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22/12/2015

Interventions pour habiter le siècle - Le 22/12/2015

Pat Poker

 

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        Qui nie les origines socialistes du fascisme ? Les incultes à force de s’aveugler. Ce sont les mêmes qui auraient recyclé Hitler s’il n’avait pas ordonné la Solution Finale. Il aurait servi à la gauche moderne que Christopher Lasch appelle la Nouvelle Gauche, c'est-à-dire celle qui échange l’ouvrier et le prolo contre l’immigré et le bobo. La Nouvelle Gauche d’inspiration US aurait vanté le miracle économique du IIIème Reich qu’elle choisit d’occulter. Au lieu de quoi elle suit la New Left qui a opté pour la New Economy et sa logique de trust. En nouvelle gauche, la collectivisation devient la concentration. Concentration des gens et de l’argent en des nœuds de richesse qui donnent les points capitaux, c'est-à-dire les lieux du capital. Les gens s’entassent à l’usine ou à l’open-space sur un modèle concentrationnaire. Le rat des villes est un rat des camps.

 

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        Le fasciste, comme le trotskyste, est anticapitaliste. Marx : « Le capitalisme est par essence révolutionnaire ». Comprendre : il a vocation à tout casser. Le capitaliste n’est ni de droite-ni de gauche parce qu’il est nihiliste ; il projette de détruire. L’historien Zeev Sternhell dit que le fasciste n’est ni de droite-ni de gauche non plus, mais il ne lui dénie pas ses bâtisseurs. Ni de droite-ni de gauche le fasciste parce qu’antiparlementaire, donc refus des partis. L’exécutif, rien que l’exécutif, d’où le culte du chef qui concentre non point le capital mais la force. Il ne jugule pas le sang en sorte qu’il ne peut être roi. Il n’est élu ni par les gens ni par le nom mais plébiscité par la violence. De là le recours au référendum pour être confirmé. Force et violence et la pierre contre puissance et viol et l’argent.

        Unique lien entre le fasciste et le royaliste : ils respectent pareillement la race.

 

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        Les droitards d'argent.

        Ils sont gauchistes de mœurs mais pas d’économie. Je regardais hier soir Francis Cousin qui amène à la même réflexion. Au vrai, la droite et la gauche sont d’économie protectionniste à la différence des puissances d'argent. Celles-là animent une droite, non pas la droite, mais une droite, et c'est la droite la plus crasse : l'orléaniste. Celle-ci est protestante ou juive, toujours grasse et matérielle. C’est pourquoi il arrive que le communiste et l'extrême-droitard, tous deux en rupture avec le matérialisme et sa veulerie, communient dans la même aversion pour le protestant et le juif - ou dans son corollaire qui est la fascination pour l’élan et la force. Le grand rut de DH.Lawrence. Le Grand Oui à la vie de Nietzsche. Le sport de Drieu la Rochelle.

        Maintenant, il faut se demander si l’extrême-droite est vraiment de droite.

 

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        Le FN est un vote. Un vote tout court qui mélange adhésion, dépit, pis-aller, et en ce sens moins strict que le vote du Pet i.e. LRPet-S qui est un vote de conviction. Le vote FN est plus radical mais moins strict.

Les gens stricts sont sévères, austères, figés, en un mot : lourds. Il se trouve plus de diversité des caractères au FN comme au PC d’antan. Il y règne plus de goût, et notamment plus de goût pour le panache. C’est la joie d'être. Le vote du Pet recherche l'avoir. Or pour avoir, il faut être strict, obéir à un plan et non à une voie fantasque qui expose à la surprise. C’est épais, car taillé dans la couenne.

 

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        Si tu écoutes les votants du Pet, ils sont dogmatiques. Leur pilier est l’obéissance aux principes de la digestion donc ce qui entre doit sortir. Ils expulsent. Le changement. La nouveauté. La purge. L'urne est leur chiotte, et c'est là qu'ils posent et sont déposés.

Les discours des Pets sont franchement raseurs. Moralisateurs. Des protestants qui se disent sociaux pour se punir d'aimer l'argent. Ce sont les enfants de Calvin.

Les votes catholiques sont nationalistes ou aristocrates, moins fric, et partant plus fantasques, francs et cohérents, sans la mauvaise conscience qu'ils laissent au péché originel. Tu trouveras plus de drôlerie chez les catholiques que chez les protestants. Les catholiques s’assument, les protestants consomment. Ce n'est pas pour rien qu'il y a un art catholique que les protestants n'ont jamais su imiter.

Lars von Trier est devenu catholique par l'amour de l'art catholique. Il a rejeté le protestantisme dont la fesse social-démocrate assoit la Scandinavie sur un lisier mental qui s’ampute de l’esthétique. Trier est radical. Il est traité de nazi. Certaines de ses déclarations durant le festival de Cannes en 2011, en marge de son somptueux MELANCOLIA mystico-fasciste, ne laissent pas de place au doute : il vomit l'argent et épouse la radicalité de la vie.

C'est en écoutant Trier (sans pigner comme Calvin), lorsqu'il parle des amants du flouze, que j'ai affiné ma vision du monde. Une weltanschauung, c’est important.

 

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        Le protestantisme est le corps politique du capital. Il lui donne un gouvernement qui est la social-démocratie parlementaire.

        L’âme du capital est juive, parce que nomade et circulatoire. Elle lui donne un régime qui est la république maçonnique.

        C’est là qu’il ne faut pas beugler au complotisme avec des cris de veau qui se fait dévorer par un loup. Le maconnisme n’induit pas de conspiration mais abjure la raison dans le rationalisme. Il soumet la France à une abstraction parjure qui démolit les fois. Le maconnisme se pare des oripeaux des religions qu’il exècre et remplace ce qu’il détruit. Il se construit une église et une croyance sans révélation qu’il entretient au temple dans une fratrie de cons travestis. Les frères sont fardés comme des trav qui miment ce qu’ils ne seront jamais : qui des hommes, qui des femmes. Tous : des putains.

 

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L'Aristo dit que la droite n'est ni à droite , ni à gauche - et que la gauche n'est ni à gauche, ni à droite : la droite est en haut, et la gauche est en bas.

21/12/2015

Notes pour apprendre les siècles - Remarque sur F.S Fitzgerald - Le 21/12/2015

Pat Poker

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      Dès les années 50, d’acerbes critiques s’abattent sur le rock’n’roll. « Cette musique de dégénérés » entend-on. Elles viennent toutes de la droite dure, c'est-à-dire du mépris de l’argent. C’est la droite composée de ce que René Rémond appelle dans son HISTOIRE DES DROITES EN FRANCE la droite légitimiste, contre-révolutionnaire, et la droite bonapartiste, nationaliste. Il s’agit de forces qui s’opposent à la bourgeoisie dont l’idéal commence avec le fric et s’arrête au confort. Cette classe dite moyenne, et précisément parce qu’elle l’est en tout, s’ébat dans le rock sur des paroles qui vantent l’hédonisme encore célébré par un rythme encourageant le déhanché : tout doit être cool et relax.

La bourgeoisie n’est pas en reste. Elle enferme la droite dure dans des positions esthétiques loin des réalités. La musique classique est pédante, l’accordéon est ringard. N’importe quel ragotin de l’UM-Pet-S me l’a toujours signifié. Pour un bourgeois, un dandy est un poseur. Il est ce paumé qui, parce qu’il est paumé, a beau être gracieux mais n’a pas plus de classe que le prolo en salopette.

Ceci étant, nul ne nie que le rock diffuse les idéaux du capitalisme. Les droitards esthétiques les vomissent pendant que les bourges les épousent sans sourciller. Ils sont ces vagabonds que le groupe DION chante dans THE WANDERER (littéralement le vagabond), des bonshommes hors-sol dont la danse suggère leur attitude détachée.

      Les droitards esthétiques sont les aristocrates (les légitimistes) et les plébéiens (les nationalistes). Les premiers s’entretiennent dans la musique classique (concert et opéra) et les seconds dans les bals populaires (musette et festnoz). Ils placent la musique céleste et la musique terrestre en face du rock’n’roll.

Il me souvient de camarades bourgeois chahutant leur partenaire de rock avec fracas. Rires, jetés de bras, roue et mouvements débiles. Quelle grâce à cela ? Quelle décontraction vraie dans ces fausses manœuvres du corps soumis aux mimes de l’érotisme ? C’est  d’ailleurs quand il est imité que celui-ci tourne au porno qui contamine nos sociétés. J’ai toujours été intrigué par la musique rock. Que représente-t-elle ?

La bourgeoisie est de la pourriture née sur du fumier : un tas de dégénérés qui contient les germes de sa décadence qu’il exporte à la société. Son stade ultime est celui qui la précipite dans sa masse. C’est la démocratie. Droits de l’homme, libertés de l’individu, liquéfaction des principes supérieurs – autant d’inepties que je trouve chez les paroliers du rock. Nous y voilà : le rock représente l’idéal démocratique, donc bourgeois, qui prend source aux droits de l’homme et coule depuis l’individualisme jusqu’aux voix de Mammon que la droite d’argent fixe dans la spéculation.  L’hymne démocrate est rocké. Le roi démocrate est rockeur. Le bourgeois démocrate écoute du rock.

      Que la bourgeoisie soit une classe putréfiée suppose qu’elle provienne de la dégénérescence de classes l’ayant précédée dans l’Histoire. A classe insane, musique malsaine, en sorte que s’expliquerait pourquoi la musique rock est qualifiée de dégénérée.

La bourgeoisie descend de la noblesse de robe qui est la maladie de l’aristocratie. La robe fait commerce de sa particule quand l’aristocratie la défend ou l’arrache aux événements. L’aristocrate prouve lors qu’il appartient à une famille de seigneurs, laquelle perpétue sa race de chevalier. Dans l’Histoire, le chevalier établit son domaine à proportion de ses victoires. Il consolide son territoire en le maillant de fermes dont il défend l’exploitant, c'est-à-dire le serf, conformément aux termes d’un contrat civil et civique de protection. La magna carta saxonne* est le premier document qui officialise ces pratiques séculaires. La terre et le château sont liés et de leur liaison naît une société de service. Le serf est celui qui rend et à qui est rendu service. La société de servage en est la corruption. Elle se développe avec l’émergence du bourg qui fait office de tampon géographique entre la terre et le château. Alors le lien entre le chevalier et le serf se défait. Le premier devient seigneur et le second tourne au vilain. Le seigneur précède dans sa lignée l’aristocrate qui devance le robeux qui annonce le bourgeois. Le vilain reste vilain avant de jeter l’esclave dans l’ouvrier. Le tiers-état, secoué par l’archi-modernité, explose dans le tiertiariat. En définitive, la bourgeoisie est couvée au bourg où l’honneur crève sous l’étreinte de la marchandise. Le bourgeois sort des flancs d’une chevalerie sans cheval qui a trahi le serf.

      Droite légitimiste et bonapartiste sont les réminiscences du chevalier et du serf que l’armure et l’écuyer magnifiaient. Don Quichotte et Sancho Panza n’est-ce pas. Déjà la réunion des deux seules classes qui auraient dû perdurer. C’est l’idéal monarchiste que le fascisme, mouvement contre- et postrévolutionnaire, revisite dans des sociétés européennes gavées de gras idéaux. Liberté Egalite Fraternité et sortez les trombones.

Il convient  de se référer aux arts pour comprendre l’Histoire. Les dates inscrivent les événements dans la mémoire, les arts dans la compréhension.

C’est en littérature que j’observe les convulsions que la société bourgeoise crée chez l’individu. La littérature est populaire ou aristocratique de sorte qu’il n’est pas étonnant que tous les écrivains bourgeois soient aux prises avec leurs instincts plébéiens ou aristocrates. En proie au doute du schizophrène, ils se renient. Selon les époques, ils se consument ou se suicident mais c’est toujours l’autodestruction qui domine leurs pulsions. L’instinct primal, bientôt féral, sourd de leur plume et confirme l’artificialité d’une classe bourgeoise qui leur confisque leur vraie nature à la manière d’une greffe délétère qui boufferait un corps sain qui s’y serait collé. Des hommes à l’envers.

C’est à travers deux figures que j’ai compris et noté ces lignes pour apprendre les siècles :

  • Proust, bourgeois de droit mais aristo de fait, croupissait dans une neurasthénie provoquée par ses contradictions. Il finit diminué.
  • Larbaud, héritier des sources d’eau de Vichy, s'employa à se ruiner afin de s’abîmer dans la plèbe. Il finit handicapé.

 

*(note à lire à la fin du texte pour n’en point perturber la lecture) La magna carta grave dans les textes le culte de la terre (mythification de l’agriculture) sous le règne de…Jean sans Terre. L’Histoire a parfois de ces ironies…Ce sont les barons, donc les seigneurs, qui arrachent au roi ces concessions. La tradition populaire retient que l’ennemi de Jean sans Terre est Robin des Bois, donc homme de la friche, lequel défend et symbolise à la fois le travail du serf et le serf lui-même. Le roi sans terre ne peut être que l’ennemi commun des hommes de la glèbe et en plus de justifier là son surnom, il ne peut rien posséder de terrien en tant que cet ennemi. Devant lui : des paysans et des nobles venus de l’intérieur, en sorte que la magna carta établit définitivement que le socle de la féodalité est la terre où s’allient la plèbe et l’aristocratie. L’avènement du bourg suit de près la signature de la grande charte, comme si celle-ci contenait la perte de ce qu’elle consacrait. Oui, l’Histoire a de ces ironies…

 

 

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      L’ETRANGE HISTOIRE DE BENJAMIN BUTTON raconte la vie d’un homme menée à rebours du temps. Il naît vieillard et meurt nouveau-né. Sa trajectoire est l’exacte inversion de celle des gens du commun. Il ne s’agit pas d’un simple délire d’écrivain puisque c’est l’allégorie de la vie de F.S Fitzgerald : FSF connaît un succès fulgurant dès son premier roman grâce à quoi il mène grand train d’abord à New-York, puis en France sur la côte d’Azur et ensuite à Paris. Dans son sillon, tous les artistes américains se regroupent à Montparnasse moyennant quoi FSF est à l’origine d’une époque bénie dans l’Histoire de la littérature qui passera désormais par la Coupole et la Riviera. Avec Zelda, FSF crée un monde interlope où se rencontrent des esprits tels qu’Hemingway, Man Ray, Buñuel, Pound, Dali. Il est vrai que Gertrude Stein avait préparé le terrain mais le talent de FSF associé à l’insolence de sa femme suffisent à le voler. Avec le temps pourtant, et inexplicablement, FSF enchaîne les échecs. Si son épouse jalouse son génie et tente, schizophrénie aidant, de brimer son élan, rien ne justifie la faillite d’un écrivain tel que lui.

      FSF débute comme il aurait dû finir : entouré dans des palaces, au firmament littéraire. FSF finit comme il aurait dû débuter : seul dans une chambre de bonne, en cheville avec le cinéma. Il naît arrivé, et meurt éloigné, en Benjamin Button des lettres. Il écrivit sa nouvelle en 1922, donc au mitan de sa vie. Avait-il senti qu’il était à son apogée et que la descente suivrait irrémédiablement la montée d’une comète piégée par une étoile ? Il y a une intuition pour la vie des autres chez l’écrivain qui succède à ce qu’il sait de la sienne. C’est qu’il en coûte d’être un génie ; c’est qu’il est cher d’être un voyant. La prescience condamne souvent ceux qu’elle a chéris.

 

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L'Aristo dit que ca, c'est aristo.

18/12/2015

Le roi Lear - Archétypes et théories - Le 18/12/2015

Pat Poker

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        Amanda Lear...

        Il y a sept ans déjà que je croisais cette chose au Mathis bar où un pédé qui m'avait à la bonne me faisait rentrer. Une espèce de Dave bronzé. Un architecte. J'y ai vu les pires fétiches de la marchandise - de la mannequin qui te regarde sans te parler et te parle sans te regarder à Massimo Gargia en passant par les acteurs cokés. Poelvoorde, Baer, Beigbeder, Cluzet, Canet, Bedos. Tous ces types « charmants ».

C’est dans ce bar que Beigbeder a rencontré Sagan en lui déclamant la première phrase de BONJOUR TRISTESSE. Cette vieille chouette se poudrait le nez sur le zinc. C’était une habituée. Poelvoorde, lui, se ruait dans les chiottes pour se fracasser le crâne sur la tuyauterie après s’y être défoncé. Il finit par trop déranger les clients de l’hôtel et devint non grata. Beigbeder l’explique dans son journal intitulé L’EGOISTE ROMANTIQUE. Il y raconte ses soirées de branleur et le mépris qu’il en tire pour le pékin qui bosse à La Défense. Il peut, aucun reproche, si ce n’est qu’il omet d’avouer qu’il a volé son titre à l’écrivain qu’il admire le plus après Salinger : F.S. Fitzgerald. FSF est une manière de Holden Caulfield, donc Beigbeder est cohérent dans ses goûts. FSF commit son premier roman avec L’ENVERS DU PARADIS. Quel titre n’est-ce pas ! Il le choisit à la place de L’EGOISTE ROMANTIQUE qu’il réservait à son chef-d’œuvre qu’il n’écrirait jamais. Il n’en trouva pas le temps : il mourut à quarante ans, seul dans une chambre de bonne à Los Angeles où il pondait des scenarii pour Hollywood qui recyclait aussi Faulkner. Il fut trouvé sur son lit, cloué dans une mort de « loser ». La femme de FSF mourrait folle huit ans plus tard dans l’incendie de son asile. Zelda Fitzgerald et FSF sont le couple qui inspire le livre TENDRE EST LA NUIT. Quel titre encore ! Et quel livre. Et oui, que la nuit sait être tendre. J’imagine que Brad Pitt et Angelina Jolie cherchent à ressusciter le couple Fitzgerald dans le film VUE SUR MER qui est actuellement en salles. Ces deux personnages, écrivains, perdus sur un balcon de la Riviera, c’est précisément FSF et Zelda.

        Je trainais donc au Mathis. De vingt-cinq à vingt-six ans, je m’y jetais trois fois par semaine et souvent le week-end. J’y allais seul. Je retrouvais à l’intérieur le Dave bistre. Le gnome physionomique de l’entrée, qui oscille entre le bistouri et le silicone, me laissait passer. J’étais timide et effacé mais je lui plaisais. « Y’a mieux que toi mais c’est que t’es pas mal ! » Il paraît que ce monstre est une institution à Paris. Ce qu’il ne faut pas entendre. Les Parisiens se nourrissent de ces petites convictions par quoi ils se gonflent d’importance en en accordant à ceux dont ils pensent être l’ami. En ce temps-là, j’entrais surtout dans la vie active. Je refusais le travail qui allait me bouffer et qui continue de me bouffer. Le Mathis était un coin de renfrogne entre paumés. Puis un jour, je cessai d’y aller. Je lisais trop et je voulais écrire. Et je n’apportais rien à la nuit. Personne ne m’y rencontrait. Alors je m’enfermai dans mon appartement jusqu’à trente-et-un ans. Sorties rares, des livres, du sport, peu de société. Résultat : un blog péremptoire animé par un odieux Aristo qui véhicule des « théories de merde » - et le travail qui est devenu job puis taff puis moi donc nul.

Mais rien n'égale encore mon étonnement quand débarquait au Mathis bar Amanda Lear et que tonnait sa voix de stentor. Cette hommasse accusait une tête de retard mais me mettait une largeur d'épaules. Je n'ai jamais connu plus canular que cet homme défait dont tout le monde accroit que « c'est une belle femme ». C'est une horreur, une horreur que la farce produit lorsque nul ne sait plus s'il doit rire ou pleurer. C’est un taff. Le roi Lear comme on l’appelait est la prosopopée du taff. « T’es qui toi ? »  qu’il m’avait demandé. J’avais marmonné mon prénom. J’aimerais pouvoir écrire ca : « Personne » avais-je rétorqué. « Comme le cyclope ? » « Non, comme Terence Hill dans le western ». MON NOM EST PERSONNE avec Henry Fonda et l’acolyte de Bud Spencer. Ca en jetait plus que de la mythologie pour gamins de six ans. Mais je n’ai pas le talent d’amener les conversations où je veux. Quand un gars est coincé entre le seuil de lui-même et la porte des autres, il fait ce qu’il peut et écrit moyen. 

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        Je théorise les relations humaines et cela m’est souvent reproché. Il suffit que je me frotte aux rapports homme-femme pour susciter de vives réactions. Je comprends très bien et donne toujours raison à l’énervé. Précisément parce qu’il a raison. Il est en effet impossible de schématiser l’humain. L’époque statistique s’y emploie pourtant, et en tant qu’antimoderne, je ne devrais pas m’y exercer. L’Homme universel n’existe pas et ce n’est pas après avoir frappé les Lumières universalistes que je vais me mettre à y croire. Le danger, c’est la totale abstraction. Mais se cantonner aussi à la terre, se coltiner le sol, bref, coller au terrain restent des occupations à l’issue de quoi je classe les caractères.

        La mathématique est une science trop dure pour l’humaine nature. La science humaine est une science molle qui échappe aux règles qui lui sont prêtés. La seule discipline qui traite de cette science est la littérature. Or je lis et j’écris, en sorte que je dois nécessairement théoriser l’être humain afin d’imaginer des personnages, puis des situations, avant d’esquisser une vision du monde à quoi je ne serai pas obligé de croire. L’imagination n’est pas une foi.

L’écrivain ne construit pas des schémas, il bâtit des archétypes. Balzac n’est-ce pas. Or c’est différent d’une règle. Un archétype s’effondre face à l’exception parce qu’elle l’infirme, précisément comme la statistique. Celle-ci informe sur la réalité autant qu’elle déforme le réel. Si je m’en méfie, je suis obligé de m’y référer. Alors ce sont des clichés, alors je n’ai que préjugés. Et après ? Et bien après c’est un livre ; je n’ai pas prétention à faire vivre, je ne suis pas un dieu, j’aspire uniquement à écrire. « Mais pourquoi me tuez-vous ? » demandait Richard Millet en Août 2012 aux orfraies que son ELOGE LITTERAIRE D’ANDERS BREIVIK avait agacés.

Je me dis « sociologue de terrain » ; c’est une formule rigolote qui appartient à Alain Soral. C’est une manière de redonner à la littérature la science humaine que la sociologie s’est arrogée. Les sociologues s’attaquent à l’humain, mais ils sont tout à la statistique et s’en servent moins qu’elle ne se sert d’eux. Ce sont des écrivains ratés. Un sociologue est un être bâtard parce qu’hybride du statisticien et de l’écrivain. Sans doute trop pur dans ma démarche, celle-ci finit par maculer de « merde » mes archétypes que je prends pour des théories. Mais je préfère être un écrivain qu’un sociologue qui souille ce qu’il étudie. Le risque est d’être assimilé à tout et à rien puis d’être séparé de tous. C’est ce que j’appelle le syndrome Proust contre Sainte-Beuve.

 

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L'Aristo dit que Terence Hill ferait un bel avatar.