieurs types originaux passablement éméchés qui discutèrent bientôt avec moi. L'un d'entre eux disait être un ancien légionnaire qui s'était fait jeter de l'armée pour sympathies communistes. Il avait connu et fréquenté le courant lambertiste, et connaissait Pierre Lambert cézigue, alias Pierre Boussel, trotskyste français. Il avait potassé l'Anti-Dühring grâce à l'aide d'étudiants gauchistes qui avaient des lettres. De son propre aveu, il n'avait pas compris grand-chose à l'essai d'Engels. Il ne brillait pas par sa finesse, du reste. Je ne doutais pas qu'il n’eût été militaire mais peinais à imaginer qu'il eût attiré l'attention de militants trotskards pas vraiment potes avec l'armée française, ni davantage avec les bourrins. Il y avait chez eux cette fantaisie de l'intellectuel qui défend un peuple qu'il ne fréquente pas. C'est plutôt lui qui avait dû se rapprocher d'eux. Les milieux étudiants gauchistes fascinaient certainement les miloufs en permission, accoudés au bar à côté de glandeurs de la plèbe dont les cheveux longs pêchaient les femmes à la ligne. Une femme avait dû monter ce fort légionnaire et l'infuser de toutes ses idées de gauche. Le gramscisme sexuel constituait la praxis de la femme communiste. Le militaire en avait été quitte pour un endoctrinement à la mode bande à Baader avant d'être démasqué par un état-major qui ne pardonne pas la trahison à la patrie.

Le type le plus épatant de la soirée était l'un de ses amis de rugby. Comme lui, sa soixantaine était bâtie dans le muscle. C'était un sculpteur. C'était le sosie d'Antoine Blondin. Je lui dis : « Vous savez que vous êtes le sosie d'Antoine Blondin au même âge que vous ? » L'homme s'exclame que Blondin, grand amateur du cinq nations, fut son ami. Nous avions alors entamé une furieuse discussion sur l'histoire de ce sport et les grands instants de littérature que nous connûmes grâce à la lecture du hussard. Puis je lui demande ce qu'il pense de Malaparte. Alors là, le bonhomme se lève et tape sur la table en me broyant l'épaule. « On ne peut pas ne pas avoir lu Malaparte ! » C'était assez pour moi. La soirée était réussie d'autant plus que la France avait battu l'Anglais.

 

   Je lis en ce moment DANS LA DECHE A PARIS ET A LONDRES de George Orwell. Il y raconte son existence difficile durant les années 20-30. Vie de pauvre donc pauvre de vie. L'éditeur a choisi de placer une paire de chaussures rapiécées sur la couverture. Le choix est juste parce que la chaussure situe son homme. Un cirage négligé ou une semelle crade peuvent vous faire passer pour le plouc que vous n'êtes pas. L'élégance et la tenue ne sont pas que des plaisirs aristocrates ou de bourgeois efféminé. De même que c'est un respect de soi, c'est aussi un respect de l'autre. Il s'agit du vernis de civilisation qui, précisément, indique que l'individu élégant est civilisé. C'est essentiel. Ôter cette possibilité à un homme revient à l'ensauvager par l'aspect, et c'est ce qu'il y a de navrant dans la condition de pauvre, bien plus que le manque d'argent. Est réellement pauvre qui est contraint d'aller au Mont-de-piété : avant, il fait encore illusion et nul ne remarque dans la rue qu'il est pauvre, en sorte que rien ne lui rappelle uniment sa difficile situation. Le vêtement habille, c'est aussi bête que cela. Il cache le corps mais aussi ce que subit ce corps, et si l'on va plus loin, il cache un travail pénible ou un logement sordide. Évidemment, chez les riches, il révèle. Mais chez les pauvres, il sait taire ce qui doit rester secret.

J'ai un jeune ami qui galère en ce moment. Il est idiot parce qu'il a honte de son état et de son logement. Ce n'est pourtant pas écrit sur sa figure ! Et avec ca, il engloutit son fric dans la drogue au lieu de changer de chaussures qui ressemblent étrangement chez lui à la couverture du livre d'Orwell. Une fois que je le présentai à mon amie, elle ne remarqua que cette négligence quand lui se mortifiait de ce qu'elle découvrît ses 10 mètres carrés où elle se faisait une joie d'évoluer.

Les personnages d'Orwell et lui-même ne s'y trompent pas : avec le manger, ils n'ont de souci que leur veston et leurs pompes. Le reste n'est que littérature comme disait Verlaine, autre galérien céleste des rues de Paris.

 

Le Mardi 09 Août 2016 – Un gentleman souffre en silence

   Ma grand-mère disait qu'un gentleman souffre en silence. L'idée me plaisait d'instinct. La force. On ne se figure pas assez qu'une société virile l'est surtout par les femmes qui l'inculquent aux garçons. C'est une question de maintien qu'elles s'appliquent à elles aussi, par quoi une femme sait être virile sans perdre en féminité. La virilité n'est pas synonyme de masculinité. La femme spartiate, romaine ou européenne d'avant 68 est virile, a minima n'est-elle pas aussi castrée que la féministe actuelle.

   J'ai vécu quelque temps avec ma grand-mère dans une ferme de la Beauce exploitée par son fils et son mari. Durant la moisson, je l'aidais à porter dans les champs l'eau destinée à mon oncle et à mon grand-père. Ma grand-mère faisait tourner la baraque comme on dit. Elle n'était pas aux fourneaux, ni femme au foyer, seulement les tâches étaient reparties, moyennant quoi elle travaillait à l'entreprise familiale dans une entente et une égalité parfaites avec ses hommes qui l'adoraient. Moi le premier. Ha ! Ces promenades avec elle dans le blé de Juillet.

   Elle me laissait monter sur le tracteur ou la moissonneuse batteuse parce que je voulais accompagner les vrais. Le bruit empêchait la discussion et c'est donc là, dans l'habitacle d'engins agricoles, que je développai ma passion pour l'introspection. Je m'accommodais de la solitude, alors je méditais, seul ou en compagnie d'adultes également livrés à eux-mêmes. Bien que grand-mère me couchât tôt, j'ai le net souvenir de couchers de soleil sur les récoltes. Une boule orange descendait longtemps après avoir été blanche la journée passée. Sa chute l'engrossait avant qu'elle ne s'étale pour mourir. J'ai dû en ces moments comprendre qu'il faut avoir vu pour mieux regarder et penser. Au lit, afin de m'accompagner dans le sommeil que les enfants refusent, ma grand-mère me lisait les poèmes de fermiers bretons que je confrontais à l'horizon qui avait aimanté la lumière. La nuit était ma poésie, celle des premières fois.

   Je pense rarement à ces moments. Ils composent un bonheur trop rare dans la vie d'un individu dont le premier drame est la fin de l'enfance. Le second est la perte de sa jeunesse. Bonheur trop rare donc, dont l'absence est trop violente parce que définitive. Il me paraît que c'est la quête de cette partie de la vie, pour peu qu'elle ait été heureuse, qui conduit les hommes à boire et à se droguer, comme s'ils cherchaient à sortir de soi l'enfant mort qu'un état second ressusciterait. Alors ils retrouvent l'insouciance et l'émerveillement primitifs, revivant leur premier drame en accéléré lors de la gueule de bois.

   Il y eut un jour un incendie dans l'une des salles de bain de la maison. Je me lavais et le radiateur électrique commence à fumer. Ma grand-mère, ne se doutant de rien parce qu'elle m'a habitué à rester calme, n'arrive pas. Je reste à poil dans ma baignoire, curieux. Je ne sais pas du tout comment agir. Finalement, elle entre. Elle panique. Elle saisit une serviette qu'elle plaque contre l'appareil. C'est le feu. J'imagine que je pigne, elle me roule ici dans un peignoir et me descends là dans la cuisine. Elle alerte les pompiers mais préférant s'en remettre à sa famille, elle court prévenir l'oncle et le grand-père qui débarquent. L'ancien s'occupe de moi. Il me rassure si bien que je me dis que ça, c'est un grand-père, et que je ne serai jamais seul. L'oncle part avec un extincteur qu'il vide dans la mauvaise pièce. L'ancien est plié de rire : débonnaire devant la catastrophe, il se marre, il se bidonne parce qu'il mesure immédiatement une situation banale qu'il place dans les aléas. De toute façon, il a ses champs, il est comblé, rien de grave, sinon la mort, ne peut lui tomber dessus. Ma grand-mère guide les pompiers enfin débarqués. En un quart d'heure c'est plié. En bas, mon oncle s'est joint à nous. Jamais je n'oublierai la camaraderie dont il me gratifie alors. J'étais content du reste, nous étions entre hommes et j'avais été au feu, sans drame ni violence. Ils me félicitent, aucun pleur, tu n'as pas eu peur,  dis ? Non. Un gentleman souffre en silence. Le lendemain c'était oublié. En ai-je conçu quelque traumatisme qui nécessitât l'intervention d'un psy ? Nenni. Nous vivons à une époque de fiottes qui ressassent des problèmes qui n'en sont pas, qui créent des problèmes qui n'existent pas avant d'en apporter aux solutions qui se présentent. Notre époque, donc, parle sans cesse comme une menstrue continue. Ne peut-elle écraser ? Méconnaît-elle tant la pudeur qu'il lui faut perdre sa dignité dans la chiale ? Un gentleman souffre en silence.

 

Miscellanées d’Août 2016

-   

   Le courant électrique se propage sur la ligne de moindre résistance pareillement aux racines d'un arbre dans le sol. Il y a identité du mouvement et de son résultat dans les deux cas. Les arabesques dessinées par les électrons dans un espace à différence de potentiels ressemblent aux sinuosités creusées dans la terre par les végétaux. A partir de cette remarque, il est possible d'envisager qu'il existe un principe unique, plus ou moins caché, noumène ou phénomène, qui régisse l'ensemble des disciplines unies de facto dans un tout. L'univers a minima connu vivrait d'une pulsion unique dont la découverte ou l'identification permettrait d'unifier le savoir. C'est cette ambition qui fut d'abord une intuition (ce sont les avancées de la science qui transformèrent une ambition farfelue en quête légitime) qui préside aux œuvres des grands unificateurs occidentaux (Alexandre, Colomb, Napoléon, Lawrence d'Arabie, Rommel) ainsi qu'à celles des intellectuels d'Occident (Aristote, Léonard de Vinci, Pic de la Mirandole, Spengler, Nostradamus). L'universalisme est la passion de l'homme occidental. Sans doute l'idée ne vient-elle pas de lui, mais à coup sûr l'aura-t-il prise à son compte pour en concevoir son identité. Il est vrai qu'en tant qu'écrivain occidental cette idée me fascine et m'apparaît comme définitive : elle me définit, et met une fin à ma personne comme elle l'a initiée.

 

 

-

   Comment s'étonner des saillies racistes que subissent les athlètes asiatiques de la part des commentateurs des JO de France Télévision, officine gauchiste ?

Ce n’est pourtant qu’une énième preuve que l'antiracisme gauchiste est l'humeur noire d'un racisme refoulé. Le gauchiste s'interdit de dire, voire de penser, ce qu'il pense en secret. Il ne le dit ouvertement qu’au sujet des Asiatiques. Ils lui sont sa soupape mentale par quoi il éjecte toute la connerie qui bout dans son crâne-crâne minute.

Le gauchiste est une gigantesque chiure d'humanité, une immense saloperie : l'homoncule chié par l'alchimiste socialope.

 

 

-

   Depuis quelques matins, je compte la jalousie d'un cadre ricain à la piscine. Il n’apprécie pas que je nage plus vite que lui un crawl que je soutiens plus longtemps. Lorsque j’observe les quelques secondes de pause qu’impose le fractionné, il me regarde. Alors il gonfle ses pectoraux qui sont en train de devenir des seins. Il peine à retenir son bide d'où il expulse son amertume de yankee qui veut être the best partout. Et non mon pote, tu as choisi de faire de la thune et de rester assis. Tu deviens gros et rien ne sert de te mesurer à moi qui ne t'ai rien fait à part conchier ton mode de vie, comme tu conchies le mien parce que je n'ai pas de fric. Tu es le manager militant. Tu es le gigantesque connard que j’ai massacré dans l'eau puis humilié comme ton pays de cons humilie le mien. Dégage et cours t'enfourner tes horaires et tes burgers.

   Maintenant, il s’agite tel zébulon sur le parking, le portable vissé à l’oreille dans lequel il crache des ordres en anglais.

 

      

-

   Vu à la piscine le sosie total, absolu de Henry Miller précisément quand je lis NEXUS. Étrange résurrection.

   Vu un garçon de 13 ans blanc comme un bidet, gras comme un cochon, tout en crème - en train de faire des pompes dans les vestiaires. Sans doute croit-il tromper la gravité qui tire sur ses seins qu'il craint d'exhiber aux jeunes et méchantes pré-pubères. Il n'est pas armé. J'éprouve une sincère peine pour lui. Ses jambes sont grêlées de bubons rouges. Mais un homme gros en train de faire des pompes est déjà révolté. Rien que pour cela, j'aimerais l'aider. Je le mettrais aux légumes-viande-poisson-eau fraîche. Je le ferais lire, courir et nager avec une journée de repos sur dix jours. Il sentirait toute la force de sa jeunesse et rugirait comme un lion qui tuerait l'obèse qui le dévore. J'en ferais un homme qui se serait mené par sa révolte au sommet. Après il lui serait temps de descendre, et de recommencer. Alors les pré-pubères lui sauteraient dessus et ramperaient.

 

 

-

   Un jeune homme me parle ce matin dans les vestiaires. Il nage quotidiennement et me demande quelques conseils. Très vite, je me rends compte qu’il a moins de trente ans alors qu’il en paraît quarante. Il est sec, étique, presque anorexique. Son visage est marqué par des années de sport intense qui ont accéléré son vieillissement. Je comprends que c’est la course à pied qui l’a mis dans cet état. Il boîte parce qu’il s’est coincé un nerf dans le genou à force d’avoir tiré sur son dos. Il courrait tous les jours, et avoue qu’il ne savait pas que le sport à haute dose impose une discipline de tous les instants. Il faut savoir se nourrir et se reposer. Il a fait n’importe quoi et est quasi-grabataire. Il veut travailler à Paris, c’est pour bientôt. Ce sera dans la finance. Il est très curieux et d’une discussion agréable. Il est naïf lorsqu’il s’étonne que je n’aime pas le quartier de La Défense. Une jeune fille de Dinard me le rappellera quelques jours après lorsqu’elle s’enjouera des possibilités de rencontre du quartier d’affaires parisien. « On y croise des gens et tout, on peut faire du réseau ». Ha ! Vingt-trois ans...on croit décidément à tout, même à ce qui nous aura nié dans dix ans...

   Un retraité me coince dans l’ascenseur tandis que je rentre chez moi. « Vous êtes en vacances sans doute ? » « Oui. Vous aussi ? » « Ha non, je suis à la retraite moi, c’est tous les jours. Vous travaillez pour moi maintenant ! » me lance-t-il avant de sortir.

Sa génération a enfoncé la mienne dans la dette publique et dans l’immigration sauvage, sans jamais me demander mon avis ; elle m’impose ensuite de rembourser ses conneries et de financer son mode de vie à crédit à quoi elle, comme le retraité, s’est habituée, et après celui-ci blague avec une morgue de poudré. Tout penaud là, à profiter du communisme foireux de la retraite. Ca a cotisé un peu puis ca exige beaucoup de qui n’a rien. A trente ans, ca avait investi pour que dalle dans la pierre qui vaut trois vies de travail d’un trentenaire actuel à qui il loue un logement pour trois fois le prix. Ce genre de cons rackettent la jeunesse par les impôts et le loyer, c’est du jamais-vu : jamais jeune génération ne s’était faite autant vampiriser par les vieux. Mais la jeunesse est coupable de se laisser faire : elle devrait dire non et mettre un grand coup dans le derche de ces vieillards. Elle, nous !, devrions d’autant plus agir que nous ne nous toucherons jamais de retraite. Et au vrai je me fous de la retraite, cet idéal des faibles, et je m’en fous doublement parce qu’elle est aussi la seule ambition de la jeunesse actuelle. Mais qu’accepte-t-elle d’être infantilisée par des soixante-huitards du même temps qu’elle est vieillie par cette ambition finale ? Tous les guignols des trente glorioles sont armés du fric-hochet qu'ils agitent comme un enfant. Et parce qu’ils prétendent s’être libérés d’un ordre patriarcal que seul le capital a détruit (pas eux !) ils viennent donner la leçon. Non mais ho ! On est où là ? Les vieux cons vous avez tout eu, la croissance, la libération et après cela vous voulez nous enchaîner à vos écarts ? Allez vous faire foutre, l’avenir sera sans vous. Notre vie, c’est votre mort à crédit.

 

 

-

   De même que Laure Manaudou échoua aux JO de Pékin en 2008 après s’être privée de son entraîneur-formateur, de même Yannick Agnel s’est effondré aux JO de Rio en 2016 parce qu’il s’est séparé de son entraîneur-formateur en 2013. Il avait pourtant rejoint celui qui aida Michael Phelps à devenir Phelps. Mais il semble que Pygmalion soit l’homme de la seule statue qui n’appartienne qu’à lui. Ainsi, Agnel ne pouvait-il être l’homme du maître de Phelps, tout comme celui-ci ne pouvait être le chef d’Agnel. Agnel est un nageur exceptionnel qui fut génial en 2012 aux JO de Londres. Seulement, il n’était pas seul ni ne se réduisait à lui-même. Ce qu’il produisit fut l’œuvre de son entraîneur-formateur qui avait su interpréter son poulain. Agnel est créatif mais celui qui sut le comprendre l’était aussi, et sans lui, Agnel était amputé d’une part de soi.

J’ai déjà écrit que le génie réside aussi dans l’interprétation et point seulement dans la création. Un champion doit être interprété pour devenir ce qu’il est, en sorte que son style et ses résultats appartiennent aussi à qui l’a dirigé.

La relation entre un entraîneur et un athlète qu’un film comme LES CHARIOTS DE FEU rend avec émotion est similaire à celle qui unit un éditeur et un écrivain ou un pianiste et un compositeur (même si celle-ci n’est pas contemporaine en ses parties). Je ne considère pas le critique comme un partenaire de l’artiste ou du sportif. Le film GENIUS montre l’éditeur Maxwell Perkins travailler à l’œuvre de l’écrivain Thomas Wolfe. Si le second écrit, le premier orchestre, de sorte que le livre issu de leur collaboration n’aurait jamais existé sans elle. Perkins est l’interprète de Wolfe et n’en est pas moins essentiel à son génie. Perkins permit également à Hemingway et à Fitzgerald de tirer le meilleur d’eux-mêmes. C’est dire ! N’est-il pas un génie celui qui offre à la littérature de son pays trois écrivains d’une trempe universelle ?

   En ce qui concerne le sport de haut niveau, et plus encore la natation qui suppose un entraînement solitaire et ingrat parce que long, répétitif et quotidien, la discipline est la clé. Je me souviens de mes entraîneurs me disant que « la nage, pas de secret, faut en bouffer ». Il est impossible de progresser sans s’entraîner moins de trois fois par semaine à raison d’une heure d’exercice. C’est une activité exigeante que seule la détermination permet de supporter. Un mental fort est essentiel. C’est néanmoins ici que résident tout à la fois les forces et les limites de la natation – et certainement du sport de haut niveau d’endurance se pratiquant seul : la répétition jour après jour de gestes identiques conduit à la dépression. Le temps semble long dans un bassin de 50m parcouru 340 fois en une journée, ce qui représente 17km. Le nageur est isolé du monde et projeté en soi. L’introspection est certes troublée par la concentration sur le mouvement du corps et sa respiration, mais que de moments usés seul face à soi-même.

Les deux plus grands nageurs du XXème siècle sont l’Australien Thorpe et l’Américain Phelps. Or les deux ont connu une violente dépression. Ils doivent leurs résultats à leur talent mais aussi aux nombreux efforts produits par un travail assidu qui les a portés à la déprime. C’est parce qu’ils sont de grands nageurs qu’ils ont dépéri mentalement. Ce n’est pas paradoxal une fois admis et connu ce qu’il en coûte de devenir ce qu’ils sont. Thorpe est alcoolique et drogué et déteste l’homosexuel qu’il est. Phelps a cessé la natation durant deux ans à partir de 2012 au cours de quoi il but et se drogua. Il a malgré cela été impressionnant à Rio. Deux années lui ont suffi à combler le retard pris sur la concurrence puis à l’écraser. Il a du génie mais son abnégation est ahurissante. Annoncé perdant, il a resurgi plus puissant qu’avant. Quelle discipline. Quelle force. Quel goût de la charge. Je suis toujours admiratif de ces surhommes, et j’ai toujours adoré les vieux chevaux de retour chez les champions. Ils font de très bons films, notamment en boxe, mais désormais la natation tient avec Phelps un biopic de légende. A Hollywood de s’emparer de ce héros américain.

 

 

-

   Un Brésilien justifie à la télévision le chambrage que subissent les athlètes français par l’idée que la France ne possède pas de grands sportifs. Quelle place le Brésil occupe-t-il au classement des médailles, déjà ? Je n’entends plus rien. Rigolo.

   Au-delà de cela, le Brésil est un échec tout court. C’est un pays bouffé par la corruption. Un ami est parti y habiter et y fait même souche puisqu’il vient d’avoir un enfant avec une Brésilienne. Il vante sans cesse les avantages de son autre pays, mais il faut le voir pester sur ses dysfonctionnements à coup de « en France ca ne se passe pas comme ca ! ». Un colon râleur, soudain en goguette lorsqu’il sort de l’administration en maugréant que « ce pays n’avancera jamais avec ce fardeau administratif, c’est horrible », et que sa femme le gronde de critiquer son pays à elle. Le Brésil est une société physiquement hideuse où l’horreur du métissage s’affiche à chaque coin de rue. Qui est obèse, qui est difforme, la bouilla-baise a produit des monstres génétiques. Et partout la violence, à un point tel qu’il est vivement recommandé de prendre un taxi pour effectuer plus de 100 mètres. C’est une société multiraciale et donc multiratée. Qui souhaiterait vivre dans cette ambiance ? Zweig s’est planté avec son BRESIL, TERRE D’AVENIR. C’est un endroit invivable, et d’ailleurs Zweig s’y est suicidé.

Il me souvient de cette pute atroce qui m’avait surpris dans ma lecture quand, attablé à siroter une noix de coco devant la plage d’Ipanema, elle m’avait caressé le bras en manière d’invitation à la rejoindre. C’était un être que la révolution métissée avait fait s’arrêter à la frontière qui sépare l’homme du singe. Elle portait une culotte verte, sa peau était noire, elle me montrait deux seins de petit garçon et ne parvenait pas à parler son propre dialecte.

   Mais il ne sert à rien de chambrer ce pays sous-développé en voie de sous-développement tant il fait pitié. Il m’évoque ces danseuses noires américaines vues dans une vidéo de Facebook, lesquelles jerkent et twerkent en tutu tout en faisant des pointes, sans doute agitées par l’idée de « bousculer les codes » de la danse classique. C’est rigolo. Un peu comme un caniche que mémé habille en homme. L’absurdité idiote est identique.

 

 

-

   Le jeu Pokémon go popularise Pikachu jusque dans les coins les plus reculés. Dans un village de la campagne du centre-Bretagne, à Trébrivan pour être exact, un chasseur tourne autour de l’Eglise, seul sous le soleil d’Août. Il paraît que ca permet de rencontrer des gens. Voilà l’espoir en toc que lui vend la mondialisation après l’avoir isolé. Loin des grandes villes, en proie à la faillite de l’économie paysanne, le rural court après Pikachu. Est-ce que Christophe Guilly avait prévu cela ? Avait-il senti qu’au lieu d’affronter la réalité de son chômage que sa famille se refile de père en fils, le rural oublierait l’échec non plus dans les paradis artificiels mais dans l’enfer virtuel ?

   A Vannes, je me promène en compagnie de mon père et de mon oncle. A la sortie des bois qui débouchent sur la mer étale, nous trouvons un gamin de dix ans qui nous crie « Zavez pas vu un Pikachu ? ». Pas bonjour, rien, le gosse surexcité. « C’est quoi un Pikachu ? » demande mon oncle sur un ton moqueur (je venais de lui expliquer la logique de ce jeu qui pollue mon open-space). « C’est pour un jeu, faut les trouver. » Je balance alors qu’on ne joue pas à ca puis on trisse. Dix mètres plus loin, trois chiards déboulent « Pikachu, par ici, par là-bas ». Ils me rappellent les trentenaires de mon taff qui partent se défouler avec leurs pokémons sur le parvis de La Défense. C’est la boîte qui organise. Et tout par mail. Vachement chiadé.

Les commentaires sont fermés.