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12/09/2017

Remarques en voyageant - Bretagne et Portugal - Août 2017

Pat Poker

-BRETAGNE-

 

Samedi 12 Août 2017 - Matin

        Dans le train Paris-Lamballe.

        Ma voisine, certainement éditrice, lit un polar manuscrit dont le titre est FU CHI (l'enveloppe le contenant est fraîchement déchirée). Une resucée des livres de Van Gulik avec le juge Ti ? Elle entoure le mot « manchon » (avec un « ? ») dans l'expression « chien de manchon », que je ne connais pas non plus. Je photographie discrètement la page avec mon smartphone afin de lire avec elle.
Peu après, je reprends mon livre du moment, AIR INDIEN de Paul Morand, et tombe sur mes chiens de manchon. Quelle étrange coïncidence…

V., la sœur de L., est attentive à ce genre de signes : elle me disait qu'après avoir appris un mot jamais vu auparavant, elle le revoyait et l’entendait sans cesse pendant une longue période suivant la découverte. C'est aussi mon cas. Et encore ce matin. C'est d'autant plus criant que le hasard utilise un chien, donc un animal, juste après les papillons et la guêpe de la semaine écoulée. Par leur cohérence dans leurs manifestations, ici animales, tous ces signes me semblent destinés.

 

        En face de moi se trouve une grande fille, pas maquillée, sans doute étudiante. Brune à la peau ocre, terreuse. Elle paraît triste et me rappelle la femme du FEU FOLLET qu’Alain compare à un dinosaure, un plésiosaure, je crois. Elle tient ses mains jointes de la même façon que moi. Elle a les gestes délicats, comme si elle s'excusait d'être née. Pudeur européenne. Elle sourit parfois en lisant ; ses longs membres qu'elle étire tel un chat, son visage à la Gainsborough font penser à un personnage de Jane Austen. Y compris ses deux cernes posés sous les yeux par une création qui sait qu'un défaut ne trouble pas l’harmonie d’un visage. Paradoxe de l’équilibre. Maintien aristocratique. Elle étudie aussi des cours, ou une thèse ?

 

Samedi 12 Août 2017 – Soir - Méditations

-METAPHYSIQUE-

          La morale s'occupe du bien, l'éthique du juste. Avec le temps, je déteste de plus en plus la première et m'en remets d'autant à la seconde.
L'opposition morale/éthique s'exprime au niveau politique dans l'affrontement gauche/droite.

         Un gauchiste veut le bien, et en mauvais moraliste, c'est-à-dire en bon moralisateur, décrète que ce qui est bien pour lui le sera pour autrui. L'autre est forcément comme lui, et s'il en disconvient, c'est qu'il ne le sait pas encore. Alors on va lui apprendre, « il faut l'éduquer », et s'il résiste, c'est qu'il est fou. « Qu'on enferme ou qu'on tue cet ennemi du bien » décide le gauchiste dont le psychisme suit celui des fanatiques monothéistes.

         Le droitard fait cas d'autrui. Il existe un bon individualisme qui encadre l'existence. Si les bornes sont naturelles, c'est la coutume (modèle germanique). Si elles sont positives (au sens juridique), c'est la loi (modèle latin). Il importe que ces bornes soient justes, et c'est évidemment à la justice d'y veiller : c'est son autorité qui impose à chacun une éthique. Des variantes personnelles sont tolérées pourvu qu'elles ne troublent pas l'ordre. Aucune morale ici, pas de régime du bien. Mais des comportements garantis par l'instruction préalable (au lieu d'une éducation a posteriori).

 

         La liberté n'existe pas sans la responsabilité corollaire. La première ne va pas sans la seconde. Rengaine de libéral me dit-on. C'est exact. Et après ? Quand on me dit ca, je sais que c’est parce que l'égalité est préférée à la liberté et peu importe qu'elle la limite puis la détruise à force de ratiboiser. Rien ne doit dépasser. Cette métaphysique engage à traquer la moindre irrégularité jusqu'à l'élagage total. Tout doit être égal. Partout. Tout le temps. Et pour s'en assurer, il faut interdire.
         Attendu que les inégalités naturelles ne sont pas (encore?) vaincues, la loterie génétique crée un déséquilibre dans un monde qui se serait voué à l'égalité. Les plus intelligents ne sont nulle part ni toujours pas tués à la naissance - ni les plus beaux exécutés à l'adolescence, pour prendre pour exemples les critères discriminatoires de QI et de beauté. S'établit lors une liberté spontanée et parallèle. L'égalité est d'apparence. Elle n'ignore pas l'inégalité cachée, et si elle fait semblant de ne pas la voir, elle fait avec. Alors elle tire au sort quand il s'agit de choisir, en jurant que c'est égalitaire quand ce n'est qu'un dévoiement de la liberté. L'image du jeu de la courte paille est la bonne : en apparence, des épis de même longueur, mais sous les doigts qui les tiennent, les brefs se mélangent aux longs. Le hasard choisira. Dans cette allégorie frappante, non seulement la liberté s'effondre dans le poing qui l'enserre, mais l'égalité devient l'inégalité. Ce n'est pas mal, c'est injuste, de sorte que l'égalité n'est pas éthique et qu'il semble que la liberté le soit davantage, du moins par l'absurde, ce qui ne démontre pas qu'il existe une liberté absolument éthique. C'est qu'il faut encore l'adosser à la responsabilité : il vient que la liberté est relativement éthique. L'égalité ne l'est absolument pas.
               

        L'égalité crée un monde d'enfants.
        La liberté permet un monde d'adultes.

 

-SPORT-

Bolt vient de s’effondrer dans la dernière ligne droite de la finale du relais 4X100 des championnats d’athlétisme de Londres.

        Bolt : encore ce fatum, cet hybris, ce destin de demi-dieu, cette fin tragique qui lui rappelle qu'il n'en est pas un, de dieu, mais qu'un demi. Sortie tragique à la Zidane. On retiendra plus sa défaite que la victoire britannique. Comme on se souvient davantage de celle de Zidane. Devant le spectacle de l'athlète terrassé, qui aurait pu tout avoir et n'a rien, et tout cela parce qu'il a déjà trop et tout eu (paradoxe) on se dit qu'il y a de la beauté dans la chute. Quelque chose d'antique, de grec, d'homérique, de vieux comme le monde et de vrai. On comprend lors qu'on assiste à la naissance d'un mythe, enfin achevé par et dans la défaite. Sans elle, Bolt ni Zidane ne seraient devenus ce qu'ils sont. Soudain, on pense à la corrida et à sa mise en scène du héros déchu, condamné à l'avance à déchoir à cause de son dieu d'homme. Plus que d'une scénographie ou d'une danse de la mort, la corrida vit de la représentation homérique du fatum. Les jeux olympiques ou n'importe quelle compétition sportive aussi : en haut les dieux, en bas les demis.
                (Le retour de Zidane en tant qu'entraîneur appuie sur un autre ressort de l'épopée : la revanche. Gare à l'hybris, encore. Espérons qu'il ne le lui sera pas rappelé quand il dirigera l'équipe de France).

 

-PORTUGAL-

 

L. et moi sommes arrivés le vendredi 18 Août 2017 à Lisbonne. Nous récupérons une FIAT 500 +  près de l’aéroport (louée à l’avance) et nous rendons à Setúbal dans notre Airbnb de campagne. Nous irons ensuite à Sintra (Airbnb), puis dans l’Algarve à Galé (proche de Guia) (Airbnb encore). Le Portugal est maillé d’autoroutes neuves, en sorte qu’y voyager en voiture rend sa visite facile.

Mercredi 23 Août 2017 – Sintra - Portugal

        L. et moi occupons une pousada sur les collines de Sintra, en-dessous du château des Maures. Il me souvient qu’à Rio aussi je logeais dans une pousada. Bien plus rustique cependant. Bas-de-gamme, même ; carrément tiers-monde. La pousada de Sintra est une bâtisse semblable à celle qu’occupaient mes parents à Buda quand ils vivaient en Hongrie au milieu des années 2000. Le salon et son balcon donnaient sur Pest que le Danube cimentait à la butte. Budapest, Buda-Pecht en russe, s’enroulait autour du fleuve comme Sintra se jette sur l’horizon atlantique. Le matin, L. et moi distinguons l’océan au milieu des brumes, depuis la terrasse art-déco.    

       

        Nous tentons une promenade dans la ville qui est envahie par les touristes. Nous renonçons. Les gens nous donnent le tournis et décidons de visiter un château plus tard.

Ici comme ailleurs, la massification est actée. Il paraît que les retraités français débarquent depuis cinq ans. Un « phénomène de société » qui concernerait 35% de la population. Nos vieux viennent chercher une France des années 60 si j’en crois un récent titre du MONDE. Je me demande si, après avoir mis leur pays à genoux par leur comportement égoïste et délétère, ils reproduiront la chose ici. L. me certifie que oui - qu’ils encourageront l’immigration parce qu’ils auront le même besoin d’esclaves. Et tant pis pour les conséquences pour le peuple portugais et sa jeunesse.

Cette jeunesse m’étonne, du reste : les mythes parisiens ont créé un Portugais râblé, chauve et poilu, au pendant féminin à la nuque rentrée dans l’épaule : c’est faux. Je suis surpris par la beauté des 15-35 ans. En-dessous, je ne regarde pas, et au-delà, c’est déjà gâté. L’indiscipline latine sans doute, ou plutôt une incapacité à maintenir l’effort auquel les jeunes filles et garçons consentent : ils sont athlétiques, ingambes, dotés de belles peaux. Les hommes jouissent d’une musculature souple, quant aux femmes, elles n’hésitent pas à s’afficher en string. Les formes empruntent ici au melon, tandis qu’en France c’est à la pêche plate. Affaire de génétique.

Les deux sexes prennent la pose-photo à la plage, sur les rochers, au mépris du regard d’autrui. Détachés d’eux-mêmes, les Portugais s’alanguissent pour des clichés de charme qui n’ont aucun secret pour L. et moi. Chairs lascives. Rigolo. Le spectacle ravit les deux sportifs que nous sommes.
                Je remarque que les adolescents allemands lisent sur la plage. Je me souviens des observations de sieur T. dans les entrées « Stuttgart » de son journal qu’il m’envoie parfois. Il notait l’épatante éducation germanique, encore valable aujourd’hui. Mes lecteurs tendent à le confirmer. Pénétrée de Rilke (je suis parvenu à deviner ce qu’une jeunette étudiait), l’une d’entre eux était effrayée par le vent, hier, à Cascais, dédiée au surf et aux nouveaux riches. Elle ne craignait pas le soleil, autre dieu païen, auquel elle offrait son derme blanc.

 

                Nous visitons le palais de Pena dans les hauteurs de Sintra. Allure kitsch et couleurs vives, architecture de carton-pâte. La fantaisie arabe ne ravit plus l’Européen que je suis : je ne parviens pas à admirer les réalisations de ceux qui nous envahissent aujourd’hui. Il y a trop d’extravagance dans le château du Roi Fernand II, certainement inspiré par les Maures dont la forteresse voisine la sienne. C’est le fort du ROI ET L’OISEAU. Sa pierre est tantôt ciselée, tantôt posée là, par paresse.

                En parcourant le chemin de garde, je tombe sur un bonsaï géant. Une estampe d’Hokusai. Je note : « Quand la nature imite l’art ». C’est somptueux. Je pense au réalisme magique de Gabriel García Márquez et à mon concept de surréalité tout trouvé. Pour rappel :

Le 07 Avril 2016 – Surréalité

Hier, jour de pluie que je marchais, je m’imaginais les parapluies se refermer brutalement sur les gens. Je les voyais s’animer comme des plantes carnivores. J’ai pensé qu’une telle situation serait une surréalité. Irréalité, non : parce que les parapluies peuvent se refermer, et souvent cela se produit par gros temps. Surréalité, oui : parce que le résultat de leur fermeture inopinée n’est pas de broyer les gens mais de les agacer. Si je popularise cet événement, c’est-à-dire si je crée un monde où les parapluies menacent de dévorer qui les tient, je crée un univers surréaliste qui correspond à ceux de Boris Vian. Ainsi de L’HERBE ROUGE ou de L’ARRACHE-CŒUR. Le surréalisme est le résultat d’une surréalité qui survient et qui se répète. L’irréalité n’existe pas en sorte qu’il est possible de parler d’irréalisme pour relever une absence de sens. Y-a-t-il un sens à ce que les parapluies mangent leur propriétaire ? Non dans la réalité mais oui en surréalité. La surréalité prolonge le réel en l’intensifiant. Un parapluie se ferme, et après ? Si c’est rien, c’est marre, mais si c’est tragique ou comique, c’est plus intense. Alors les gens déchiquetés par les pans plastiques ne sont qu’une réalité soumise à l’épreuve de ce qu’elle pourrait être : soit une surréalité.

Il me semble qu’un morceau de Japon placé par la nature dans un château mauresque du Portugal a tout du parapluie carnivore.

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Jeudi 24 Août 2017 – Lisbonne – Portugal

        Ville claire : soleil ; murs et sols blancs ; océan. Allure balnéaire avec des voies piétonnes sur berge. L’Océan Atlantique agrandit Lisbonne : sa place royale (la plus grande d’Europe) s’ouvre sur l’infini, et deux poteaux de pierre surgissent des marches situées à ses confins. Plantés dans la mer, abandonnés à  l’escalier lui-même voué aux profondeurs, ils proclament la victoire de l’architecture sur la nature et qu’il y a dans l’art une volonté de gagner par la beauté. Idées de force et de vérité s’entremêlent dans la compétition que l’Homme engage avec l’environnement. Pari tenu en Europe, comme d’habitude. Ha, le pont Vasco de Gama !

        Nous visitons le monastère des Hiéronymites partiellement détruit par le séisme de 1755 qui provoqua le premier élan humanitaire (cf. les foucades de l’hystérique Voltaire). Toute de marbre blanc, sa conception ménage des couloirs de climatisation. Encore une prouesse des Anciens pour contrecarrer la canicule. Nous nous recueillons sur la tombe de Pessoa. Je parle de l’écrivain à L. ; nous évoquons la saudade, le fado, et la langue portugaise. Pessoa signifie Personne de sorte que l’auteur de LISBONNE irrigue le Portugal entier par la langue avant ses poèmes.

        Nous parlons de l’œuvre de Denis Villeneuve où affleure son amour pour ce pays. PREMIER CONTACT s’ouvre sur une linguiste qui vante le génie poétique du portugais. Le film ENEMY provient du livre L’AUTRE COMME MOI du Nobel de littérature José Saramago, écrivain lusophone connu pour une ponctuation anarchique : il est l’inventeur d’un nouveau médium, sorte de métaphysique du langage permise par le portugais. Fascinant.

        Nous arrivons à la place royale, déjà évoquée, puis montons au château. Des trams vieux de 60 ans s’ébrouent dans les montées. Sintra et Lisbonne : villes de collines, pareilles à Rio que les Portugais n’ont certainement pas choisi par hasard pour y appliquer leur conquête de l’espace.

Au milieu des ruines du château Saint-Georges, je peine à identifier les arbres. Je décèle des séquoias, en vérifie le nom auprès de L., et m’abandonne à la vue de Lisbonne étalée. Ambiance Pão de Açúcar, Mont du Pain de Sucre. Les maisons sont à taille humaine ; l’Atlantique donne du souffle à une ville qui n’en a pas besoin parce qu’elle a la chance de n’être pas surpeuplée. J’admire les ponts, ces réalisations seront le seul legs de notre civilisation selon E., le grand-frère de L. Notant cela, je m’avise de mon déficit de vocabulaire pour enfermer ce que je vois dans les mots. Je ne sais pas verbaliser, du moins pas aussi bien que Morand. En lisant ses récits de voyage, AIR INDIEN par exemple, achevé il y a peu, mon ignorance encaisse autant d’upper-cuts qu’il y a de pages. D’ailleurs, comment parmi mes congénères, les plus ignorants encore peuvent-ils se contenter de si peu ? Mon époque est d’un médiocre... Les rares Français croisés sont des Africains, ou apparentés, et des Arabes voilées avec leur racaille de jules ; quelques familles blanches, témoignage fossile de cette France des années 60 : individus soignés, courtois, curieux, à la recherche du savoir et de symboles d’appartenance à l’Europe.

        Au restaurant, nous testons le bar : poisson épais, et les gambas : énormes. Le vin rosé tape fort, comme à Setúbal. Les plats sont copieux, peu chers, à la brésilienne, mais la cuisine est meilleure. Un peuple marin qui sait aussi cuisiner.

        Une fois livrée à la nuit, Lisbonne est envahie de dealers. Tous les dix mètres, L.et moi sommes importunés en vue d’acheter de la cocaïne, des amphétamines et de l’héroïne. Les types présentent bien et parlent le sabir saxon des touristes : Pessoa est devenu personne. Plus loin, alors que nous traversons, surgit sur notre gauche un bus à carburant électrique que L. n’entend pas ; étant trop loin pour stopper son élan, je hurle, et bien que mon cerveau soit déjà en train d’intégrer qu’elle meurt sous mes yeux, écrabouillée, le miracle s’accomplit : L. se retire à temps. Je m’assois sur un banc, hébété. Je suis prostré. J’ai failli voir l’un de mes parapluies carnivores se refermer sur L. et moi ; j’aurais tout perdu encore ; le réalisme magique colombien confine à l’horreur, tout eût été logique, donc. La mort qui survient à un moment et à un endroit où elle est le moins attendue, en une façon pareillement inattendue : c’est là une surréalité. J’aimerais être moins clairvoyant, et que mes théories ne se vérifient pas, parce que tout ne tient qu’à un fil, et c’est abjection de comprendre ce qui le rompt. C’est usant. Quand cesseront de planer sur moi l’esprit de la mère et de la mort paronyme ? Jamais.

 

Nuits des Vendredi 25  Août 2017 et Samedi 26 Août 2017 – Sintra et Galé dans l’Algarve - Portugal

        Les deux nuits ont été agitées. Cauchemars. J’ai rêvé d’un crash aérien. J’assistais à l’accident depuis une calanque de Setúbal. Réveil pénible. Je me souviens qu’alors j’ai cherché dans le tiroir de la table de nuit de quoi boire. Je me suis énervé parce que je ne parvenais à l’ouvrir ni à Sintra, ni à Galé. Les Portugais ont développé une passion pour le tiroir-poussoir. Partout, il faut appuyer pour déployer l’engin. Contre-intuitif ! C’est d’autant plus idiot que cela se détériore plus vite.


Lundi 28 Août 2017, Mardi 29 Août 2017 et Mercredi 30 Août 2017 – Portimão, Albufeira, Lagos, Carvoeiro en Algarve - Portugal
                Algarve dans le district de Faro, région sud du Portugal. Atlantique et méditerranée se rencontrent : eau chaude (à la différence de la côté atlantique, aux températures bretonnes), mélange de Mare nostrum et du Nouveau Monde. L’ancien monde algarve est arabe, lui, c’était l’Al-Gharb, l’ouest, du temps du royaume d’Al-Andalus (« les terres données par hasard » en vieux germain) qui suivit celui des Wisigoths, chassés par les Maures. Les noms des villes rappellent leur présence, tous les noms débutant par le préfixe Al-, en fait, tel Albufeira, justement, pour ce qui est de la toponymie dont l’héritage sémantique prépare et conserve le terrain pour les revenants islamiques. L. et moi visitons ces jours-ci le Saint-Tropez portugais. Endroit populeux, rempli de beaufs. Français, Engliches, Allemands s’y sont donné rendez-vous pour retrouver ce qu’ils ont fui : le nombre, la masse, les gens, le bruit, les néons multicolores, la lumière infranaturelle, en-dessous de tout, et ces prix artificiellement dopés. Nous goûtons la spécialité locale : le poulet piri-piri, très poivré. (Un rosé encore).

 

        L. et moi nous rendons à la plage en courant. Etendues à flanc de falaise ou sables piégés par les rochers. Nous courrons dans les alentours de la praia da falésia ; Colorado en Algarve, terre rouge, soleil apache ; arpenter la terre comme Sylvain Tesson pour la posséder. Les paysages sortent de FEAR THE WALKING DEAD, série carnivore, parapluies, réalisme magique. Après l’effort, le bain, précédé d’une séance de gainage. Sensation de faire partie d’un grand tout. Les concepts se fracassent dans mon cerveau : monisme, nomos, cosmos, ces fils conducteur de l’homme à la terre. Il me souvient d’avoir contemplé une pluie d’étoiles à Setúbal, un soir, et d’avoir souhaité que l’univers se referme sur nous, comme d’un parapluie gigantesque et cosmique. Souvenir, déjà.