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02/09/2016

Agenda d'Août 2016

Pat Poker

 

Le dimanche 7 Août 2016 - Rêveuse bourgeoisie pour quelques notes bretonnes

   En vacances à Saint-Cast, je mesure en ce dimanche 7 août 2016 la détérioration de la classe moyenne française. Chaque individu ressemble à un personnage de Reiser. Je songe à cette femme à lunettes blanches papillon et attifée comme un caniche: casquette à pois assortis à ceux de sa robe qui suit sa cascade de bourrelets. Elle fixe la mer depuis la promenade du port qu'un arrêté préfectoral a fermé à la circulation par peur d'une réplique de l'attentat niçois. Par détérioration, j'entends une perte de qualité de vue mais aussi de vie. "Le tout sécuritaire" signe la fin de temps bénis où, je me souviens d'il y a dix ans à peine, Saint-Cast ne se préoccupait de rien, même pas de soi. Un lieu de vacances. Désormais, la peur accompagne la construction de lotissements qui s'agglutinent autour de villas d'avant-guerre auxquelles ils volent la vue sur la mer. Des familles de ploucs viendront s'y entasser les prochains étés. Ils contre-plaqueront leur laideur sur l'horreur architecturale, accentuant la détérioration par leur présence gênante et sans cesse plus nombreuse. Ainsi les riches seront-ils punis. Ce n'est pas tant leur argent qui leur sera ôté, entendu qu'ils ne sont pas encore totalement spoliés en France, que leur art de vivre fait de tranquillité, d'isolement, de silence, de lecture et d'humeurs familiales discrètes. C'est un drôle de communisme de punition qui s'installe.

   Cependant, je me promène avec le cousin de mon père qui me promet la publication future. Tu sors du lot. Tu écris très bien. Ma foi, toute flatterie est bonne à citer. Son ami évoque plus tard RÊVEUSE BOURGEOISIE. Nous parlons alors de Drieu la Rochelle. Je me condense dans mes souvenirs de lecture du FEU FOLLET. Je le lisais un soir d'Octobre 2012 à Stresa dans une chambre en face du Lac Majeur. Vue sur l'eau. Pas de Reiser à l'horizon. J'étais seul. La nuit tombait comme un suicide lent et heureux, et au loin un train troublait la montagne dans l'orage naissant. Le calme régnait ; je touchais à ce moment qui fait penser que la vie vaut la peine d'être vécue. À peine, je me sentais vivre, j'existais un peu moins et savais qui j'étais et pourquoi j'étais là.

 

   Le cousin de mon père reste comme moi fasciné par la virilité guerrière et comprend le mépris que l'obésité occidentale provoque chez les énervés. Il arrive qu'une civilisation crève du confort dans lequel elle s'est enfoncée. Elle bouffe, boit, fume et ne se lève plus. Ici commence le cauchemar, et alors la bourgeoisie ne rêve plus. Il m'est souvent reproché d'être un hygiéniste qui prône l'ascèse. J'affirme que c'est faux. J'admets que l'excès fait partie de la vie et sais souvent le démontrer. Ma discipline, maintenant, est une résistance au pourrissement. Elle me permet à mon échelle de préserver ma civilisation.

Yannick, avec qui je converse, pointe l'émasculation abstraite de l'homme blanc qui est le résultat de décennies de discours culpabilisants et castrateurs. De là que les femmes blanches se jettent dans les bras des hommes que sont les immigrés. Attirées par la force, c'est par biologie qu'elles les réclament et militent pour qu'ils soient accueillis. Il m'indique le livre de Patrick Buisson 1940-1945 : Années érotiques qui raconte la guerre à travers le sexe ainsi que le processus qui aboutit à la babtou-fragilité.

   Le soir, je zappe les jeux Olympiques de Rio dont l'orgie d'épreuves m'en dégoûte. Je tombe sur le JT de France 2 dont la principale speakerine introduit Bérénice Bejo venue présenter son film L'ÉCONOMIE DU COUPLE. « Un film moderne », dit-elle, « qui parle de la place des femmes et des hommes dans notre société. On veut des hommes virils et protecteurs qui vont prendre soin de nous, mais on veut travailler, gagner plus que nos hommes et avoir du pouvoir. » Le film raconte l'histoire d'un divorce entre une femme qui a tout payé, la maison notamment, et un homme moins winner qui compte sur son épouse. Il est un pauvre type. Encore un film castrant, et toujours l'idée de la compétition économique entre les hommes et les femmes cependant que la baise est sous-traitée aux immigrés, prolétaires à queue, pour les besoins d'un conflit qui monopolise toutes les tensions et attentions. Ce clin d'œil hasardeux à Yannick semble rigolo mais cette idéologie qui se vomit partout, depuis toutes les ondes dégueulantes, cette idéologie qui bavasse ses conneries de féministes cyclopes, cette idéologie, donc, n'est personne. Il n'y a naturellement aucune lutte entre les sexes. La dispute économique dans le couple n'existe pas parce qu'un homme qui serait gêné par une femme plus brillante que lui au lieu de s'en réjouir pour elle et pour lui est un con, donc tout sauf une référence et encore moins une règle. Bref, la bourgeoisie ne rêve plus mais pire : elle ne fait plus rêver.

 

Le Lundi 08 Août 2016 - Du cahier à l'herbier

   J'ai entre les mains un cahier de feue ma grand-mère - du temps qu'elle était écolière. Il date de 1937. C'est un objet scolaire qui traite de l'histoire de l'art. Il s'y trouve des leçons, des collages d'illustration, des dessins, et des exercices corrigés. Les notes me semblent sévères au regard de la production de l'élève. Il y a une dissertation bien écrite pour une enfant de 15 ans, tant par la calligraphie que par la grammaire. Il manque pourtant trois points sur dix. Sans doute ces trois points non accordés anticipaient-ils la détérioration dont je parlais hier et qui se constate aujourd'hui d'abord à l'école. Quel élève de 15 ans serait capable de cela maintenant ? Ou plutôt : combien d'élèves le pourraient ? Corollairement : combien d'élèves sont-ils actuellement soumis à ce niveau d'exigence ?

   Ma grand-mère était un être délicat. Elle aimait coudre, dessiner, peindre, cuisiner, lire, discuter, les mondanités entre amis, c'est-à-dire cette frime d'enfants tristes qui ont quitté le monde avec les années 50, aussi vite qu'un écrivain se tuait en Aston Martin. « Je ne fume que pendant les dîners ». Elle utilisait un long filtre années folles. J'aurais volontiers arraché ce filtre et aspiré tout d'un trait sa gitane d'ouvrier. Elle s'habillait à la manière d'une bourgeoise de province qui confond chic et élégance pour finir endimanchée un samedi d'été. Elle avait joué au tennis avec le champion de Bretagne. Elle avait détesté les Allemands de l'Occupation mais restait convaincue que les juifs ont un nez crochu. Le plus drôle est qu'elle-même avait un nez crochu. Cela ne nuisait pas à sa beauté. Elle était grande et svelte avec des mains fines. Ses attaches justifiaient à mes yeux qu'elle fût exigeante avec moi parce j'obéis à la grâce. Elle m'enseignait l'esprit critique. Elle me secourait dans mes lectures et m'engageait à douter. Elle me faisait la leçon. J'avais droit à des cours de maintien dilués dans la journée, avec l'air de ne pas y toucher. Rien n'était pesant. Elle me parlait comme si j'étais adulte. « Je n'aurai jamais fini de te conseiller que tu ne seras un gentleman » me disait-elle. Elle a échoué : je ne le suis pas assez. Je suis un énervé qui blesse parfois les gens dont je prends pourtant soin selon les manières qu'elle m'a inculqué. Interdits après mon amok, leur déception n'a d'égale que leur sentiment d'avoir été trahis. Le risque est de perdre toute crédibilité. Ils personnifient les ratures que l'instituteur de ma classe mentale laisserait sur le cahier de l'existence. Trois points en moins ! Mais je sais me rattraper parce que j'ai l'intelligence qui le permet. Entre autres personnes, ma grand-mère sut développer cette qualité chez moi. L'éducation d'un enfant confine au culte de ce qui est bon en lui afin de l'aider à l'extraire de soi. Elle y est parvenue, je crois. Les gens me pardonnent. Nous discutons alors comme je discutais avec grand-mère. Elle savait raconter. J'aimais l'écouter.

   Elle ne jouissait pas d'une grande sensibilité de caractère bien qu'elle perçût les états d'âme sans grande difficulté. Cela la conduisait à sortir gagnante de chacune des affaires qu'elle menait : c'était une intelligence commerciale qui sourdait de son passé familial paysan. Ils s'étaient enrichis dans la culture, le culte et le gain de la terre. C'est du sang qu'elle tirait son talent plus que d'un enracinement, quand même il existait.

   Elle était aussi dotée d'une culture terrienne parce qu'elle connaissait la nature, ses arbres, ses fleurs et ses insectes. Elle m'avait fait faire un herbier. C'était ce temps qu'on apprécie après qu'il s'est écoulé. J'ai bien entendu égaré cet herbier.

 

Le Lundi 08 Août 2016 – Les souvenirs dans les pompes

   Je me souviens d'un moment de Février 2014. C'était le jour du crunch, c'était tournoi des six nations. Je regardais le match dans un bar proche du quartier du Châtelet. Il s'y trouvait plusieurs types originaux passablement éméchés qui discutèrent bientôt avec moi. L'un d'entre eux disait être un ancien légionnaire qui s'était fait jeter de l'armée pour sympathies communistes. Il avait connu et fréquenté le courant lambertiste, et connaissait Pierre Lambert cézigue, alias Pierre Boussel, trotskyste français. Il avait potassé l'Anti-Dühring grâce à l'aide d'étudiants gauchistes qui avaient des lettres. De son propre aveu, il n'avait pas compris grand-chose à l'essai d'Engels. Il ne brillait pas par sa finesse, du reste. Je ne doutais pas qu'il n’eût été militaire mais peinais à imaginer qu'il eût attiré l'attention de militants trotskards pas vraiment potes avec l'armée française, ni davantage avec les bourrins. Il y avait chez eux cette fantaisie de l'intellectuel qui défend un peuple qu'il ne fréquente pas. C'est plutôt lui qui avait dû se rapprocher d'eux. Les milieux étudiants gauchistes fascinaient certainement les miloufs en permission, accoudés au bar à côté de glandeurs de la plèbe dont les cheveux longs pêchaient les femmes à la ligne. Une femme avait dû monter ce fort légionnaire et l'infuser de toutes ses idées de gauche. Le gramscisme sexuel constituait la praxis de la femme communiste. Le militaire en avait été quitte pour un endoctrinement à la mode bande à Baader avant d'être démasqué par un état-major qui ne pardonne pas la trahison à la patrie.

Le type le plus épatant de la soirée était l'un de ses amis de rugby. Comme lui, sa soixantaine était bâtie dans le muscle. C'était un sculpteur. C'était le sosie d'Antoine Blondin. Je lui dis : « Vous savez que vous êtes le sosie d'Antoine Blondin au même âge que vous ? » L'homme s'exclame que Blondin, grand amateur du cinq nations, fut son ami. Nous avions alors entamé une furieuse discussion sur l'histoire de ce sport et les grands instants de littérature que nous connûmes grâce à la lecture du hussard. Puis je lui demande ce qu'il pense de Malaparte. Alors là, le bonhomme se lève et tape sur la table en me broyant l'épaule. « On ne peut pas ne pas avoir lu Malaparte ! » C'était assez pour moi. La soirée était réussie d'autant plus que la France avait battu l'Anglais.

 

   Je lis en ce moment DANS LA DECHE A PARIS ET A LONDRES de George Orwell. Il y raconte son existence difficile durant les années 20-30. Vie de pauvre donc pauvre de vie. L'éditeur a choisi de placer une paire de chaussures rapiécées sur la couverture. Le choix est juste parce que la chaussure situe son homme. Un cirage négligé ou une semelle crade peuvent vous faire passer pour le plouc que vous n'êtes pas. L'élégance et la tenue ne sont pas que des plaisirs aristocrates ou de bourgeois efféminé. De même que c'est un respect de soi, c'est aussi un respect de l'autre. Il s'agit du vernis de civilisation qui, précisément, indique que l'individu élégant est civilisé. C'est essentiel. Ôter cette possibilité à un homme revient à l'ensauvager par l'aspect, et c'est ce qu'il y a de navrant dans la condition de pauvre, bien plus que le manque d'argent. Est réellement pauvre qui est contraint d'aller au Mont-de-piété : avant, il fait encore illusion et nul ne remarque dans la rue qu'il est pauvre, en sorte que rien ne lui rappelle uniment sa difficile situation. Le vêtement habille, c'est aussi bête que cela. Il cache le corps mais aussi ce que subit ce corps, et si l'on va plus loin, il cache un travail pénible ou un logement sordide. Évidemment, chez les riches, il révèle. Mais chez les pauvres, il sait taire ce qui doit rester secret.

J'ai un jeune ami qui galère en ce moment. Il est idiot parce qu'il a honte de son état et de son logement. Ce n'est pourtant pas écrit sur sa figure ! Et avec ca, il engloutit son fric dans la drogue au lieu de changer de chaussures qui ressemblent étrangement chez lui à la couverture du livre d'Orwell. Une fois que je le présentai à mon amie, elle ne remarqua que cette négligence quand lui se mortifiait de ce qu'elle découvrît ses 10 mètres carrés où elle se faisait une joie d'évoluer.

Les personnages d'Orwell et lui-même ne s'y trompent pas : avec le manger, ils n'ont de souci que leur veston et leurs pompes. Le reste n'est que littérature comme disait Verlaine, autre galérien céleste des rues de Paris.

 

Le Mardi 09 Août 2016 – Un gentleman souffre en silence

   Ma grand-mère disait qu'un gentleman souffre en silence. L'idée me plaisait d'instinct. La force. On ne se figure pas assez qu'une société virile l'est surtout par les femmes qui l'inculquent aux garçons. C'est une question de maintien qu'elles s'appliquent à elles aussi, par quoi une femme sait être virile sans perdre en féminité. La virilité n'est pas synonyme de masculinité. La femme spartiate, romaine ou européenne d'avant 68 est virile, a minima n'est-elle pas aussi castrée que la féministe actuelle.

   J'ai vécu quelque temps avec ma grand-mère dans une ferme de la Beauce exploitée par son fils et son mari. Durant la moisson, je l'aidais à porter dans les champs l'eau destinée à mon oncle et à mon grand-père. Ma grand-mère faisait tourner la baraque comme on dit. Elle n'était pas aux fourneaux, ni femme au foyer, seulement les tâches étaient reparties, moyennant quoi elle travaillait à l'entreprise familiale dans une entente et une égalité parfaites avec ses hommes qui l'adoraient. Moi le premier. Ha ! Ces promenades avec elle dans le blé de Juillet.

   Elle me laissait monter sur le tracteur ou la moissonneuse batteuse parce que je voulais accompagner les vrais. Le bruit empêchait la discussion et c'est donc là, dans l'habitacle d'engins agricoles, que je développai ma passion pour l'introspection. Je m'accommodais de la solitude, alors je méditais, seul ou en compagnie d'adultes également livrés à eux-mêmes. Bien que grand-mère me couchât tôt, j'ai le net souvenir de couchers de soleil sur les récoltes. Une boule orange descendait longtemps après avoir été blanche la journée passée. Sa chute l'engrossait avant qu'elle ne s'étale pour mourir. J'ai dû en ces moments comprendre qu'il faut avoir vu pour mieux regarder et penser. Au lit, afin de m'accompagner dans le sommeil que les enfants refusent, ma grand-mère me lisait les poèmes de fermiers bretons que je confrontais à l'horizon qui avait aimanté la lumière. La nuit était ma poésie, celle des premières fois.

   Je pense rarement à ces moments. Ils composent un bonheur trop rare dans la vie d'un individu dont le premier drame est la fin de l'enfance. Le second est la perte de sa jeunesse. Bonheur trop rare donc, dont l'absence est trop violente parce que définitive. Il me paraît que c'est la quête de cette partie de la vie, pour peu qu'elle ait été heureuse, qui conduit les hommes à boire et à se droguer, comme s'ils cherchaient à sortir de soi l'enfant mort qu'un état second ressusciterait. Alors ils retrouvent l'insouciance et l'émerveillement primitifs, revivant leur premier drame en accéléré lors de la gueule de bois.

   Il y eut un jour un incendie dans l'une des salles de bain de la maison. Je me lavais et le radiateur électrique commence à fumer. Ma grand-mère, ne se doutant de rien parce qu'elle m'a habitué à rester calme, n'arrive pas. Je reste à poil dans ma baignoire, curieux. Je ne sais pas du tout comment agir. Finalement, elle entre. Elle panique. Elle saisit une serviette qu'elle plaque contre l'appareil. C'est le feu. J'imagine que je pigne, elle me roule ici dans un peignoir et me descends là dans la cuisine. Elle alerte les pompiers mais préférant s'en remettre à sa famille, elle court prévenir l'oncle et le grand-père qui débarquent. L'ancien s'occupe de moi. Il me rassure si bien que je me dis que ça, c'est un grand-père, et que je ne serai jamais seul. L'oncle part avec un extincteur qu'il vide dans la mauvaise pièce. L'ancien est plié de rire : débonnaire devant la catastrophe, il se marre, il se bidonne parce qu'il mesure immédiatement une situation banale qu'il place dans les aléas. De toute façon, il a ses champs, il est comblé, rien de grave, sinon la mort, ne peut lui tomber dessus. Ma grand-mère guide les pompiers enfin débarqués. En un quart d'heure c'est plié. En bas, mon oncle s'est joint à nous. Jamais je n'oublierai la camaraderie dont il me gratifie alors. J'étais content du reste, nous étions entre hommes et j'avais été au feu, sans drame ni violence. Ils me félicitent, aucun pleur, tu n'as pas eu peur,  dis ? Non. Un gentleman souffre en silence. Le lendemain c'était oublié. En ai-je conçu quelque traumatisme qui nécessitât l'intervention d'un psy ? Nenni. Nous vivons à une époque de fiottes qui ressassent des problèmes qui n'en sont pas, qui créent des problèmes qui n'existent pas avant d'en apporter aux solutions qui se présentent. Notre époque, donc, parle sans cesse comme une menstrue continue. Ne peut-elle écraser ? Méconnaît-elle tant la pudeur qu'il lui faut perdre sa dignité dans la chiale ? Un gentleman souffre en silence.

 

Miscellanées d’Août 2016

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   Le courant électrique se propage sur la ligne de moindre résistance pareillement aux racines d'un arbre dans le sol. Il y a identité du mouvement et de son résultat dans les deux cas. Les arabesques dessinées par les électrons dans un espace à différence de potentiels ressemblent aux sinuosités creusées dans la terre par les végétaux. A partir de cette remarque, il est possible d'envisager qu'il existe un principe unique, plus ou moins caché, noumène ou phénomène, qui régisse l'ensemble des disciplines unies de facto dans un tout. L'univers a minima connu vivrait d'une pulsion unique dont la découverte ou l'identification permettrait d'unifier le savoir. C'est cette ambition qui fut d'abord une intuition (ce sont les avancées de la science qui transformèrent une ambition farfelue en quête légitime) qui préside aux œuvres des grands unificateurs occidentaux (Alexandre, Colomb, Napoléon, Lawrence d'Arabie, Rommel) ainsi qu'à celles des intellectuels d'Occident (Aristote, Léonard de Vinci, Pic de la Mirandole, Spengler, Nostradamus). L'universalisme est la passion de l'homme occidental. Sans doute l'idée ne vient-elle pas de lui, mais à coup sûr l'aura-t-il prise à son compte pour en concevoir son identité. Il est vrai qu'en tant qu'écrivain occidental cette idée me fascine et m'apparaît comme définitive : elle me définit, et met une fin à ma personne comme elle l'a initiée.

 

 

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   Comment s'étonner des saillies racistes que subissent les athlètes asiatiques de la part des commentateurs des JO de France Télévision, officine gauchiste ?

Ce n’est pourtant qu’une énième preuve que l'antiracisme gauchiste est l'humeur noire d'un racisme refoulé. Le gauchiste s'interdit de dire, voire de penser, ce qu'il pense en secret. Il ne le dit ouvertement qu’au sujet des Asiatiques. Ils lui sont sa soupape mentale par quoi il éjecte toute la connerie qui bout dans son crâne-crâne minute.

Le gauchiste est une gigantesque chiure d'humanité, une immense saloperie : l'homoncule chié par l'alchimiste socialope.

 

 

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   Depuis quelques matins, je compte la jalousie d'un cadre ricain à la piscine. Il n’apprécie pas que je nage plus vite que lui un crawl que je soutiens plus longtemps. Lorsque j’observe les quelques secondes de pause qu’impose le fractionné, il me regarde. Alors il gonfle ses pectoraux qui sont en train de devenir des seins. Il peine à retenir son bide d'où il expulse son amertume de yankee qui veut être the best partout. Et non mon pote, tu as choisi de faire de la thune et de rester assis. Tu deviens gros et rien ne sert de te mesurer à moi qui ne t'ai rien fait à part conchier ton mode de vie, comme tu conchies le mien parce que je n'ai pas de fric. Tu es le manager militant. Tu es le gigantesque connard que j’ai massacré dans l'eau puis humilié comme ton pays de cons humilie le mien. Dégage et cours t'enfourner tes horaires et tes burgers.

   Maintenant, il s’agite tel zébulon sur le parking, le portable vissé à l’oreille dans lequel il crache des ordres en anglais.

 

      

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   Vu à la piscine le sosie total, absolu de Henry Miller précisément quand je lis NEXUS. Étrange résurrection.

   Vu un garçon de 13 ans blanc comme un bidet, gras comme un cochon, tout en crème - en train de faire des pompes dans les vestiaires. Sans doute croit-il tromper la gravité qui tire sur ses seins qu'il craint d'exhiber aux jeunes et méchantes pré-pubères. Il n'est pas armé. J'éprouve une sincère peine pour lui. Ses jambes sont grêlées de bubons rouges. Mais un homme gros en train de faire des pompes est déjà révolté. Rien que pour cela, j'aimerais l'aider. Je le mettrais aux légumes-viande-poisson-eau fraîche. Je le ferais lire, courir et nager avec une journée de repos sur dix jours. Il sentirait toute la force de sa jeunesse et rugirait comme un lion qui tuerait l'obèse qui le dévore. J'en ferais un homme qui se serait mené par sa révolte au sommet. Après il lui serait temps de descendre, et de recommencer. Alors les pré-pubères lui sauteraient dessus et ramperaient.

 

 

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   Un jeune homme me parle ce matin dans les vestiaires. Il nage quotidiennement et me demande quelques conseils. Très vite, je me rends compte qu’il a moins de trente ans alors qu’il en paraît quarante. Il est sec, étique, presque anorexique. Son visage est marqué par des années de sport intense qui ont accéléré son vieillissement. Je comprends que c’est la course à pied qui l’a mis dans cet état. Il boîte parce qu’il s’est coincé un nerf dans le genou à force d’avoir tiré sur son dos. Il courrait tous les jours, et avoue qu’il ne savait pas que le sport à haute dose impose une discipline de tous les instants. Il faut savoir se nourrir et se reposer. Il a fait n’importe quoi et est quasi-grabataire. Il veut travailler à Paris, c’est pour bientôt. Ce sera dans la finance. Il est très curieux et d’une discussion agréable. Il est naïf lorsqu’il s’étonne que je n’aime pas le quartier de La Défense. Une jeune fille de Dinard me le rappellera quelques jours après lorsqu’elle s’enjouera des possibilités de rencontre du quartier d’affaires parisien. « On y croise des gens et tout, on peut faire du réseau ». Ha ! Vingt-trois ans...on croit décidément à tout, même à ce qui nous aura nié dans dix ans...

   Un retraité me coince dans l’ascenseur tandis que je rentre chez moi. « Vous êtes en vacances sans doute ? » « Oui. Vous aussi ? » « Ha non, je suis à la retraite moi, c’est tous les jours. Vous travaillez pour moi maintenant ! » me lance-t-il avant de sortir.

Sa génération a enfoncé la mienne dans la dette publique et dans l’immigration sauvage, sans jamais me demander mon avis ; elle m’impose ensuite de rembourser ses conneries et de financer son mode de vie à crédit à quoi elle, comme le retraité, s’est habituée, et après celui-ci blague avec une morgue de poudré. Tout penaud là, à profiter du communisme foireux de la retraite. Ca a cotisé un peu puis ca exige beaucoup de qui n’a rien. A trente ans, ca avait investi pour que dalle dans la pierre qui vaut trois vies de travail d’un trentenaire actuel à qui il loue un logement pour trois fois le prix. Ce genre de cons rackettent la jeunesse par les impôts et le loyer, c’est du jamais-vu : jamais jeune génération ne s’était faite autant vampiriser par les vieux. Mais la jeunesse est coupable de se laisser faire : elle devrait dire non et mettre un grand coup dans le derche de ces vieillards. Elle, nous !, devrions d’autant plus agir que nous ne nous toucherons jamais de retraite. Et au vrai je me fous de la retraite, cet idéal des faibles, et je m’en fous doublement parce qu’elle est aussi la seule ambition de la jeunesse actuelle. Mais qu’accepte-t-elle d’être infantilisée par des soixante-huitards du même temps qu’elle est vieillie par cette ambition finale ? Tous les guignols des trente glorioles sont armés du fric-hochet qu'ils agitent comme un enfant. Et parce qu’ils prétendent s’être libérés d’un ordre patriarcal que seul le capital a détruit (pas eux !) ils viennent donner la leçon. Non mais ho ! On est où là ? Les vieux cons vous avez tout eu, la croissance, la libération et après cela vous voulez nous enchaîner à vos écarts ? Allez vous faire foutre, l’avenir sera sans vous. Notre vie, c’est votre mort à crédit.

 

 

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   De même que Laure Manaudou échoua aux JO de Pékin en 2008 après s’être privée de son entraîneur-formateur, de même Yannick Agnel s’est effondré aux JO de Rio en 2016 parce qu’il s’est séparé de son entraîneur-formateur en 2013. Il avait pourtant rejoint celui qui aida Michael Phelps à devenir Phelps. Mais il semble que Pygmalion soit l’homme de la seule statue qui n’appartienne qu’à lui. Ainsi, Agnel ne pouvait-il être l’homme du maître de Phelps, tout comme celui-ci ne pouvait être le chef d’Agnel. Agnel est un nageur exceptionnel qui fut génial en 2012 aux JO de Londres. Seulement, il n’était pas seul ni ne se réduisait à lui-même. Ce qu’il produisit fut l’œuvre de son entraîneur-formateur qui avait su interpréter son poulain. Agnel est créatif mais celui qui sut le comprendre l’était aussi, et sans lui, Agnel était amputé d’une part de soi.

J’ai déjà écrit que le génie réside aussi dans l’interprétation et point seulement dans la création. Un champion doit être interprété pour devenir ce qu’il est, en sorte que son style et ses résultats appartiennent aussi à qui l’a dirigé.

La relation entre un entraîneur et un athlète qu’un film comme LES CHARIOTS DE FEU rend avec émotion est similaire à celle qui unit un éditeur et un écrivain ou un pianiste et un compositeur (même si celle-ci n’est pas contemporaine en ses parties). Je ne considère pas le critique comme un partenaire de l’artiste ou du sportif. Le film GENIUS montre l’éditeur Maxwell Perkins travailler à l’œuvre de l’écrivain Thomas Wolfe. Si le second écrit, le premier orchestre, de sorte que le livre issu de leur collaboration n’aurait jamais existé sans elle. Perkins est l’interprète de Wolfe et n’en est pas moins essentiel à son génie. Perkins permit également à Hemingway et à Fitzgerald de tirer le meilleur d’eux-mêmes. C’est dire ! N’est-il pas un génie celui qui offre à la littérature de son pays trois écrivains d’une trempe universelle ?

   En ce qui concerne le sport de haut niveau, et plus encore la natation qui suppose un entraînement solitaire et ingrat parce que long, répétitif et quotidien, la discipline est la clé. Je me souviens de mes entraîneurs me disant que « la nage, pas de secret, faut en bouffer ». Il est impossible de progresser sans s’entraîner moins de trois fois par semaine à raison d’une heure d’exercice. C’est une activité exigeante que seule la détermination permet de supporter. Un mental fort est essentiel. C’est néanmoins ici que résident tout à la fois les forces et les limites de la natation – et certainement du sport de haut niveau d’endurance se pratiquant seul : la répétition jour après jour de gestes identiques conduit à la dépression. Le temps semble long dans un bassin de 50m parcouru 340 fois en une journée, ce qui représente 17km. Le nageur est isolé du monde et projeté en soi. L’introspection est certes troublée par la concentration sur le mouvement du corps et sa respiration, mais que de moments usés seul face à soi-même.

Les deux plus grands nageurs du XXème siècle sont l’Australien Thorpe et l’Américain Phelps. Or les deux ont connu une violente dépression. Ils doivent leurs résultats à leur talent mais aussi aux nombreux efforts produits par un travail assidu qui les a portés à la déprime. C’est parce qu’ils sont de grands nageurs qu’ils ont dépéri mentalement. Ce n’est pas paradoxal une fois admis et connu ce qu’il en coûte de devenir ce qu’ils sont. Thorpe est alcoolique et drogué et déteste l’homosexuel qu’il est. Phelps a cessé la natation durant deux ans à partir de 2012 au cours de quoi il but et se drogua. Il a malgré cela été impressionnant à Rio. Deux années lui ont suffi à combler le retard pris sur la concurrence puis à l’écraser. Il a du génie mais son abnégation est ahurissante. Annoncé perdant, il a resurgi plus puissant qu’avant. Quelle discipline. Quelle force. Quel goût de la charge. Je suis toujours admiratif de ces surhommes, et j’ai toujours adoré les vieux chevaux de retour chez les champions. Ils font de très bons films, notamment en boxe, mais désormais la natation tient avec Phelps un biopic de légende. A Hollywood de s’emparer de ce héros américain.

 

 

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   Un Brésilien justifie à la télévision le chambrage que subissent les athlètes français par l’idée que la France ne possède pas de grands sportifs. Quelle place le Brésil occupe-t-il au classement des médailles, déjà ? Je n’entends plus rien. Rigolo.

   Au-delà de cela, le Brésil est un échec tout court. C’est un pays bouffé par la corruption. Un ami est parti y habiter et y fait même souche puisqu’il vient d’avoir un enfant avec une Brésilienne. Il vante sans cesse les avantages de son autre pays, mais il faut le voir pester sur ses dysfonctionnements à coup de « en France ca ne se passe pas comme ca ! ». Un colon râleur, soudain en goguette lorsqu’il sort de l’administration en maugréant que « ce pays n’avancera jamais avec ce fardeau administratif, c’est horrible », et que sa femme le gronde de critiquer son pays à elle. Le Brésil est une société physiquement hideuse où l’horreur du métissage s’affiche à chaque coin de rue. Qui est obèse, qui est difforme, la bouilla-baise a produit des monstres génétiques. Et partout la violence, à un point tel qu’il est vivement recommandé de prendre un taxi pour effectuer plus de 100 mètres. C’est une société multiraciale et donc multiratée. Qui souhaiterait vivre dans cette ambiance ? Zweig s’est planté avec son BRESIL, TERRE D’AVENIR. C’est un endroit invivable, et d’ailleurs Zweig s’y est suicidé.

Il me souvient de cette pute atroce qui m’avait surpris dans ma lecture quand, attablé à siroter une noix de coco devant la plage d’Ipanema, elle m’avait caressé le bras en manière d’invitation à la rejoindre. C’était un être que la révolution métissée avait fait s’arrêter à la frontière qui sépare l’homme du singe. Elle portait une culotte verte, sa peau était noire, elle me montrait deux seins de petit garçon et ne parvenait pas à parler son propre dialecte.

   Mais il ne sert à rien de chambrer ce pays sous-développé en voie de sous-développement tant il fait pitié. Il m’évoque ces danseuses noires américaines vues dans une vidéo de Facebook, lesquelles jerkent et twerkent en tutu tout en faisant des pointes, sans doute agitées par l’idée de « bousculer les codes » de la danse classique. C’est rigolo. Un peu comme un caniche que mémé habille en homme. L’absurdité idiote est identique.

 

 

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   Le jeu Pokémon go popularise Pikachu jusque dans les coins les plus reculés. Dans un village de la campagne du centre-Bretagne, à Trébrivan pour être exact, un chasseur tourne autour de l’Eglise, seul sous le soleil d’Août. Il paraît que ca permet de rencontrer des gens. Voilà l’espoir en toc que lui vend la mondialisation après l’avoir isolé. Loin des grandes villes, en proie à la faillite de l’économie paysanne, le rural court après Pikachu. Est-ce que Christophe Guilly avait prévu cela ? Avait-il senti qu’au lieu d’affronter la réalité de son chômage que sa famille se refile de père en fils, le rural oublierait l’échec non plus dans les paradis artificiels mais dans l’enfer virtuel ?

   A Vannes, je me promène en compagnie de mon père et de mon oncle. A la sortie des bois qui débouchent sur la mer étale, nous trouvons un gamin de dix ans qui nous crie « Zavez pas vu un Pikachu ? ». Pas bonjour, rien, le gosse surexcité. « C’est quoi un Pikachu ? » demande mon oncle sur un ton moqueur (je venais de lui expliquer la logique de ce jeu qui pollue mon open-space). « C’est pour un jeu, faut les trouver. » Je balance alors qu’on ne joue pas à ca puis on trisse. Dix mètres plus loin, trois chiards déboulent « Pikachu, par ici, par là-bas ». Ils me rappellent les trentenaires de mon taff qui partent se défouler avec leurs pokémons sur le parvis de La Défense. C’est la boîte qui organise. Et tout par mail. Vachement chiadé.

21/07/2016

Agenda - De Décembre 2015 à Juillet 2016

  Pat Poker

  

   Je n’ai pas eu le temps en 2016 de mettre en ligne mes différents écrits. Parce que oui, j’ai écrit, mais je me suis également investi dans mon travail. Le taff est aliénant, et si tout le monde croit que Marx nous l’a enseigné, le monde le sait depuis toujours, en sorte que j’ai simplement manqué de temps pour alimenter L’Aristo. Humain, trop humain.

   La paresse aussi a fait son œuvre. Humain, trop humain.

   En plus de cela, j’ai beaucoup lu, chez moi ou au bureau durant mes pauses. Ce sont ces lectures aussi qui m’ont empêché de diffuser différentes notes plus ou moins structurées depuis le mois de Janvier. Alors je les copie-colle enfin, depuis mes archives. Je choisis de les classer par date décroissante. Certains de mes amis proches ont déjà lu quelques-uns de ces billets. Ils en trouveront qu’ils ignoraient. Il y a de tout : de la chronique, du cinéma, de la littérature, du sport, l’Inde, et encore d’autres facéties.

 

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   Un jour, j’ai dit que l’homme blanc est mort à Stalingrad et qu’il fut enterré à Diên Biên Phu. J’avais envie de le rappeler ici, comme cela, sans raison. Parce que j’en ai le droit dirait un gauchiste.

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   Le 19 Juillet 2016 - De Calais à Ankara - Technique du coup d'état

   Une vidéo qui circule cette semaine sur les réseaux sociaux montre des policiers s’en prendre à un journaliste de Calais parce qu’il les filme alors qu’ils arrêtent un militant nationaliste en marge d’une manifestation anti-migrants. Invectives, menaces verbales, la police s’agace et finit par courser le flandrin qui est rattrapé, tombe, se plaint puis est menotté et embarqué.  

   Comment s’étonner de cela ? Les ordres émanent d’une préfecture de gauche qui ne tolère pas le journalisme nationaliste. Cela confirme que les flics sont des bêtes qui suivent le pouvoir. Ils n'ont aucune valeur stratégique mais uniquement tactique. C’est-à-dire qu’ils ne seront jamais une fin mais resteront toujours un moyen.

C'est un corps d'état non constitué mais dévolu, et destitué aussitôt qu'il est activé ou arrêté. C'est pourquoi je n'ai aucune foi en eux. Ils ont ma confiance théorique mais en pratique, je m'en méfie. Depuis toujours. J'ai eu affaire à eux sur la route : des têtes de cons, des caboches sans âme. « La consigne ! » comme dit une policière de la vidéo, les ordres et cætera. Tout cela ne devrait pas surprendre.

   Il est naïf de croire à une révolte des policiers contre le pouvoir en place, quel qu’il soit. Cela n’arrivera pas.

   Les putsch sont neuf fois sur dix le fait de l’armée.

   L’état-major séditieux s’occupe de la stratégie tandis que la tactique est confiée à des équipes de choc sur le terrain. Dans l’Histoire récente, je pense à la guerre d’Algérie et au putsch d’Alger de Mai 1958 - et plus proche encore, aux séries de prise de pouvoir militaire en Amérique du Sud (toutes inspirées par l’OAS, justement, laquelle recycla ses hommes et ses idées sur ces lointaines terres d’exil). Plus loin de nous, je songe à César face à Pompée.

   La fois qu’un putsch n’est pas militaire, c’est parce qu’il est civil et encore est-il encadré par une escouade d’hommes de main habitués aux coups de poing. Si je reprends Rome pour exemple, je pense aux Gracques ; plus près de nous, c’est la révolution d’Octobre : à la stratégie, un petit-bourgeois s’apprête à construire un empire bureaucrate : c’est Lénine, et à la tactique : Trotski. Que des intellectuels. Bien haut perchés. Mais sur le sol, c’est le chef de gang Staline qui soutient la rue où se déploient les muscles des marins du Kronstadt dont Trostski dira qu’ils sont « la valeur et la gloire de la Russie révolutionnaire ».

   Tout est détaillé dans le merveilleux TECHNIQUE DU COUP D’ETAT de Malaparte. Or jamais il n’y est mentionné quelque sursaut policier. La police est systématiquement utilisée, matée, puis réutilisée. Qui furent les premiers à être neutralisés par les militaires turcs à Ankara durant le coup d’état manqué du Vendredi 15 Juillet 2016 ? Les policiers. Qui empêcha les militaires de destituer Erdogan ? Les civils et les milices salafistes particulièrement réactives, comme entraînées, toutes diluées dans le peuple par catalyse islamiste pour un contre-coup d’état civil. Les policiers, aux fraises.

Si la stratégie des militaires turcs semble avoir fonctionné, la tactique a lamentablement échoué. C’est un désastre. C’est le premier échec politique de l’armée turque qui enterre tout espoir kémaliste sur les côtes du Bosphore : adieu la laïcité des années 20 et vive le frérisme salafiste.

Erdogan est un fin stratège doublé d’un bon tacticien. Il était prêt. Il semble connaître son Mao sur le bout du Coran, ce Mao qui disait que l’armée doit baigner dans le peuple pour le convaincre de ses idées, mais qu’avant cela, il faut un bain de sang. Les putschistes turcs qui baignent dans leur sang ? Les simples prédécesseurs de ceux qui commencent de plonger dans leur peuple. Le rêve de sultanat d’Erdogan est en train de se réaliser. Lui, que les chancelleries européennes tiennent pour un démocrate, exige en ce moment du parlement qu’il rétablisse la peine de mort. Il me plairait que la France l’imitât si la Turquie devait entrer dans l’Europe de Bruxelles.

 

   Le 19 Juillet 2016 - Camus et Burgess, hommes absurdes

   Albert Camus écrit dans LE MYTHE DE SISYPHE que "tout est permis" est le credo de l'homme absurde, lequel est cet homme qui pense le sens de la vie sans avoir la foi. (Le credo se substitue à la foi). Or l'homme moderne qui récite également que "tout est permis", qui est athée par confort ou par circonstance, est un inconscient. Il n'est pas cet homme révolté que Camus rend synonyme de l'homme absurde : il est à l'inverse un homme soumis au désarroi temporel de sa société matérialiste. "Tout est permis", pourtant, et sans objet. En sorte que les modernes me font penser à des joueurs de football qui courraient sur un terrain privé de ballon sans s'en inquiéter, mais en affirmant qu'ils jouent au football. Une absurdité désespérante. Sisyphe sans son rocher.

   Chez Camus, l’homme absurde paraît à l’abandon mais n’en est pas moins rempli d’espoir. La routine peut-être rompue et c’est de cette rupture que surgira la joie. Camus commande d’imaginer Sisyphe heureux lorsqu’il redescend de sa falaise. Peut-être que la situation changera. Le chemin du retour, tant de fois parcouru et encore à parcourir, indiquera une autre direction. Sait-on jamais. C’est de cela que se nourrit l’homme absurde. Il est prêt à s’émerveiller. Son ennui ne le confond pas moins qu’il ne le morfond : il le détend. L’ennui absurde est une attente qui s’achève dans la mort. Elle aussi est une rupture, et pour définitive qu’elle est, elle sera accueillie avec bonheur parce qu’elle est rupture. L’homme absurde ne craint rien. Le temps n’existe plus. Il s’y trouve des moments dont l’intensité le dispute aux répits. L’aventurier est un archétype de l’homme absurde nous dit Camus. Les répits sont rares, et l’intensité du temps souvent féconde. Le condamné à mort est l’homme absurde chez qui les répits sont fréquents, quasi-quotidiens, et annoncent la cassure brutale du temps par la mise à mort.

   Camus reconnaît l’homme absurde à ses humeurs donc à ses gestes. Dans la littérature d’Anthony Burgess, je me souviens de son père qui était pianiste dans un bar de Manchester ; un jour que celui-ci était interpellé par un client parce qu’il buvait une bière au piano, il se mit à jouer des deux mains, conservant la chope qui frappait en cadence les touches que l’autre n’abattait plus. C’est un geste absurde et joyeux où la chope remplit le rôle du rocher, c’est la contrainte - et où le client tient le rôle des Dieux, c’est la damnation. L’œuvre d’Anthony Burgess est aussi absurde que le diagnostic médical qui lui promettait un an de vie au début de l’âge adulte. C’est là qu’il se mit à écrire. Sa tumeur au cerveau qui serait finalement guérie fut son rocher, les médecins ses Dieux vengeurs et la falaise son œuvre.

Camus n’a jamais commenté l’œuvre de Burgess mais Burgess commenta Camus et il estimait que l’auteur de LA PESTE aurait pu écrire ses livres avant lui. Tout est absurde chez Burgess, mais on n’en retient que l’espoir et la drôlerie. Je devrais développer ce que je vais me contenter d’affirmer ici : Burgess est la synthèse de Rabelais et Camus. Un grand rire devant la mort patiemment attendue.

 

   Le 24 Juin 2016 - Brexit mon amour

   Rigolo. Très rigolo. Entendu au bureau à l’instant de la part d’une social-démocrate marxisante. « Je trouve ca gonflé de la part de Cameron de mettre en balance toute l’économie d’un pays, voire carrément de l’UE, et un référendum. Demander l’avis de gens qui n’ont pas le recul sur les choses, qui ne comprennent rien à l’économie, c’est scandaleux . » Moi : « Donc tu es d’accord avec moi qu’il ne faut pas une démocratie mais un bon despote, genre un roi tel que tu penses le roi, ou mieux, un fasciste bien énervé qui sache donner une direction claire pour que la masse s’écrase ? » Elle : « heeuuu...ben oui... ».

   Elle propose cependant par mail: « pour affronter cette journée noire: viennoiseries sur mon desk ». J’adore les gauchistes : ils couvent tous un rageux bien extrême dès que l’opinion s’écarte de leur « avis ».

 

   Le 10 Juin 2016 - Du spectacle à l'aïkido

    Hier soir, je tombe à la télévision sur la cérémonie d’ouverture de l’Euro i.e. le championnat d’Europe des Nations que la France organise en Juin et Juillet 2016. Se sont réunies quatre-vingt-mille personnes sur le champ de Mars. Une scène a été érigée. Dessus : des agités comme David Guetta et Maître Gims. Mais c’est Alessandra Sublet qui retient mon attention, et ce n’est pas à cause de son physique servi par un accoutrement affriolant. Bien au contraire, elle ressemble à une pute de cabaret et ses cris ajoutent du ridicule à ses mouvements idiots. Un instant, elle danse façon femme du Lido et gigote ses épaules tandis que deux types la propulsent au-dessus d’eux. Une fois descendue, elle marche vers un public d’abrutis en imitant la vamp qu’elle n’est pas. Elle sourit avec sa grande bouche. Cette bouche !  Elle me fait penser à Jim Carrey dans LE MASQUE ou au joker de Tim Burton. Quelle vulve. Et cette démarche disgracieuse... La charmante jeune femme présente à mes côtés se moque de moi parce que je regarde ce spectacle mais trouve Sublet très jolie, ce qui est vrai, mais l’attitude de Sublet propose à ce qu’elle dégage un décalage trop violent qui la rend laide. Elle n’est pas ce qu’elle veut être.

Sans doute suis-je dans l’erreur, c’est-à-dire qu’elle est vraiment cet être spectaculant, comme si le spectacle voulait qu’elle le veuille dans une logique nietzschéenne de la force. Et c’est décidément bien cela, me dis-je, lorsque je me souviens de ses propos sur le mari jetable à cause de grossesses traumatisantes qui justifieraient de sous-traiter la création d’enfants auprès des femmes sous-développées. Oui, Sublet est certainement un être moderne vomi par le spectacle, mais qui vote à gauche, toujours paterne avec le tiers-monde qu’elle méprise dans les faits.

   Après cet interlude, je reprends la série que je regarde en ce moment : WALKING DEAD. J’écrirai bientôt à propos de ce chef d’œuvre scénaristique et dramatique. Je veux ici opposer à Alessandra Sublet le personnage de Morgan à qui l’épisode 4 de la saison 6 est entièrement consacré.

Brisé par la perte de sa femme et de son fils, Morgan est devenu un psychopathe qu’un type pareillement cassé recueille dans une maison qu’il s’est construit dans les bois. Ce dernier est un homme profondément bon qui s’est bâti une vision du monde à partir de son art martial qui est l’aïkido. Une résurgence d’aristocrate dans un monde anomique. Un homme chez qui la grandeur n’est ni un vain mot, ni une qualité futile. Elle est la vie même. Cet homme s’appelle Eastman : l’homme de l’est d’où viennent toutes les fois monothéistes et les arts martiaux. Il soigne Morgan, s’épanche auprès de lui et le pousse à s’épancher. Les dialogues sont sensibles et souvent profonds. Il lui enseigne l’aïkido autour de quoi Morgan retrouve sa personnalité et se forge un caractère d’homme redevenu homme. La photographie est magnifique. Elle rappelle celle d’APOCALYPSE NOW. Les couleurs de la nature portent la geste de ses deux compagnons d’infortune. Le kata que Morgan apprend s’exerce sous un soleil rouge qui s’affaisse dans les arbres avant de s’abîmer dans les points d’eau. Morgan s’apaise à mesure qu’il observe une discipline d’où il extrait ce que l’homme a de meilleur en soi, c’est-à-dire ce qui le dépasse, et plus précisément, celui qui le dépasse. C’est cela, la grandeur : s’oublier pour se surpasser. Des règles simples, mais dures ; une stricte obédience, mais morale ; de l’humilité, et un corps fort, sain, robuste, sec, et bagarreur. Aucune peur. Et l’aïkido. C’est un superbe épisode qui m’a scotché. Il m’est venu l’envie de pleurer devant cette sublime reconstruction d’un homme par un autre homme. L’amitié virile disparaît de notre monde sans guerre, or elle est autant nécessaire que l’amour d’une femme. Que penser d’Alessandra Sublet devant tant de grandeur ? Que penser de ce spectacle de singes devant tant d’humanité ? Ha ! Eastman ! J’aurais tout donné hier soir pour être un peu de ce Morgan que tu remets sur pied. L’aïkido...

 

   Le 09 Juin 2016 - Mon Oncle d'Amérique

    Hier, un ami me confie qu’il aime son nouveau travail mais qu’il « garde son rêve de partir loin d’ici un jour ». C’est l’occasion de dire quelques mots au sujet de Henri Laborit et de son livre L’ELOGE DE LA FUITE.

   L'homme, en tant que mammifère doté d'un système nerveux et en tant qu'être pensant, c’est-à-dire conscient, veille d’instinct à conserver son équilibre biologique. Si celui-ci est menacé, l’homme est censé fuir, mais si la contrainte est trop forte, il ne le peut pas. L’équilibre physiologique est rompu et l’homme somatise. Il s’ensuit un trouble psychologique qui évolue à mesure que l’exposition à la contrainte continue. C’est d’abord du stress, qui tend à l'angoisse, puis à la dépression, et enfin au suicide ou à la maladie.

Pour échapper à cette somatisation négative, l’être nerveux s'applique des garde-fou : il contre-somatise, disons, et dans le cas de l’homme, il choisit de rêver. Il se construit une figure qu'il songe à imiter. Mirage ou illusion, cette figure prend un nom. Ce peut être un pays où aller, une femme à conquérir, un jeu de hasard à remporter, un ticket gagnant qui sera gratté. Rien n’est trop faux pour anticiper la réalisation de la fuite qui viendra.

   Dans son livre L'ELOGE DE LA FUITE, Henri Laborit détaille cela à la perfection. Il y appréhende l’homme comme un tout qu’il décrypte grâce à une philosophie d’observation. Esprit total, il enferme l’homme dans une compréhension dont les considérations abstraites précèdent des conclusions scientifiques. Laborit identifie les dérèglements hormonaux que provoquent des déséquilibres extérieurs à l’organisme. Il précise quelles sont les hormones en question, à partir de quel taux elles constituent un danger, et enfin, comment contrecarrer leur action biochimique pour empêcher la dépression ou le cancer selon le mode de nuisance hormonale. Il donne ses lettres de noblesse à tout un pan de la discipline médicale dont le cœur de cible est le fonctionnement glandulaire. Il ne prévoit pas seulement, mais il nomme. C’est impressionnant. L’ELOGE DE LA FUITE est un livre épatant par la manière avec laquelle la pensée se déroule. Rarement l’écriture n’a autant servi un esprit humain aussi abouti.

   Laborit est le seul scientifique que je connaisse dont l’enseignement fût mis en film. Alain Resnais rendit cela possible en réalisant MON ONCLE D’AMERIQUE avec un jeune et touchant Gérard Depardieu. Touchant parce qu’il est un jeune homme qui se fait broyer par les débuts du capitalisme brutal des trente glorioles.

Dans ce film, Resnais donne un corps au rêve qui sous-tend la fuite. C’est l'oncle d'Amérique qui reste un inconnu dont la personne a vaguement entendu parler dans sa famille. L'oncle d'Amérique aurait réussi, là-bas, et un jour, la personne le rejoindra, là-bas, et réussira, elle y croit. Elle dépassera la contrainte, c’est certain. Il suffit de le répéter. Ainsi supporte-t-elle un quotidien auquel elle n'échappe pas et à quoi elle n'aura bientôt plus envie d'échapper. Alors le stress fera place à plus grave. Depardieu tente de se tuer.

   Le rêve de mon ami de partir un jour loin d'ici, c'est aller rejoindre son oncle d'Amérique.

 

   Le 08 Juin 2016 - De la jambe fine

    Enfin le printemps. Les filles portent des jupes - même celles qui devraient cacher leurs jambes. Ce matin, une femme passe derrière moi dans l’open-space. Je remarque ses jambes épaisses, lourdes, dures - du mollet mignon. Sa jambe est paysanne, habituée à marcher dans les chemins de terre accidentés. Elle indique ce à quoi devaient ressembler les nomades qui précédèrent les sédentaires. Le physique vagabond engendre de solides rejetons et promet à l’espèce de survivre aux périples et à leur cortège de dangers : froid, faim, prédateurs, ennemis.

   La civilisation naît de nomades qui décident de se fixer. Plus le temps avance et plus l’Homme matérialise la pensée qu’il développe dans le confort de bibliothèques et de monastères. Chez Marx, cela s’appelle le matérialisme historique. Toujours est-il que le sédentaire marche moins, et s’il sollicite le haut du corps pour le travail architectural, il empêche le bas de se renforcer. Il s’habitue à avoir des membres inférieurs moins robustes, et se plaît à les voir ainsi. En sorte que des jambes fines deviennent les canons de beauté de l’Homme fixé. Sans doute lui rappellent-elles qu’il est entré dans la civilisation et qu’elles en sont un résultat. La finesse tient à distance la partie fruste de lui-même qu’il a abandonnée. Que de gros mollets se manifestent, et l’Homme fixé y verra un retour du refoulé. C’est pourquoi il les a en horreur.

   En ce qui me concerne, je suis un sédentaire définitif, et il est vrai que la fragilité chez la femme me séduit davantage que sa solidité. De même chez l’homme, je lui préfère la jambe dynamique à l’appui ancré dans le sol. Il y a de l’aérien dans la beauté et c’est ainsi qu’elle brandit ce dont nous nous sommes extraits. C’est ce seuil inconscient que je franchis lorsque j’explique mon dégoût de la femme trop équipée en bas : je ne me contente pas de ne plus la regarder, bien au contraire, je me souviens de pourquoi je ne peux pas la mater et de pourquoi je ne peux pas la désirer : je ne peux ni ne veux plus me mêler à une simili-nomade. Fussé-je encore un chasseur cueilleur que je la désirerais autant que je l’exècre aujourd’hui.

 

   Le 07 Juin 2016 - De la civilisation obèse

    Une demoiselle en surpoids passe à proximité de moi dans l’open-space. Non que je trouve cela malheureux, mais je ne peux m’empêcher de tiquer. Je dis au stagiaire que l’obésité est le poids de concours entre l’inéluctable et le laisser-aller. Et j’ajoute qu’il faut nier l’inéluctable. Parce que, vois-tu, rien ne m’importe plus que la tenue. L’allure est très importante, et ce qui la sous-tend, c’est-à-dire la discipline, l’est tout autant.

   Alors on m’opposera que j’exagère, que je suis « raciste avec les gros » , que je suis rigide, et puis que moi aussi, tiens, je suis gros, qui sait, si ca se trouve tu as aussi ton gras superflu, hein, non mais ! Oui, j’accepte. Seulement le constat ne s’arrête pas à lui-même. Lorsque je remarque qu’un gros est gros, je pointe moins cet obèse que la société qui l’encourage. Le phénomène de l’obésité est précisément un phénomène, or ce qui compte est le noumène qui l’origine (voilà, je place un peu de Kant pour calmer les esprits). Bref, un gros est l’épiphanie d’un état de civilisation en décomposition avancée. Il en est la projection ou encore la restriction à l’échelle de l’individu, lequel a tendance à se multiplier. Ci-après une tentative d’explication de ce qui conduit à l’obésité – que je dois encore développer :

   J'appartiens à une civilisation de la masse qui est plus démographique que démocratique. Ce n’est plus le bulletin de vote qui compte, mais la loi du gros qui s'étend et somme quiconque voudrait lui échapper par l'esprit de s'y agripper par le corps. C'est-à-dire que tout part du principe d’obésité mentale que le désir mimétique enfante à l’estomac. Le monde s’empiffre comme d’une seule tome, c’est la masse, qui inscrit cet appétit de l’instinct non plus seulement dans les gènes, mais dans les gestes. Par une sorte d’induction d’inerties, qui emprunterait sa diffusion à celle de la chaleur dans un métal ou au déploiement du champ magnétique dans une bobine, par une espèce d’induction, donc, qui s’appuie sur autant de pôles qu’il y a d’humains, s’impulse un élan gastrique via quoi l’individu devient personne. Un égale zéro.

Avec l’élan, le besoin primaire devient une habitude puis un réflexe qui confine à l’envie. Sans l’élan, l’envie redevient réflexe qui convoque un besoin. Avec et sans : c’est un artefact, et au-delà, c’est l’automate. Ainsi naît la gourmandise, et massifiée, il lui faut une figure : c’est Donald. Chez lui commencent les réunions. A table les gros ! Si la répulsion existe entre aimants, elle disparaît entre les corps organiques lorsqu’ils sont assignés à s’assiéger. Parce qu’ils s’assiègent, parfaitement ! Et c’est par gravitation qu’ils achèvent de s’accoler. Les chairs s’effondrent par parties dans un tout. Elles fondent. L’affrontement ne connaît de victoire que dans la défaite. C’est le jeu bien connu de la démocratie qui s’y entend à participer sans l’ambition de gagner. Ne lui importe que la logique de la foule. Règne de l’informe ; trône de la masse. Finis les plus ou moins, l’attraction consomme les forces, la gravitation aspire ce qu’il reste de puissance avant d’en recracher la graisse. C’est le règne du faible. Rien que des ronds, des nuls, des zéros partout. Aucun relief que les sphères à pustules !

 

   Le 06 Juin 2016 - Considérations du 06 Juin 2016

    Le samedi soir, il m’arrive de regarder l’émission du cafard Ruquier. Il n’y avait rien d’intéressant avant-hier mais j’ai remarqué Gaspard Proust et Frédéric Beigbeder. Ils ont présenté leur dernier film L’IDEAL qui descend du livre AU SECOURS PARDON de l’écrivain cocaïnomane. Le film et le livre suivent 99 FRANCS : le monde de la mode et ses mannequins étiques succèdent à celui de la publicité.

AU SECOURS PARDON est un livre confus qui enquille les clichés façon Beigbeder. Ce n’est pas un grand texte en sorte que m’en souvenir n’a constitué qu’un rappel de mes 26 ans lorsque je découvrais Beigbeder et Houellebecq. J’avais décidé de m’attaquer à la littérature française (et américaine) moderne, ce qui m’avait amené à lire Yann Moix. Ce dernier n’est pas un bon écrivain à la différence des deux autres. Ce n’est pas non plus un brillant polémiste. Mais il est un réalisateur correct dont le film PODIUM avait retenu toute mon attention lorsque j’avais 23 ans.

   Je pensais à cela en regardant Gaspard Proust, Frédéric Beigbeder et Yann Moix ; le temps qui passe sur ma curiosité qu’un autre réalisateur, avec qui j’avais déjeuné plus tôt dans la journée, avait saluée ; mes sorties, mes doutes, mes diatribes, mes silences, mes timidités afin d’observer les gens en soirée et enfin, les poses que j’adoptais et que Proust continue d’imiter à 35 ans passés. Comme cette phrase de Bernanos qu’il récite pour impressionner Léa Salamé sur le point de lui tomber dans les bras : « le monde moderne est une conspiration contre toute forme de vie intérieure. » C’est la phrase la plus connue de Bernanos, la plus dégueulée par les anars de droite, et c’est celle que tout séducteur cultivé balance à la gauchiste qu’il a envie de sauter : elle est parisienne, et elle est émoustillée en entendant un réac citer un vieux con dont le phrasé l’impressionne. Elle se découvre un cynisme supérieur au sien qui est resté adolescent. Alors elle chavire.

Cependant, Beigbeder riait comme s’il se gaussait de passer le témoin à celui qui incarne à l’écran l’avatar littéraire qu’il n’a jamais habité dans la vie. Beigbeder a ceci de touchant qu’il ne vit que dans ses livres. L’existence est mortelle et je ne connais nul autre qui le dise mieux que lui. Oui, j’aime Beigbeder, et c’est pour quoi je fus attristé de voir pour la première fois que son rire n’est plus un rire, et que son sourire n’est plus un sourire : le premier fait penser à un rictus et le second à une grimace. Le pire est qu’il n’y a rien de psychologique là-dedans. Il ne s’agit pas d’une traduction esthétique d’un trouble intérieur mais bien d’une fatigue physique. Beigbeder ne compose pas : il est décomposé. La raison est simple, triviale, même, si évidente qu’elle en devient sèche comme la mort : la drogue couplée à l’alcool et à la clope. Beigbeder est un quasi-vieillard à un peu plus de 50 ans. Il est usé par la fête et toutes sortes d’orgies nocturnes. Je parle d’un type qui à 20 ans bringuait avec Antoine Blondin, c’était un garçon qui écrivait au rouge à lèvres sur les miroirs des Bains Douches CE SOIR, IL FERA NUIT, jolie réplique sortie du MONSIEUR JADIS OU L’ECOLE DU SOIR. Un homme qui a cherché à peupler la nuit de toute sa littérature. Vaincu, il est devenu celui qui le menaçait, c’est-à-dire un clochard. Son rire de samedi mourrait aussitôt qu’il s’enclenchait, comme si une force intérieure l’aspirait et l’empêchait de sortir. On eût dit un chien qui baillait avant de crever. L’image qui m’est soudain venu fut celle d’Alain Pacadis. Il était un excellent écrivain et un chroniqueur de rock sans égal. Comme Beigbeder, c’était un viveur qui n’arrêta jamais de nocer. A la fin de sa vie, il n’était plus que la caricature de sa caricature : vêtu d’un perfecto, il errait dans Paris en gerbant au seuil des boîtes de nuit dont il se faisait virer après en avoir été le prince. Son quotidien consistait à se faire tabasser par des videurs en espérant qu’un ami le ramasse. Cet ami était souvent Beigbeder qui espère dans son PREMIER BILAN AVANT L’APOCALYPSE ne jamais lui ressembler, ni moins encore finir comme lui. Et bien si, Frédéric, tu finiras comme lui. Tu ne t’es pas gâché, ho non, car tu ne serais jamais rien devenu si tu n’avais pas dû aboutir à Pacadis. Pacadis, Blondin, Beigbeder : l’humeur qui vagabonde s’éteint sans un cri.

 

   Le 30 Mai 2016 - Qu'on m'explique

   Qu’on m’explique en quoi un jogging au milieu des tombes rend hommage aux morts de Verdun. Tous ces lurons en slip en train de fouler du pied les tombeaux…Vraiment ? J’ai été éduqué dans l’idée que le respect ne se donne pas à une racaille de cité qui le réclame en insultant la mère mais davantage en ne piétinant pas la sépulture des anciens, c’est-à-dire de ceux qui sont morts.  Le ressssspé comme disent les fions de gauche. Je suis de ceux qui pensent encore qu’au cimetière, le silence accompagne une certaine componction. C’est pourtant simple. Economie du geste et des mots, peu de gesticulations, nulle peine de crier, à la limite Hollande peut-il discourir pour remonter dans les sondages à la force du pet.

   Ha ! Il est vrai que je suis un fasciste réactionnaire n’est-ce pas (alors que le fascisme est révolutionnaire, mais bon, peu importe), de sorte que ce que je dis rappelle l’amère tradition. Le progrès, bien sûr, allons, cesse d’être méchant. Gentil ! Donne la patte maintenant.

   La course en sac de Verdun aurait été rigolote si les joggeurs s’étaient vraiment associés au sort des poilus tués. Ils auraient honoré leur mémoire, peut-être, en goûtant aux mêmes joies d’un sport qui consiste à éviter les balles et les obus. Il aurait suffi d’une division d’artillerie à la mode 1916 pour mitrailler ce tas de cons qui se seraient trouvé le supplément d’âme qui leur fait défaut. J’aurais volontiers tiré dedans. Tatatatatatatatatatatatatata hahaha j’aurais ri tatatatatatatatata et trente gauchistes de moins ! tatatatatata allez piétine ! tatatatatata souille de ta crasse deux grands-oncles maternels ! tatatatatata cent de moins ! joie de vivre et vive la mort ! tartuffes ! tatatatatatatartuffes ! tartuffes ! tartuffes ! J’en pleure.

 

   Le 27 Mai 2016 - Considération

   L’esprit du temps. Notre zeitgeist est rigolo, il n’en est pas moins agaçant. Nommons-le Zeitgeist 2.0.  Je veux ici m’intéresser à ses assertions brutales (ce sera très bref), et non à ses contradictions (ce serait trop long).

Ses assertions. Il y en a trois :

·         Tu es raciste

·         Tu es homophobe

·         Tu es misogyne

   Je conseille de répondre oui à chacune de ces accusations. Cela énerve l’interlocuteur, d’une part, et d’autre part, le oui unique finit par créer une rupture dans le fonctionnement du zeitgeist 2.0 parce qu’il l’amène à se contredire. Le zeitgeist 2.0 pose son toit sans fondations en sorte qu’il s’effondre. C’est sans doute instantané, mais le zeitgeist 2.0 méconnaît la compréhension spontanée. Il est toujours en retard. Il faut être patient avant qu’il ne s’avoue vaincu et, beaucoup plus rarement, qu’il ne s’avise de sa bêtise.

 

   Post Scriptum : ses contradictions découlent de ses assertions que je pourrais tout aussi bien nommer propositions. La mathématique se construit sur des propositions que précèdent des définitions voire des axiomes (cf. Euclide pour sa géométrie), et c’est précisément l’absence de définitions qui créent et perpétuent les contradictions du Zeitgeist 2.0. La mathématique est fascinante. Elle enferme le monde dans le monde qu’elle se crée. Un religieux parlerait d’incréé au sujet de la mathématique, en sorte qu’elle révèlerait sa divine nature. Deus sive mathematica ! Bref, à titre d’exemple qui peut se généraliser, c’est à partir de définitions propres et de propositions simples que la mathématique invente les opérateurs logiques de calcul et crée l’algèbre, c'est-à-dire un premier monde, lequel s’étoffe de théorèmes qui enferment des schémas de compréhension abstraits et concrets. Une vision elliptique relie cela à la conquête de l’espace. C’est prodigieux. La mathématique obéit à ses propres lois qui devinent celles de l’univers dans une logique de confirmation mutuelle. Quelle cohérence. Puissance de l’esprit humain qui se déploie.

Le zeitgeist 2.0 est tout différent : il s’emploie, lui, et à défaut d’évoluer, il involue.

 

   Le 26 Mai 2016 – Scène de la vie quotidienne

   Hier, alors que je venais d’entrer dans l’enceinte de la piscine de Neuilly, j’entendis dans les vestiaires une conversation entre une fille et son père. Mais qu’est-ce que la biologie ? demande le père. C’est la science de ton corps répond la fille. D’accord, et c’est ca que tu veux faire ? Mais comment veux-tu faire des affaires avec ca ? Je comprends alors à qui j’ai affaire, justement. Le type est grand, la quarantaine qui en paraît cinquante, ancien costaud devenu mou par endroits. Le laisser-aller du corps est partiel mais suit celui de l’esprit. La fille rétorque : alors pour toi un métier, c’est faire des affaires ? Le père s’agace. Il ne s’énerve pas mais commence de s’emporter. Il se lève, maugrée que de toute façon ce n’est ni le lieu, ni le moment de parler de ca et s’enfuit en exigeant que sa fille se dépêche. Il l’abandonne sur son banc. Elle est un peu triste, je crois. Elle ne sera pas biologiste parce que son bourgeois de daron saura la convaincre, ou a minima la forcer, de faire du « business » comme on dit. L’esprit bourgeois, que j’appelle l’esprit fessier (déjà décrit dans un de mes commentaires sur le temps, l’un de ces commentarii à la Guichardin que j’aime beaucoup), l’empêchera de s’élever à hauteur de soi. Je ne critique pas ceux qui veulent faire des affaires sans plus louer ceux qui s’y refusent : je déplore que l’esprit fessier convoque le monde aux assises de l’argent où il l’assigne à comparaître. Qu’un père veuille le mieux pour sa fille est normal, et si elle entend s’adonner à quelque activité débile il lui faut l’en dissuader. Mais si elle s’enjoue pour une noble discipline, qui garantit que le travail de l’esprit sera supérieur à celui de la fesse, par quoi il sera moins rémunérateur en termes numéraires, faut-il les mépriser ainsi, elle et son choix, au nom de forces matérielles dont Péguy déplorait qu’elles flétrissent les forces spirituelles ?

   Il est évident que si je décide de ne pas prendre mes distances vis-à-vis de ce père et de sa fille, je dirai qu’il est l’un de ces trop nombreux rogatons qui peuplent la bourgeoisie, laquelle, toujours plus enflée, en nombre et en richesse, dépeuple le monde de ce qui lui reste d’hommes et de femmes nobles, c’est-à-dire expurge ce qui subsiste d’aristocratie dans la société. Bref, la bourgeoisie continue la Révolution.

 

   Le 25 Mai 2016 – Brèves considérations

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   Gabriel Robin (journaliste d’extrême-droite) commente sur facebook la grève des raffineurs : ils appliquent les principes théorisés par Sorel. Voire. Ces bêtas bloquants connaissent sans doute mieux Soral que Sorel. Une seule lettre vous change en état dépeuplé.

 

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   Dans l’open-space. Des écrans à droite et à gauche, tous les dix mètres, bordent les rangées de bureaux. Ils diffusent Roland-Garros. Le sémillant stagiaire qui sied à ma gauche (garçon intelligent, volontaire) me dit c’est génial. Je lui réponds que non, c’est odieux, ca déconcentre. Imagine un peu l’homme du XVIIIème siècle qui voyagerait dans le temps, qui reviendrait de notre siècle et qui déciderait d’en tirer une dystopie, c’est-à-dire une anticipation sinistre du futur, et bien crois-tu que cet homme saurait imaginer pire supplice que celui qui consiste à soumettre des travailleurs dont on exige efficacité, productivité et concentration aux pires moyens de distraction ? Existe-t-il pire sévice psychologique ? Je ne crois pas... Le stagiaire me regarde. Il sourit, comme étonné. Il n’est pas d’accord ? Non ? je lui demande. Tu ne trouves pas ? Alors il hoche la tête et me dit c’est si joliment dit...Je sais amigo, je sais…je suis destiné au joliment dit mon vieux...

 

    Le 18 Mai 2016 – Conversation imaginée

    Il y a cet ami qui place sur Youtube des analyses de films. C’est bon, c’est passionné, mais c’est long. Il est jeune, Tom, alors il vit de ses instincts premiers comme moi à son âge quand je m’étais lancé dans la littérature, c’est-à-dire quand j’ai commencé à écrire. Le débutant est pareil partout et en tout temps : surcharges, longueurs, fioritures et trilles inutiles sur ce qui secoue le cocktail : la susceptibilité. Il est difficile de critiquer Tom sans qu’il se sente agressé. Ca le mortifie, comme moi au début. Maintenant je m’en fous. Pourquoi ? Parce que déjà, j’ai écouté les critiques et après les avoir aspirées, je les ai recrachées si loin que je sais que je sais écrire. Je sais que je sais : c’est homo sapiens ca, l’homme qui sait qu’il sait. La conscience n’est-ce pas. Le débutant ne sait pas qu’il ne sait pas, et c’est à cela qu’il lui faut échapper, sinon il est mort. Tom ne sait pas, et il ne sait pas qu’il ne sait pas.

   Je lis en masse sur le cinéma, mais bézef, pas à moitié, j’y vais à fond, comme avec la littérature : je lis et je lis au sujet de ce que je lis. Puis j’écris, évidemment, mais bref, je reviens au cinéma : dès que je me plonge dans l’univers d’un film, je pense au bon vieux Tom, et je me dis qu’il doit cesser de chroniquer. Il a du talent, alors je lui dirais, si seulement il savait au moins ne pas se vexer et que je l'avais en face, de faire du cinéma au lieu de faire son cinéma : produire un film et non dire un film, ca, ca aurait de la gueule. J’écris, par exemple ! Je lis aussi, mais je n’écris pas que j’ai lu, et je n’écris pas au sujet de ce que j’ai lu : je crée. Alors de temps en temps, je commente ce que j'ai découvert, ok, mais se restreindre  à ca…non, pas possible.

Les bâtisseurs ne commentent pas : ils sont commentés. Il y aura toujours un tas de fiottes pour s’agglutiner autour de l’œuvre comme une mouche s’accole à sa merde, or il s’agit de ne pas devenir une fiotte. Il faut créer. Est-ce qu’il faut tourner autour de la femme qu’on désire ? Hein ?! Non : tu lui sautes dessus pour la sauter proprement, une fois qu’elle est ok. Mais tu ne la commentes pas indéfiniment, tu te mets à la créer en sorte, tu la travailles, tu l’écris ou tu la produis, tu en fais un livre, un film, ton œuvre m’enfin ! Ha ! Tom...s’enliser...pas bon ca, pas folichon.

 

   Le 17 Mai 2016 – Le système-homme

   Il y a cette vieille interview de Francois Hollande dans quoi il explique qu’en ne se foulant pas le moins du monde, il pourra toujours accéder à tel poste qui lui garantisse un salaire conséquent. Il suffit qu’il soit là, sans même se présenter ni se manifester, simplement là, pour que le bon levier le pistonne. Dans la poche. Sans morgue aucune, Hollande le rond confesse son absence d’ambition qui lui permettra de monter sans grimper : il sera hissé. Passif : nul besoin d’agir. Débonnaire le héros. Il ne rigole pas, mais il sourit comme le chien salue son maître.

Il mentionne souvent « le système »¸ et c’est ici que c’est intéressant : lorsqu’il en parle, il établit qu’il ne l’utilise pas mais que c’est l’inverse qui est vrai, c’est-à-dire que « le système » (entendre ici la démocratie parlementaire et partidaire) se sert de lui, en sorte que c’est Hollande qui est dépassé et non lui qui surpasse une organisation livrée à elle-même. Hollande le jeune est l’homme dans qui « le système » s’écoule. Il est « le système » fait homme. Il n’est pas l’homme-système attendu qu’il n’a pas créé un « système » qu’il ne domine pas. C’est le système-homme parce que « le système » l’englobe et l’agite façon pantin. Dès lors, je ne m’étonne plus qu’il fût élu président le 6 Mai 2012. Il est l’aboutissement d’un fonctionnement politique basé sur la bureaucratie. Hollande est la solution finale qui entend dissoudre le peuple pour en élire un autre qui serait technocratique d’abord, c’est-à-dire en haut, interchangeable ensuite, c’est-à-dire en bas. Sa capitale : Bruxelles, mais la récente affaire BlackM, tragicomique à souhait, montre que Verdun fournirait un bon chef-lieu de province au « système ». Sans doute parce c’est là-bas que celui-ci s’y est récemment consacré en plaçant dans la tête de ses hommes liges une idée que relaient encore toutes leurs bouches animées. Ce matin, Hollande garantit que l’Etat serait prêt à sauver le concert, dût-il avoir lieu, et à en assurer la sécurité. C’est le président cézigue qui s’y colle : voyez que je ne mens pas lorsque j’écris l’avènement du système-homme.

 

   Le 16 Mai 2016 – Putain de mort de Michael Herr

   J’ai commencé ce matin le livre de Michael Herr : PUTAIN DE MORT. J’ai lu il y a peu chez Régis de Castelneau que c’est le plus grand livre jamais écrit sur la guerre américaine au Viêtnam. Alors je l’ai acheté. C’est que, beaucoup plus jeune, je m’étais déjà passionné pour ce conflit grâce au cinéma. VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER (Robert De Niro et Christopher Walken y offrent une scène culte, peut-être la plus dure du cinéma de guerre) - FULL METAL JACKET – APOCALYPSE NOW ainsi que la trilogie qui commence avec NE UN QUATRE JUILLET, et s’achève sur ENTRE CIEL ET TERRE en passant par PLATOON : autant de chefs-d’œuvre que j’ai visionnés au minimum dix fois. Je suis passé ensuite à la littérature et ce sont LES DEPECHES DU VIETNAM de John Steinbeck qui m’ont le plus marqué. L’intelligence de l’auteur DES SOURIS ET DES HOMMES s’étale sur des pages hallucinées à travers jungle et vols d’hélicoptère que ponctuent de brillantes saillies sur la guerre. Grand livre. Il rappelle la réalisation d’APOCALYPSE NOW au cours de quoi l’équipe de tournage manqua devenir folle. Ce film est certainement le plus brutal que j’aie regardé et le voir au cinéma donne une idée certes minimes, mais une idée quand même, du sentiment qui pétrifiaient les acteurs au contact d’un Marlon Brando aussi troublant que son personnage. Ce n’est pas tant la fameuse scène du napalm et des hélicoptères walkyries qui brutalise le spectateur que la voix de Brando racontant ces unités Viêt-Cong qui ont coupé les bras des nouveau-nés avant de les entasser sur la place du village. Quelle tirade. Elle vous habite à vie.

   PUTAIN DE MORT de Michael Herr est impressionnant de justesse - et dès les premières pages. Le récit est éclatant. Ha ! Américains de lettres ! Un Américain qui écrit se penche sur l’homme pour en extraire ce qui lui reste de nature, et il se frotte à la nature pour en tirer pareillement tout ce qu’elle contient d’homme. C’est de ce dialogue interne, c’est-à-dire de ce monologue à deux voix, que naît la littérature américaine. Les Américains ne placent qu’eux-mêmes dans leur littérature, or ils se définissent par l’action qui épouse leurs agissements. Par ceux-ci, ils se confrontent au monde encore féroce, l’inframonde, que ne peuplent, à l’âge des civilisations avancées, que des résidus d’humanité. La guerre du Vietnam est la conquête de l’Est qui suit le Far West, et de tous ces far, les écrivains américains conçoivent une profonde idée d’eux-mêmes dans quoi ils reconnaissent leur identité. Au cinéma, en plus d’APOCALYSPE NOW, il y a VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER. Chez les écrivains, il y a Faulkner, London, Steinbeck, Melville : tant de leurs plumes sont trempées de ces instincts oubliés. Les Américains traquent l’instinct, c’est MOBY DICK, c’est un peuple ardent et encore sauvage, jeune, donc, et bien que je ne les aime pas, j’admire chez eux le surgeon de l’ancienne Europe qu’ils ont conservé. L’Amérique n’a pas d’Histoire ancienne, alors elle se fabrique des géographies. C’est de la conquête qu’elle surgit, et non du territoire.

 

   Ce livre. Quel livre. C’est un grand livre. Ha ! Cette sensation de tenir entre ses mains un livre en sachant qu’il vous marquera : qu’ya-t-il de plus fort ? Saisir cette femme aimée ? Brandir au ciel son nouveau-né ? Venir au monde ? En sortir ? Enigme totale et jamais résolue par l’homme de lettres, donc par l’homme tout court et tout entier. Un livre est un passe-temps, mais un grand livre est une brève de soi : un résumé violent de ce qu’on voudrait être, donc de ce qu’on n’est pas.

 

   Un grand livre est rare parce qu’il est peu fréquent de le trouver. A la manière d’un grand film, il en tombe un par an dans une vie d’homme. Depuis MORAVAGINE de Blaise Cendrars que je lisais deux fois en une semaine en Juillet 2015, je n’avais jamais retrouvé la nette impression d’exister et d’être vivant que me procure PUTAIN DE MORT de Michael Herr.

 

   Le 16 Mai 2016 – Du porno au djihâd

   Qu’est-ce que la pornographie ? Etymologiquement, il s’agit du travail de celui qui graphe des vies de prostituées, donc qui les écrit ou qui les dessine. Avec le temps et le développement de l’abstraction qui signe l’évolution positive d’une langue, la pornographie désigne ce qui est montré alors que la morale interdit de le montrer. Le cinéma et la photographie, certaines peintures aussi, proposent des scènes de sexe qui sont moralement exclues des monstrations et qui sont lors qualifiées de pornographiques.

Sans la morale, la pornographie serait une chronique des bas-fonds urbains ou des bas-instincts humains – et quand j’écris « bas-instincts », je ne juge pas les instincts de sexe, j’écris simplement qu’ils s’expriment par l’anatomie basse (par la fonction et la position), quand la pensée se développe via l’anatomie haute (par la fonction et la position).

   Appartient désormais à la pornographie non plus seulement le référent sexuel montré (Eros étalé), mais la référence macabre exposée (Thanatos affalée) : si la morale ferme les yeux devant la mort qui se réalise, c’est plus pour rappeler qu’il ne faut pas la montrer que pour ne pas la voir.

Or comment exhiber la mort sinon par l’exécution publique ? La guillotine est un juste exemple de la mort pornographique : elle est rien moins que l’analogue de la caméra qui filme du sexe pornographique, c’est-à-dire du sexe destiné à être montré. Ni la mort, ni la guillotine ne sont sexuelles : que ce soit clair que je n’écris pas ceci (même si de rigolos freudiques voient du phallus dans la Veuve castratrice (quelle drôle de redondance dans la contradiction...!), et prêtent une excitation libidinale aux foules hystériques qui assistent au spectacle du bourreau).

   Cette longue introduction pour expliquer ce que j’avais dit à l’un de mes rencards à l’été 2014 au sujet des égorgements filmés, donc rendus publiques, que commet l’état islamique. Alors que les écrans plats du restaurant diffusaient les « les images choc » de prisonniers suppliciés, comme on dit, j’avais lancé que c’était du porno. J’avais entendu un gros "Heeeein ?!" en guise de réponse, façon reproche puritain sous quoi l’imbécile cache toujours son idiotie (ca le rassure d’être moral à peu de frais, il se prend pour un moraliste). Je n’avais pas eu la force de clarifier mon propos à mon annamite. Mais le fait est que l’état islamique montre ce que la morale interdit de montrer, c’est-à-dire la mort, et non la mort comprise comme violence légitime de l’état, mais comme meurtre, ce qui est doublement troublant pour celui qui regarde donc un meurtre pornographique. Il devient de facto un voyeur, donc un acteur de la scène pornographique, par quoi il est lui aussi mis en scène : la gêne confine ainsi au malaise ressenti.  Heeeein ?! Mais tais-toi. De toute façon, il n’est jusqu’à l’esthétique de film du genre boulard qui ne rappelle dans ses vidéos le fonctionnement pornographique de l’état islamique. C’est cela qui fascine les candidats au djihad de nos banlieues européennes, tous ces petits cons nourris de culture porno à la sauce youporn. L’état-major de l’état islamique le sait, alors il les excite avec ce qu’il sait qui les excitera : des porno-stars plus que de vrais guerriers. "Heeeein ?!" 

  

   Le 14 Mai 2016 – Corps et harmonie

   Il est fort probable qu'en sport l'équilibre précède l'harmonie. L'harmonie serait le résultat de l'exercice et conduirait à une certaine esthétique dont, justement, les admirateurs loueraient l'équilibre. Un beau corps est à mesure d'homme, et si j'en crois l'athlète écrivain qu'était Mishima, il est la condition d'une belle âme.

En sorte qu'une activité physique mal menée induirait un corps ingrat. Il serait solide et musclé mais boursouflé, donc disharmonieux, c'est-à-dire démesuré ou a minima à la mesure de ce que n'est pas l'homme. En civilisation technique et machinique où les humains s'échinent sur des machines musculatrices, il n'y a rien d'étonnant à cela.

 

   Le 13 Mai 2016 – Pachelbel

   Il arrive que se produisent au terminus de la ligne 1 à Grande Arche des musiciens du registre classique. C’était le cas ce matin. Un concert de violons jouait un tube baroque de Pachelbel. Autour des violonistes, les gens s’amoncelaient, comme figés par la beauté que les instruments arrachaient à leur caisse de résonance. Au milieu d’un endroit gris et sale, où la masse affolée ne se déplace qu’à vitesse de rat, les taffeurs de La Défense prenaient une pause matinale avant d’aller bosser. Peu avant que le concert de M-Blacky ne fût annulé, là même où cet abruti aurait dû se produire, c’est-à-dire dans la plus crasse des stations de métro où les racailles se retrouvent pour zouker et beugler façon veau, se tenait donc un concert improvisé qui eût suffi à célébrer les morts de Verdun.

   Je fus moi-même saisi d’émotion parce que tant d’élégance et de talent contrastaient trop violemment avec l’ambiance du lieu. Ici, les gens se poussent et s’ignorent, ils s’évitent et se cognent, renfrognés, comme s’ils reprochaient à autrui de lui avoir imposé de venir là. C’est leur petit Verdun, mesquin, étriqué, dont ils sortent héros s'ils ont chipé l’espace d’un autre. Mais ce matin, ces mêmes personnes se recueillaient et semblaient toutes se pardonner un malheur partagé, à la manière de communiants qui échouent au seuil du Christ. Je n’ai pas peur de dire que c’était beau et que ma journée en fut embellie. Cependant, je ne pus m’empêcher de remarquer que tous prirent la peine d’immortaliser la scène à l’aide de leur smartphone. Photos et films : il leur fallait, en place de souvenirs, des preuves de ce qu’ils avaient vu. Il leur faudrait montrer ce qui l’avait été, en sorte qu’il leur faudrait se montrer eux d’abord. Ce ne serait plus « j’ai vu » mais « regarde ce que j’ai vu », qu’il convient de corriger en « regarde ce que je n’ai pas vu » ou « regarde ce que j’ai cru voir ».

 

   Le 12 Mai 2016 – Casa e mamma

     Casa et Mama sont chacune deux syllabes dont peu se figurent assez l'importance en Italie : la mamma signifie l'attachement au sang quand la casa rappelle ce qui unit au sol. La maison mère. La mère patrie. On sort de la casa comme on sort de sa mère, et on sait qu’on sera changé quand on reviendra s'y blottir. Et c'est aussi changé à tout jamais que l'on y revient lorsque, effondrée, la casa qui n'est plus a rejoint une mère décédée. Ha ! La casa, la mamma. Malaparte dans son libre Mamma marcia déplore que se meure la maison Europe, mère et terre vivaces. Il n’a pas choisi son titre par hasard, il a plongé au plus simple et au plus profond de la culture italienne.

 

   Le 11 Mai 2016 – Concert de BlackM

   Je lis que le concert de BlackM ne choque pas parce qu’il est du rap, mais parce qu’il s’agit d’un divertissement qui ne correspond pas à ce que doivent être les cérémonies d’hommage aux poilus de Verdun. Un concert de variété eût été condamné de la même façon. Voire. Il eût été agoni, oui, mais avec une moindre intensité que le concert du nègre. Parce que le rap est pire que tout, et qu’en l’espèce, la variété se rapproche plus de l’esprit français que le rap du débile de Sexion d’Assaut. Quel que soit le genre comparé au rap, ce premier l’emporte. Le rap définit la haine de la France par le sous-verbe, l’infraverbe disons, c’est-à-dire le cri, lequel, si rapporté à la négritude, se réduit au pet et à son cortège d’onomato-pets. Le rap obéit à la logique de la racaille la plus crasse qui émane de ses vulgarités : vulgarité physique, vulgarité olfactive, vulgarité pornographique, vulgarité vestimentaire, vulgarité alimentaire, vulgarité gestuelle, vulgarité de parole. Quelle morgue que celle du gouvernement socialope. Quelle sinistre farce. Ce n’est même pas le cirque qui se rend à Verdun, mais le zoo.

Chaque jour que la République défait,  je me demande ce qu’ils vont nous pondre. Jamais je ne parviens à imaginer plus grande idiotie que la précédente, et toujours ils en trouvent une. Jusqu’où va-t-on descendre ?

 

   Le 04 Mai 2016 – Discussion avec Gaspard

   Ha j’en ai marre de rester tard le soir parce que je dois attendre le « go » d’un manager ! Son bon vouloir... qu’il valide le truc. Insupportable...

Il est 18h. Je viens de me lever de mon bureau et je croise un collègue. Il part fumer. La pause clope. J’aime beaucoup ce garçon ; un beau rire à quoi l’amitié ne saurait résister. Alors je le réconforte à ma manière.

   C’est certain. En plus, tu fais la salope de types que toi et moi n’écouterions même pas dans la jungle. C’est étrange, une civilisation. Elle succède à la culture et la nôtre met à son sommet les physiques faibles. Enfin, la plupart du temps n’est-ce pas. C’est comme si notre civilisation avait fait de notre culture une insulte à la nature. C’est une entorse...une contrariété aux principes élémentaires de la force qui crée les hiérarchies. Non parce que ton boss, franchement, dans la jungle, il survit pas. Je veux dire que face aux golgoths, toi et moi, on a au moins la force de fuir, mais lui c’est tout nu qu’il les attend, la main sur la raie et le petit doigt sur le sexe. Rigolo. Encore plus rigolo quand tu te dis qu’une race de femmes, et des jolies !, se maquent avec eux. Elles confondent puissance et force. La force, du coup, elles la trouvent chez l’amant. Etre un homme, je vais te dire, c’est être cet amant en étant aimé. Parce que les fiottes qui managent sont en fait méprisés. Sont pas aimés ces types : comment tu peux aimer des mous comme ca ? Hollande est leur roi tout désigné. Sincèrement : ce type dans la jungle en serait réduit à casser les noix de coco entre ses fesses. A genoux. Quelle merde.

   Rire de mon ami.

   Haha ! Et oui...foutus managers...c’est dingue de se faire dominer par ces fiottes. Les faibles. Leur association leur la donne la puissance du nombre qui oppresse la force singulière. Quelle farce. C’est Nietzsche, ca. Ce bon vieux Nietzsche. Mais bon...tu sais, les fascistes ont mal compris le surhomme. L’idée du physique dur et brutal, c’est pas hors-sujet mais ca vient après, le surhomme est d’abord plus abstrait. Il se met en retrait, c’est le pas de côté du poète en gros, et il regarde depuis sa montagne (abstraite encore) les gens s’éparpiller dans la démographie monstre. Je t’assure que la force, une fois introduite dans les idées, a donné lieu à un tas d’erreurs de conception. Le darwinisme social par exemple ! Ben tiens, ici, en salle des marchés, les types sont persuadés que le délire est juste et que ce sont eux qui le concrétisent. Darwin enseigne que ceux qui restent sont là parce qu’ils ont su mieux s’adapter en sorte qu’ils sont devenus ce qu’ils étaient, à savoir les plus forts. Ben le darwiniste social justifie le capitalisme avec le même outil : chez lui, le pauvre est inadapté, parce qu’il ne sait pas faire de fric, donc il est faible et condamné à disparaître, alors que le riche, lui, sait faire de la thune, donc il est fort et assuré de rester. D’où les lignées et les héritages compris comme autant de lignages et d’espèces. C’est totalement con. Des penseurs conséquents ont démoli le darwinisme social. Darwin, déjà. Et oui. Il explique que certaines espèces ont survécu, que ce soit au niveau individuel ou générationnel, par le bais de l’entraide. Kropotkine, le Prince de l’anarchisme, développe la même approche qu’il applique à l’économie et est bien plus convaincant que deux petites chiures individualistes de salle des marchés. Ces mecs de la salle sont les mêmes qui disent que les fourmis sont socialistes. C’est vrai dans le fond ! Encore qu’interpréter la nature à partir de concepts humains contient une contradiction d’essence. Mais c’est surtout que ces idiots te sortent qu’elles existent depuis la nuit des temps et qu’en système socialiste, elles n’ont jamais évolué. Elles sont restées au même stade. A la limite, tu peux leur opposer que tant mieux, parce qu’elle ont donc su se maintenir et donc s’adapter, mais ils n’en ont cure : évoluer, c’est la force. Le changement, le mouvement et toutes ses conneries. Ils se disent conservateurs mais ne cherchent pas à se conserver, comme le font les fourmis. Puis bon, leur routine, leur taff d’automates : tout ca les rapproche de l’idée qu’ils se font des fourmis. Ils mélangent tout. Ha je te jure...D’instinct, tu sais que ces cons ont tort. Seulement, et c’est tout l’enjeu de la philosophie, il faut que la raison confirme l’instinct. C’est délicat, alors il faut penser.

   Alors mon ami me regarde. Il a deux yeux bleus illuminés. Le soleil le fait soupirer davantage. Tu connais toutes ses théories...tu parles avec tant d’aisance, et tu es là à faire des calculs de risque. Tu sous-utilises ton intelligence. Il me fixe, criminel. Il me tape l’épaule et s’en retourne.

 

   Le 04 Mai 2016 – D'Epicure à Nietzsche

   De même qu’Epicure réussit à imaginer le fonctionnement de l’atome, et à hiérarchiser l’élément en sous-structures (noyau, protons, neutrons, électrons) qui répliquent une organisation globale identique et donc atomique (le système solaire), de même Nietzsche propose sans doute avec l’Eternel Retour une vision du monde qui serait entièrement quantique.

   Le lecteur de Nietzsche, pour peu qu’il soit suffisamment curieux, sait diversifier ses lectures, et s’il est intelligent, il effectue des recoupements. S’il a lu à propos du fonctionnement cellulaire et qu’il connaisse les principes des sciences biologiques, c'est-à-dire du vivant, il se rend compte que la description  nietzschéenne des forces qui nous régissent trouvent leur confirmation dans les études scientifiques les plus avancées du XXème siècle. Nietzsche enferme dans sa pensée, et avant toute expérience, les conclusions des laboratoires établies un siècle après lui. Moins fort qu’Epicure qui avait plus de deux mille ans d’avance, mais tout de même ! Cette force qui veut être voulue et qui s’empare de soi initie l’énergie des tissus vivants : réplication des cellules, encodage puis décodage de l’ADN à partir de l’activité des protéines soumises à l’ARN. Ces sous-forces sont l’analogue des sous-structures d’Epicure et concourent à l’organisation du corps humain qui devient ici le pendant du cosmos épicurien. Fascinant.

   Alors oui ! Nietzsche jeta d’importantes intuitions et si je reviens à l’Eternel Retour, je peux croire que nous sommes condamnés à revivre éternellement la même vie : non pas parce que Nietzsche le dit, mais parce qu’il se met au diapason de la mécanique quantique avant même que la discipline n’existe. Einstein dit un jour que si vous tournez sans vous arrêter autour d’un arbre, il existe une probabilité non nulle que vous vous sodomisiez. Dit autrement, il est probable que vous vous retrouviez en un endroit identique à deux moments différents. Par application des principes de la mécanique quantique, Einstein traduit l’Eternel Retour nietzschéen.

Dans la série TRUE DETECTIVE dont la saison une est un pur chef d’œuvre - depuis le jeu des acteurs jusqu’à la qualité des dialogues - le personnage principal tenu par Matthew Mcconaughey élucide l’affaire criminelle à force de méditations et de réflexions soutenues par une vision quantique du monde que dirigeraient les forces nietzschéennes. On ne saurait être plus cohérent. TRUE DETECTIVE est certainement l’une des séries qui m’ait donné le plus à penser.

   Maintenant, divaguons :

   L’Eternel Retour admettrait le bien-fondé de l’astrologie à condition qu’elle soit envisagée comme la connaissance de ce qui s’est déjà produit et qui va se répéter, et non comme la prédiction d’un avenir jamais encore réalisé.

Le médium, lorsqu’il est pénétré de forces médiumniques, ne capterait pas un temps linéaire à venir, mais une suite d’instants circulaires déjà consommés.

Les forces astrales, tout comme la lune attire, agiraient à proportion de la volonté nietzschéique, c’est-à-dire qu’elles instilleraient la volonté qu’elles soient réclamées. De là qu’elles influeraient sur le caractère des personnes en fonction des distances placées entre celles-ci et les astres au moment de la conception in utero et de l’existence ex utero.

  

   Le 03 Mai 2016 – Bouffonerie

   Le fou dit au sage : « Tu sais que tu ne sais pas. »

   Le sage dit au fou : « Tu ne sais pas que tu sais. »

 

   Le 03 Mai 2016 – Conversations avec mon stagiaire

   Depuis un an et demi, il y a toujours un stagiaire assis à  ma gauche. Tous les six mois, il en vient un nouveau. Il me plaît de lui apprendre quelques concepts, alors chaque jour je le surprends en quelque moment de la journée et lui demande s’il connaît ceci ou s’il a entendu parler de cela. Aujourd’hui, je lui demande s’il sait la différence entre l’égotisme et le solipsisme. Réponse habituelle : non.

Alors je dis que l’égotisme consiste à voir le monde après l’avoir ramené à soi : c’est une vision après conçue qui part de soi. De là que Julien Sorel (c’est Stendhal qui invente l’égotisme) ne conçoit l’amour qu’en s'imposant l'enjeu de saisir la main de Mme de Rênal : toucher d’abord le monde pour le reconstruire depuis soi. Tandis que le solipsisme entend voir le monde en l’ayant déjà ramené à soi : c’est une vision préconçue qui vient de soi : Le solipsiste ! Ce fou enfermé dans un bunker ! disait Schopenhauer.

 

   Le 03 Mai 2016 – Lettre à Finn

   Évidemment que Finn était mort. Et il n'était pas mort en héros, mais en type, et en type que la guerre avait fabriqué. Le rien se conçoit de lui-même, de là qu’il est toujours gagnant. Un type. Guerre et paix ? Guerre et mort, oui ! Le néant est pire que l'inverti : il n'épouse que soi.

   Il y avait ce livre, PUTAIN DE MORT de Michael Herr, qui s’échangeait dans le corps de troupe. Ha ! Hi ho ha ! O extase. Quelles lignes jetées dans la braise de nos types. Tous nos morts nous parlaient. Finn existait dans chacun des mots de Michael. Herr était l’homme qui avait suivi nos pas. Planqué derrière les tanks, il avait progressé dans les rues des villes Viêt dévastées. Il en avait tiré des dépêches formidables qui nous avait convaincus que nous écrivions un peu de cette Histoire que les élèves apprennent. Certains d’entre eux plancheraient sur nos actes, et d’autres les noteraient sur leurs mains afin de tricher. Ainsi passait la vie au travers de flirts avec des ombres. Nous en étions, de ces ombres, et loin devant nous, tonnerait l’écho de nos derniers cris. Une salle de classe, voilà ce que serait notre conseil de guerre. Et ce serait un prof qui nous jugerait avant de nous placer au reclusoir. Ouste ! Nous soldats appartenons à la nuit, et c’est dès que nous entrons au service. L’arme passe toujours à gauche. Et garde à vous, sans doute. Ha ! Oui !

 

   Le 03 Mai 2016 – Pierrot le Fou

   J’ai vu hier soir pour la première fois le film de Godard PIERROT LE FOU. Je le dis tout net : j’ai été extrêmement déçu. C’est du philistinisme qui se place à renfort de citations et de références littéraires. Surréalisme de pacotille. C’est une cuistrerie.

Mais la photographie est magnifique, de sorte qu’elle m’a poussé à visionner le film en entier.

Le hic de ce cinéma est celui de tout l’art du XXème siècle : l’art pour lui-même. Ne plus filmer ou peindre ou raconter la vie des gens, mais filmer et peindre et raconter la vie elle-même : ici commencent les abstractions précisément là où elles finissent parce qu’elles se construisent sur ce qu’elles prétendent rejeter, c’est-à-dire les gens. Contradiction dans les termes. S’ajoute donc à cela le ridicule qui tue l’art.

Les hussards en littérature partent de ce constat et tentent avec panache et talent de remettre de l’histoire dans les livres au lieu que de balancer des livres dans l’histoire de gens sans histoire. A mort les pisse-copies !

Bref, la forme nouvelle de l’art, du nouveau roman à la nouvelle vague, est nihiliste parce qu’elle conduit à la sortie de l’art et de tout, y compris de l’Histoire par l’absence d’histoire et de personnages. Les personnages deviennent des individus décrits seuls ou filmés perdus. Alors ils sont personnes, et chacun devient nul. Le personnage meurt parce qu’il est tué.  L’art nouveau d’après les années 55 se fabrique une post-humanité ou une post-Histoire. C’est l’art démocratique, en sorte qu’en démocratie, c’est l’art d’état, lequel amène à l’idéologie et l’art à l’épouser.

Lorsque je dis cela à un amoureux de l’art nouveau, il me rétorque que non, mais que je ne comprends pas. Soit. Qu’on m’explique. Silence. Tu ne comprends pas. Or toute incompréhension quémande une explication. Que la demande reste lettre morte est une réponse en soi.

 

   Le 02 Mai 2016 – Ode au bouffon

   Pourrais-je vivre dans le passé, et qu’il me fût possible de changer ma nature en corps et en esprit, je désignerais Triboulet pour qu’il me remplaçât.

   Le bouffon était un contre-pouvoir à lui seul. Il y avait de l’humain, encore, en monarchie. Il est maintenant évacué de l’état-nation bureaucratique. Il y est même encouragé – à disparaître.

   

   Le 02 Mai 2016 – Sarkozy

   Je m’étonne que parmi tous ceux qui ont observé Nicolas Sarkoy, nul ne l’ait jamais confronté à Christian Clavier. Les deux sont amis - alors certes, ceci ne suffit pas à les rapprocher en tout mais il est impossible de les associer en rien. Que je tombe sur Nicolas Sarkozy et je suis aussitôt surpris par la ressemblance physique qui l’unit à son ami. Le même cheveu, la même peau, et il n’est jusqu’à leurs mimiques de satisfaction qui ne les unissent. L’image qui colle à Clavier reste celle de son string échancré dans le premier des BRONZES. Tel va Sarkozy, mais sans le cache-sexe, lui conserve la ficelle entre les fesses.

 

   Le 27 Avril 2016 – Open-space

   Les gens qui travaillent dans l’open-space se plaignent d’être observés. A la sensation d’être épié, s’ajoute la peur d’être dérangé. A force, la personne en conçoit une angoisse parce que l’attente étend la crainte de ce qui est constamment redouté. S’ensuivent l’énervement et la déconcentration. Il suffit de se figurer celui qui passe souvent dans son dos ou celle qui s’appuie intempestivement sur son dossier lorsqu’elle vient consulter un voisin ou s’adresser aux mouches. Je n’oublie pas le bruit diffus qui rappelle le brouhaha d’un hall de gare.

   Tout cela est vrai, mais il y a plus agaçant. Je veux ici parler de la possibilité de tout voir et de tout regarder qui existe dans l’open-space. Celui-ci rend évident le principe de réciprocité qui établit que celui qui est regardé peut aussi regarder, mais la réciproque active si je puis dire, qui consiste à espionner, est plus intense. Surveiller celui qui surveille redouble la fonction. L’open-space assigne plus à s’alerter qu’à comparaître de sorte qu’il accentue l’éparpillement physique (il faut lever et tourner la tête) et mental (il faut interpréter malgré soi ce qui est vu), donc toujours la déconcentration.

   L’open-space crée des accolements brutaux, à distance, et secoue tant le cerveau d’informations contraires qu’il le rapproche de l’idiotie après l’avoir abruti. Il nuit donc à la productivité quand même celle-ci se gave d’informations plus facilement échangées. Du reste, l’information ne circule pas dans l’open-space : les gens la gardent pour eux. Seuls les ragots et les pauses-potins sont rendues plus efficaces.

 

   Le 15 Avril 2016 – Transparence

   La transparence est le dernier poulet que tous les médias se refilent. La région qui l’exporte ? La Scandinavie. L’âme démocrate s’y contemple. C’est que tout s’y montre jusqu’à ce que le reflet de chacun devienne le miroir de tous.

   La transparence enferme l’honnêteté, l’aveu et la confession dont le produit d’assemblage est l’exhibition.

   Il faudrait également creuser du côté du protestantisme qui trouve dans le Nord de l’Europe des terres propices à son épanouissement. C’est par amour de l’argent que les protestants échappent au communisme. Leur éthique capitaliste les en protège, mais ce n’est pas le cas de leur passion pour l’épanchement. La parole protestante soude les communautés en les sommant d’exposer leurs maux. Chacun traduit l’autre dans la droite lignée d’une pulsion traductive qui conduisit leur premier pasteur à vulgariser la parole divine. Ha ! Cette parole protestante ! Ca dégueule. Il leur fallait l’abstraction totale du verbe pour se séparer du sol où se bâtissaient les traditions. Ils s’en sont tenus au commencement, au verbe, qu’ils momifient dans la transparence.

   La parlote est l’abstraction qui chez eux trouve le plus facilement sa réalisation, entendu que toute idée politique se conduit dans le bâti. Ciment chez les Romains, marbre chez les Grecs, pierre chez les Celtes et les Francs, béton chez les capitalistes et leurs appendices communistes, le bronze chez les Khmers, terre cuite chez les nègres (il y a un lien direct entre la qualité de la pensée et sa matière brute – et plus avant avec sa formalisation) : partout, c’est l’esprit qui s’enduit. Et chez les Scandinaves, le verre. Parce que tout doit s’y voir à défaut d’être entendu dans la rue – mais je gage que c’est pour bientôt comme l’annonce le culte du dialogue en démocratie. L’architecture social-démocrate suédoise résume l’intelligence de la Scandinavie. La preuve par IKEA et le choix du design épuré. Voyez ces baies vitrées. Exhibez-vous ! Le citoyen du Nord est le dernier homme de Nietzsche.

 

   Le 12 Avril 2016 – Cendrars et Céline

   Sur le plan de la pensée, je me tourne vers deux disciplines : les sciences du vivant et la physique quantique.

   La première existe en littérature. MORAVAGINE de Cendrars place l’Homme au centre de ce qu’il est : le monde vivant. Ce livre révolutionne la littérature. Il sort peu avant LE VOYAGE de Céline et pâtira de ce livre génial également mystique et au cœur du vivant (Bardamu en Afrique vit de la même pulsion que Moravagine sur le fleuve amérindien). Cendras est un infra-Céline. Cendrars s'intéresse au noumène, Céline au phénomène. Cendrars est un Céline amputé, et d’ailleurs il perdit son bras dans les tranchées, ce qui n’est pas anodin pour un écrivain de sa trempe.

   La physique quantique est une révolution de la pensée même. C’est une autre vision du monde. Elle n’existe pas en littérature. L’idée de deux ou plusieurs événements identiques et simultanés réalisés en deux en ou plusieurs endroits différents est inimaginable et contraire à l’entendement. L’intuition n’existe que dans une autre acceptation de ce qui est. C’est prodigieux : l’abstraction humaine rejoint la réalité physique en l’ayant imaginée avant de l’expliquer. Anticipation. L’art, abstraction humaine, imite enfin la vie : Wilde ne disait pas que des âneries. Le monde de la physique quantique voit au-delà de ce monde.

 

   Le 11 Avril 2016 – Littérature américaine

   D’Elie Faure (essayiste francais), je n’ai lu que des commentaires ou des extraits venant d’écrivains ou de cinéastes (Henry Miller, Chaplin, Godard) qui ne juraient que par lui et jugaient autrui en fonction de s’il avait lu Faure ou pas. Miller l’appelle l’un de ses quatre cavaliers de l’Apocalypse. Il cite Spengler aussi. Le bâtisseur de schémas.

   Miller vaut le détour. C’est de la pure littérature américaine, donc axée sur le fond. Le style s’identifie au langage parlé qui s’inspire de Céline que Miller admirait, comme Kerouac qui vouait un culte à l’homme de Meudon. Leur style est direct. Syntaxe simple mais variée. C’est moins riche que l’Europe mais c’est suffisamment particulier pour rendre une littérature véritable.

   Kerouac m’a décu dans SUR LA ROUTE. Je lui préfère LA ROUTE de Jack London. J’avais posté sur facebook des lignes qui débinaient Kerouac. Une connaissance gauchiste m’avait allumé. Pas touche !

   Bret Easton Ellis, je l’ai dévoré à 21-22 ans. Je le trouve génial. Puis Salinger, Hemingway, Fitzgerald.

   Les US me fascinent par leur technologie mais aussi par leur littérature, donc. Elle est européenne mais frelatée par l’Atlantique. Les influences italiennes, francaises (Kerouac), allemandes, suisses et irlandaises (Fitzgerald) sont comme dopées par les grands espaces (Jim Harrison) ou par la ville géante et béante (Miller). Entre les espaces et les zones urbaines, il y a la route de Kerouac et de London où les humains sont secoués depuis la nature jusqu’aux mégalopoles dans une partie de ping-pong débile. On ne se figure pas assez l’importance de la route en Amérique. Ligne droite, elle sanctifie dans le sol la course en avant entamée par le progrès. La route est la voie démocratique où chacun roule à proportion de limites qui sont des limitations universelles. Les ricains sont démocrates par la géographie davantage que par l’Histoire. Leur littérature se nourrit de cette géographie. Ce n’est pas une littérature de contes, ni d’histoires. Leur littérature est un lieu. C’est le creuset.

 

   Le 09 Avril 2016 – Fort rigolo

   Au bout de la vingtième vanne sur la Révolution francaise que LES VISITEURS 3 habillent pour l’hiver, une bigote de gauche à la voix chargée de votes et de principes s’exclame : « Nan mais c’est ca qui me gêne ! ». Echo racaille : « La ferme, tepu ! ». Quand l’enfant dévore Saturne...

 

   Le 09 Avril 2016 – Célinie

   Rigolo : je tombe en sortant du bassin à la piscine sur une nana de mon lycée. Une gauchiste que j'avais virée de Facebook après ses padamalgames du 13 novembre. La nana que les mecs voulaient tous. Elle m'aimait bien mais, rebelle à deux sous, décidait du jour au lendemain de ne plus me parler parce que cela lui avait été soufflé. "Il est premier de classe tu vois". Il fallait préciser que j'étais déjà sportif mais passons. Elle n'a pas changé mais n'est pas folichone. Par respect pour mon amie, je ne suis pas allé plastronner en la saluant. Célibataire, je lui aurais montré ce qu'elle méprisait petitement avant et qui la méprise hautement après. Je lui aurais montré, tous muscles bandés et bandants après ma séance ce qu'est un authentique fasciste moderne, c'est-à-dire un rigolo mais un rigolo qui veut et peut mettre son monde à ses pieds - à défaut du monde. Les cons disent qu'il a un univers. Il me souvient d'elle, gauchiste au lycée, donc, qui parlait de ses envies de suicide aux gens populaires. Ho...pas à moi : parce qu'elle ne me parlait pas et savait que nul ne me la faisait. Elle voulait se suicider gauchistement, donc gauchement, non de ce qu'elle ne connaissait pas assez le monde mais de ce que le monde ne la connaissait pas suffisamment. Égoïsme imbécile ! Aucune grâce ni grandeur ! Que de gravité. Elle sacralisait la mort au lieu d'embrasser la vie. Étrange qu'elle existe encore. Il semble que les convictions ne dépassent pas la pensée parce qu’elles ne sont jamais suivies des actes. Mais tue-toi donc vingt dieux ! Elle s'appelle Célinie. Elle vote à gauche et nage à Neuilly.

 

   Rigolo : ragaillardi par mes pensées, je tombe sur un adolescent à la sortie qui écrase son badge contre le lecteur magnétique au lieu de le passer devant. Cet idiot devient laid d'être bête. Je ne dis rien. Il meeeeeeuh pour que je passe devant lui. Je m'exécute. Mon badge passe sans encombre. Je dis lors : "c'est comme avec une femme, il faut y aller délicatement." Meeeeuh suivi d'un "ha d'accord" inquiet. J'ai 32 ans toccard. Tu es déjà gras et con. Alors taille et essaye de baiser mieux que tu ne badges. Pornocrate va. Toute ta génération empeste la crasse physique et intellectuelle et ton comportement face à une situation simple de la vie témoigne de toutes les difficultés qui t'attendent. Tu nages à Neuilly.

 

   Le 07 Avril 2016 – Surréalité

   Hier, jour de pluie que je marchais, je m’imaginais les parapluies se refermer brutalement sur les gens. Je voyais les protège-flotte s’animer comme des plantes carnivores. J’ai pensé qu’une telle situation serait une surréalité. Irréalité, non : parce que les parapluies peuvent se refermer, et souvent cela se produit par gros temps. Surréalité, oui : parce que le résultat de leur fermeture inopinée n’est pas de broyer les gens dans des éclats de sang mais de les agacer. Si je popularise cet événement, c’est-à-dire si je crée un monde où les parapluies menacent de dévorer qui les tient, je crée un univers surréaliste qui correspond à ceux de Boris Vian. Ainsi de L’HERBE ROUGE ou de L’ARRACHE-CŒUR. Le surréalisme est le résultat d’une surréalité qui survient et qui se répète. L’irréalité n’existe pas en sorte qu’il n’est pas possible de parler d’irréalisme autrement que pour relever une absence de sens. Y-a-t-il un sens à ce que les parapluies mangent leur propriétaire ? Non dans la réalité mais oui en surréalité. La surréalité prolonge le réel en l’intensifiant. Un parapluie se ferme, et après ? Si c’est rien, c’est marre et puis c’est tout, mais si c’est tragique, ou comique, ou les deux à la fois, c’est plus intense. Alors les gens déchiquetés par les pans plastiques ne sont qu’une réalité soumise à l’épreuve de ce qu’elle pourrait être : soit une surréalité.

   Quand Eluard écrit que La Terre est bleue comme une orange il substitue la géométrie (la terre est ronde comme une orange) à la couleur (l’orange serait bleue comme la Terre). Il n’inverse pas deux réalités, en sorte que ce n’est pas une irréalité et que cela peut avoir un sens : il renforce la réalité que la terre est bleue et ronde en même temps - et c’est en imaginant que la terre est un fruit qu’il la renforce. De même, considérer qu’un parapluie est une plante carnivore saisit davantage la violence de son éclipse. Eluard ajoute aussitôt Jamais une erreur les mots ne mentent pas : l’irréel ne se manifeste pas ; l’absence de sens ? : jamais ! : c’est réel ou surréel.

 

   Surréalité = mort d'un proche.

   Irréalité = sa mort propre.

 

   Sujet grave s’il en est : la mort. La mort reste la grande inconnue parce qu’aucun vivant ne l’a vécue et ne peut la raconter. Elle l’est doublement parce que le mort n’est pas conscient qu’il est mort de sorte qu’il ne peut témoigner de ce qu’il est ou devient. La mort existe par l’absence de ce qu’elle touche. Mais elle se manifeste, et en tant qu’inconnue jusqu’à ce point de manifestation, elle intensifie la réalité où elle pénètre par effraction. Elle n’apparaît qu’à ceux qui lui survivent, lesquels observent qu’elle est survenue : la mort vécue, c’est-à-dire celle d’autrui, est une surréalité. C’est à travers la mort d’un proche que cette surréalité s’éprouve le mieux. Sidération, effroi, déni sont les premières étapes du deuil. Suivent la colère puis la dépression. Autant de mots pour expliquer l’incompréhension face à une situation non inédite, mais jamais imaginée. Je crois que c’est une fois imaginée que la mort survenue peut être appréhendée. La surréalité appartient à l’imagination et si celle-ci n’est pas suffisamment ample, la première jettera toujours dans l’incrédulité. Il s’agit de se dessiller pour ne plus être étonné. Alors le deuil est consommé, même s’il aura été paradoxal de devoir imaginer ce qui s’est déjà produit (imaginer rapproche davantage de l’anticipation que de l’explication).

   Les attentats sont une surréalité. La mort en masse qu’ils provoquent en éloignent d’autant plus qu’il est heureusement rare que des proches soient concernés. Plus les attentats sont fréquents, plus il est aisé de les imaginer et d’en concevoir une réalité. En ce cas, la réalité est une surréalité altérée ou modifiée, c’est-à-dire une habitude. « On fait avec » désigne une surréalité descendue de quelques degrés qui ne sait plus enflammer la réalité. Celle-ci s’accapare l’événement survenu, qui d’ailleurs ne survient plus, mais vient. La réalité n’étonne pas. Une surréalité devenue réalité, donc une réalité qui est une ancienne surréalité, n’étonne plus. La nuance est importante. Tout cela s’observe en Europe depuis les attentats de Charlie Hebdo du 7 Janvier 2015 : en à peine plus d’une année, la surréalité des attentats a disparu.

   Quid de sa propre mort ? C’est l’irréalité. C’est une singularité comme il s’entend maintenant au sujet d’une rupture dans un champ continu. Elle est définitive parce que tout est bouleversé. Ici, tout est changé en ne devenant soit rien si l’on est athée, soit tout si l’on est croyant. Dans les deux cas, la mort reste inconnue aux vivants, et puisque le mort est mort, même s’il la connaît en tant que personne morte, il ne peut plus la sentir en tant que vivant. C’est là que réside le non-sens de sa mort propre, laquelle, quand elle survient, est donc une irréalité.

 

   Le 07 Avril 2016 – Démocratie

   La démocratie ? Des soumis et des hommes. 

 

   Le 31 Mars 2016 – Fête

   Très juste pour Muray. Et pour la vision de la fête. La fête pour la fête, c'est-à-dire la fête qui fête la fête, annihile la fête pour rien, c'est-à-dire la fête.

À la limite faudrait-il ici un mot pour énoncer la fête qui se fête elle-même. Mon père propose le mot teuf. Le vocabulaire est important pour enfermer le concept dans une simplicité qui n'efface pas sa complexité, ni sa pertinence.

   Houellebecq a écrit des choses percutantes sur la fête.

   Personnellement, j'envisage la fête comme un moyen. Et ce moyen permet d'oublier la mort. En ce sens, la fête est importante pour l'homme. Notre époque non pas festive mais festiviste comprend la fête comme une fin. Elle se comprend aussi comme une fin, d'ailleurs. Et cette fin exige de rappeler la vie.

   Autrefois, la fête s'achevait dans l'heur et la folie. Joie de vivre, baise folle : le moyen-âge que Villon enferme dans toute sa poésie géniale était rigolard et s'accommodait de l'absurde en écrabouillant les contrariétés. Il y avait de la comédie à avoir oublié qu'on meurt. Aujourd'hui, la fête se termine dans le pleur et l'asphyxie. Mal d'être, baise molle : la modernité que Houellebecq résume dans sa poésie absurde est chialeuse et déplore le néant en s'écrasant d'anxiété. Il y a de la tragédie à s'être souvenu de ce qu'on meurt. Tant de déboires après tant de fêtes. Tant de tristesse chez la jeunesse bourrée qui ne bourre plus. C'est en cela que surgit spontanément et invariablement le tragique de l'existence : à trop l'oublier, on se le rappelle trop fort.

 

   Le 30 Mars 2016 – Mézigue dans la peau de Limonov

   Hallier venait de me proposer de rejoindre L’Idiot. J’avais accepté. C’était une bande d’excités qui tiraient dans tous les sens. Nabe était là, Soral aussi, Houellebecq. Je venais d’arriver et ce con de Sollers jouait l’Internationale au piano en la chantant. Quel con. Pour ma première on va à l’anniversaire d’une pétasse. C’était pratique pour moi, je vivais dans Le Marais, or c’était à côté. On se retrouve à une assemblée de femmes, et au milieu de tout ca, une fille s’approche et commence à me raconter qu’elle est féministe et poète et qu’elle écrit. Je dis aussi sec qu’une femme ne peut pas être poète. Ha ! La fille se crispe. Elle avait d’admirables cheveux juifs qui lui poussaient depuis le milieu du front et qui s’animaient avec des morceaux de peau que son énervement secouait. Vous les Français crèverez de vos femmes bonhommes. Retire-ca ou je te casse la gueule qu’elle me dit. J’accuse le coup mais je persiste. A l’époque, j’étais sec et nerveux comme un Slave et rien qu’en serrant les mâchoires, je lui fais comprendre ce qui est quoi et qui est qui. Cette féministe s’est tue, puis je suis parti. Je suis resté un intermittent de L’Idiot. Je rêvais d’échanger avec Le Pen or il n’y avait que là que je pouvais le rencontrer. Mais Hallier ne parvint jamais à le faire venir. Dommage.

 

   Le 25 Mars 2016 – Petit truc

   Parfois tu sais, je me dis : en moi et en chacun de nous se sont déposées des couches de sédiments de civilisation dont la première strate est le langage - dont la théorisation a conduit à la langue. Le langage n'est pas la capacité de parler mais la connaissance d'un code qui traduit par le son des signes graphiques (version), ou qui traduit par la lettre des sons vocaux (thème). La langue est issue de cette dialectique mentale. Maîtriser un langage, c'est décoder. Je situe là le point de départ de toutes les abstractions humaines. De sorte que quelqu'un qui parle mal, ou qui s'exprime mal si tu préfères, oui parce qu'il faut distinguer "parler mal" de "mal s'exprimer" : les premiers guillemets contiennent la notion d'impolitesse et donc de culture alors que les seconds se restreignent à la nature de la personne, donc à ses possibilités cognitives, de sorte que, donc, la personne qui s’exprime mal est a minima décivilisée. Mais c’est toujours un barbare. Vois-tu, je place la barbarie là où règne le fait de mal s’exprimer (ce n’est pas pour rien que la grammaire qualifie de barbarisme le crime vocabulaire). Je vais même être plus précis : quiconque est capable, et non coupable, de mal s’exprimer est un barbare parce qu’il rappelle par ses mots qu’il brade l’héritage plurimillénaire de capacités cognitives extrêmement complexes. Il est un traître aux bâtisseurs de concepts, ces pierres de l’esprit. Il est un destructeur. Il dilapide et précipite sa civilisation dans les profondeurs du néant. J’en vois partout autour de nous dans cet open-space. Tous ces pauvres types qui s’expriment mal et en tirent une fierté. Sans parler de ces lopes et  de leur accent de conne. Leur fierté : c’est elle qui les rend coupables.

   Dans ce texte qui est un brouillon, il me faut mieux et plus insister sur leur fierté : c'est vraiment elle qui situe plus justement la barbarie moderne. À la limite, l'absence de fierté restreint-elle cette barbarie à la sauvagerie. Plus avant, je pourrais pousser sur l'absence du sentiment de honte qui déserte le monde européen. Derrière l'absence de honte, il y a donc la fierté mais aussi son corollaire qui est l'absence du doute. Or le doute est la base de notre philosophie.

 

   Le 23 Mars 2016 – Pensées d’un Européen en 2016

   J'ai trouvé en cette époque une vérité plus difficile à énoncer que sa propre mort, plus insoutenable, même, que le rappel de sa mort, lequel surviendrait au moment de mourir et qu'un cuistre nommerait "le devenir mort", ou encore "le mourir" - cette vérité, donc, est de savoir et de dire qu'on est déjà mort. C'est pire que d'être conscient de sa mort, ce qui supposerait ici un devenir, quand je parle là d'un état, et d'un état de l'être, et davantage : d'un état de mort de l'être, donc d'un être mort. L'image qui me vient est celle d'un astre mort perdu dans une galaxie avec quoi il s'est éteint, c'est-à-dire d'une étoile morte sans lumière mais jamais explosée.

   Il faudrait un mot pour englober ce qui précède. Un simple mot, un seul, qui soulignerait la singularité de mon impression. Le mot MANER convient. Il vient de l'ancien français qui est une langue morte mais vivante dans ses restes modernes. Il contient le son mâne, ou man, selon qu'on orthographie : premier cas, on parle d'un fantôme, second cas, en anglais, qui découle du vieux français, précisément, on parle d'un homme. MANER contracte en un seul mot l'homme fantôme, ce qu'est devenu l'Européen. Il signifie DEMEURER, HABITER, et c'est encore précisément ce qu'est devenu l'Européen du sol d'Europe : un homme fantôme qui ne vit plus sur une terre où il ne fait qu'habiter.

 

   Le 01 Mars 2016 – Bombay

   Aéroport de Bombay. Des immeubles s’élèvent à flanc de piste. Plus près encore de celle-ci, dessus celle-ci, même, des bidonvilles qui ceinturent l’enceinte. Rigolote modernité qui n’engendre que sa laideur à mesure qu’elle s’étend. D’elle, je retiens ses hommes qui pensent qu’il vaut mieux survivre dans la merde et le kérosène que mourir paisiblement dans un village dont la terre rouge acceuille les morts et les vivants.

  

   Le 04 Mars 2016 – Goa

   Ce matin, deux lesbiennes russes s'affairent sur la plage à se photographier. Elles prennent tour à tour des poses de bimbo sous le soleil blanc qui plaque sur leur derme une crème bon marché protection 40. Au menu : chair, bourrelets, sourires visqueux, bras étirés et hanches lascives.

Je me suis levé à l'aube pour profiter d'une mer plate et nager quelques kilomètres le long de la plage. L'eau est tant salée qu'elle pique le corps entier s'il reste immobile. De sorte que les deux gouines hurlent après avoir pénétré et s'être simplement assises dedans. Quel drôle de spectacle.

    

   Le 03 Mars 2016 – Goa

   On ne trouve que des Russes à Goa.

   Couples de la classe moyenne.

   C'est simple : aucune fille n'est moche, toutes sont très jolies. Quelle race. Les types sont vilains, mais robustes. Leurs femmes ont dû développer une passion pour la force qu'elles confondent (peut-être à raison) avec la beauté. Mais c'est une force de bête, et de bête disgracieuse. Il n'y a chez l'homme russe aucune économie du geste. C'est un homme sans technique du corps, partant sans grâce.

Je m'amuse à nager dans la mer et je passe à côté des baigneurs slaves qui m'arrêtent en russe car ils me prennent pour l'un d'eux. Je réponds alors ia frantsouski, je suis français, sur quoi ils changent automatiquement de regard, non par défiance, mais parce qu'ils comprennent d'instinct pourquoi un plus maigre qu'eux est capable de glisser dans l'eau. Eux sont dans la lutte permanente, ancestrale ou de classe, nous français privilégions l'harmonie. C'est une autre idée de la force qui la rapproche de la grâce dont ces brutes s'éloignent tant qu'ils ne l'atteignent qu'au contact de leurs femmes.

 

   Le 17 Février 2016 – Drague

   L’autre jour, j’expliquais que si je me suis enfermé durant 4 ans, de 26 à 30 ans, pour lire et pour écrire, ce n’était que dans le but de lever le plus de filles possibles compte tenu de ce que les hommes cultivés les fascinent. En face, ca tombe des nues. Ce n’était pas pour être écrivain ? Si ! Mais pour après sauter la gonzesse qui n’aime rien tant qu’un écrivain. L’étonnement me signifiait que j’étais donc un escroc. J’explique alors que rien ne procède de soi pour soi, autrement c’est vain. J’entends alors que si, elle, joue du piano par amour du piano. Soit. Et c’est parce que tu es une femme, mais un homme vit de la pulsion de baise qui conduit ses envies. Le travailleur travaille pour le cul, mais pas pour le travail. Une femme le peut, ca, mais pas un homme. Le propos vaut pour l’artiste. De grands yeux tristes me fixent. Ils me reprochent d’être un escroc, ce que je ne suis ni ne fus jamais : j’ai vraiment lu parce qu’il fallait que je fusse crédible dans mon rôle de branquignole cultivé. J’allais devoir séduire, j’allais devoir braquer. Je n’ai jamais escroqué. Je n’entourloupe pas, je fonce. Dans toutes mes entreprises de séduction, je n’ai rien inventé. Elles y ont cru, et je n’avais plus qu’à entrer dans des coffres ouverts devant moi après les avoir à peine forcés. Ce fut rigolo. Parce que c'est le sel de la vie que de les posséder, je crois. J'imagine que draguer est plus amusant que séduire. Le dragueur saisit l'occasion et crée une situation. Le séducteur saisit la situation et crée une occasion. Le dragueur est entreprenant, le séducteur est entrepris. Le drame est que j’aurais aimé être un dragueur et que j’en suis un minable. Alors j'ai davantage séduit. C'est en vérité très facile. Tinder fut un excellent metteur en situation. Facebook aussi.

 

   Le 12 Février 2016 – L’ombre

   Le docteur Fortunatus, l’ancêtre de Faust, vend son âme au diable et perd son ombre. C’est un mythe qui suit la croyance selon quoi l’homme ne peut vivre seul. Sans ombre fidèle, sans ami, sans femme, sans homme, sans son Sancho Panca, il égarerait son humanité. Et il faut un mythe pour appuyer une croyance. Le mythe valide la croyance. La croyance précède le mythe. Cela fonctionne pareillement avec la foi et la religion.

 

   Le 10 Février 2016 – Verdun

   Hier soir, je regarde un documentaire sur Verdun. Est évidemment mentionné le Baron Rouge. Je me souviens alors qu’une de ses parentes éloignées était la femme ou l’amante d’un écrivain que j’aime beaucoup. Impossible de me souvenir du gars. Je crois que c’est Drieu. Je m’envoie lors un mail au bureau pour vérifier le lendemain : ce sera plus simple. Je me couche plus tard et je débute un livre de DH. Lawrence, son étude sur la littérature classique américaine. Je ne lis plus que des essais depuis bientôt deux ans. Bon, DH. Lawrence, génial comme d’habitude. Pourquoi avoir ouvert un livre de lui ? Je ne sais. L’instinct est sans raison.

Ce jour, je m’enquiers sur google de cette Richthofen. Et bien il s’agit de Frieda von Richthofen. La femme de...DH. Lawrence. Magie du cerveau humain ! Epiphanie de l’inconscient...incroyable...

    

   Le 28 Janvier 2016 – Libération sexuelle

   La liberté sexuelle est une libération permanente et non une liberté : en tant que libération, elle exige des preuves qu'elle est, et ce à chaque instant, et ce qu'elle est, c'est un mouvement et non un état. En sorte qu'elle ne s'éprouve pas mais se prouve. Pour cela, il faut des actions que l'art contemporain nomme démonstration, qui en anglais signifie manifestation, ou plus souvent performance. Derrière ce mot de performance, il y a l'idée performative, c'est-à-dire que le simple fait de s'énoncer suffirait à se prouver. C'est la pensée magique. C'est l'enfantin "celui qui le dit c'est lui qu'il l'est". La libération se pose comme liberté, mais ces quelques lignes laissent penser que c'est tout le contraire, à savoir un esclavage voire une prison. Dans un gif rigolo peuplé de débiles qui dansent tout nu, en dodelinant du cul, le mot aliénation est tout trouvé parce qu'il rappelle son synonyme de folie : ces excités sont des fous, à proprement parler des aliénés. Ils exhibent leurs fesses et gonades du même instinct qu'ils trahissent une décadente société devenue asile.

 

   Le 07 Janvier 2016 – Cinéma

   Django était déjà une abjection qui mélangeait les bons sentiments gauchistes à l'odieux. La vengeance du cow-boy négro n'était qu'un prétexte qui justifiait le déchaînement de violence elle-même au service d'une relecture de l'Histoire. Les blancs y passaient pour des débiles dont le seul espoir d'échapper à leur débilité congénitale était de penser à gauche comme le rigolo Christopher Waltz. Les noirs étaient les grands oubliés de la culture à l'instar du faux métis Dumas dont le génie lui provenait de son gène blacky. Un peu, et Pouchkine devenait africain et porteur de l'âme russe subitement située dans la corne de l'Afrique. Il était suggéré voire affirmé que les noirs étaient supérieurs et il n'était jusqu'au nègre de maison qui ne signifiât le racisme version supra-négritude de cette salope de Tarentino. Django était un film insupportable avec des clins d'œil sans cesse adressés au spectateur blanc aux fins de l'humilier, comme la mutilation par balles dans les burnes infligée à la fin au personnage incarné par Walton Goggins qui était un flic raciste dans THE SHIELD. C'est d'ailleurs typique de Tarentino de choisir des acteurs de seconde zone puis d'en exploiter le passé théâtral qu'il détraque du même temps qu'il projette le type sur le devant de la scène. C'est bien sa seule grandeur que de dénicher les talents comme disent les glands. Goggins mais plus avant Waltz qui en est un autre exemple, tout comme Travolta que Tarentino avait sorti de son néant de comique musical avec Pulp Fiction. La fameuse scène de la danse avec Uma Thurman célèbre plus la fin de Travolta-le-danseur que le début d'une grande actrice qui inventerait un nouveau pas : Travolta s'oublie dans un twist et tue tous ses anciens personnages.

   J'ai vu un bon film récemment : LA ISLA MINIMA.

   Film espagnol, type roman noir, bien tourné. Poisseux, sombre, poétique : tous les codes du genre.

   J'aime assez la toile de fond qui est politique (comme parfois dans le roman noir, cf James Ellroy aux US). L'Espagne sort du franquisme. Elle devient libérale et progressiste. L'esprit marchand commence de la pénétrer. Dans une bourgade reculée, des filles jolies rêvent de la ville qui chosifie le rêve capitaliste : argent pour les gars, travail pour les gens, paillette pour les filles, toutes choses que l'archi-modernité a coulées dans la télé-réalité (à l'exception du travail jugé trop ingrat). Les filles sont attirées par le soleil vert de la modernité rugissante. Les traditions les ennuient et à l'instar de la mouche à merde qui s'excite autour de la colle sucrée, elles disparaissent avant même d'avoir croqué.

Affaires criminelles sordides, viols et tortures et sévices et mutilations. Arrivent sur ces entrefaites deux flics dont un ancien franquiste qui officiait dans l'état profond. Il appartenait à une sorte de SAC. C'est un être de chair et de sang, sans abstractions mais qui aime le principe de la vie. En apparence simple, il aime l'ordre et vomit la liberté pour la liberté parce qu'elle confit dans l'angoisse. Il dégage l'assurance qu'on trouve chez les sereins qui draguent, boivent et méditent sur le sens de l'existence avec la pudeur de qui prend ses distances. Il n'a peur de rien et surtout pas des femmes qui aiment sa compagnie virile. C'est un séducteur. Il est facile et en rien caricatural. Tout dans la décontraction, il sait user de la force qu'il extirpe de la violence qui sommeille en l'homme des traditions. Ce sont ses méthodes de fasciste qui élucident l'affaire. C'est sa force de bonhomme pas forcément costaud, mais rageur et déterminé, qui massacre le malade mental qui tue les filles. Il annule, en éliminant le gars, la pulsion du fric qui bouffe les salopes enchibrées et enchibreuses. Le corps à corps final est bref et sec. Efficace comme une Espagne franquiste. À la lame. Directe et assassine, claire, avec une direction nette. C'est réglé, on n'en parle plus.

Dans la dernière scène, le flic sort d'un marécage où il vient d'être touché par un tir de fiotte. Le libéral place toujours à distance. Il croit à la guerre propre comme il confond la vie avec l'hygiène et le meurtre avec l'acte clinique. Le fasciste du film sait que la vie est sale et il n'hésite pas à s'y confronter pour la saisir et la tordre à l'empan de ses ordres, et même : à celui de son ordre, de l'ordre fasciste.

   J'avais découvert en 2010 le cinéma argentin. Le film noir lui sert de prétexte à une chronique sociale et politique de la situation du pays depuis les années 70. C'est très souvent excellent. Le film DANS SES YEUX est un chef-d'œuvre. Il y a de ces dialogues. Et puis tout y est : le péronisme, la poésie, la littérature, le football, les femmes, le meurtre, le droit, la vengeance. Ça aussi, c'est un très grand film.

   Le cinéma espagnol, je connais moins.

   Almodovar m'est une immense fiotte géante qui voudrait être une femme : il y a trop de "pédalité" dans ses films.

   Mais bon, LA LOI DU DESIR est un très grand film. Ça date de 1987. C'est récemment qu'il s'est mis à délirer.

   Sinon, en matière de films noirs US, il y a PAPERBOY : ça c'est un grand film.

   ARTE diffuse parfois des perles des années 80, ou du cinéma étranger en deuxième partie de soirée.

   J'étais une fois tombé sur le film CRUISING avec Al Pacino. Un flic enquête sur un serial killer qui tue la nuit dans le milieu homosexuel sado-masochiste. Chef-d'œuvre. Et la musique...c'est grâce à ce film que j'ai découvert Luigi Boccherini.

   Une autre fois sur ARTE, je tombe sur THE CHASER. D'une noirceur...film sud-coréen. C'est magistral. C'était en 2012, j'avais alors regardé tout ce que j'avais trouvé de films de Corée du Sud et j'ai depuis compris qu'ils sont au-dessus d'Hollywood. OLD BOY...mais quel film !

   Une fois sur D8, qui diffuse de tout bons vieux films des 70s, je suis tombé sur MIDNIGHT EXPRESS : rarement vu un film d'une telle intensité. Certaines scènes, par leur beauté et leur profondeur (jeu, photo et dialogues) justifient de vivre pour voir ça, parfois même davantage que ce moment durant quoi l'homme contemple la chute de reins de cette femme nue qui s'abandonne à lui. Normalement, je dis ça des grands livres. Le cinéma est plus avare de ces instants. Mais avec MIDNIGHT EXPRESS, on touche encore une fois au grand œuvre.

   

   Le 25 Décembre 2015 – Masse

   Il y a un côté masse en Asie. Diên Biên Phu signe la victoire de la masse sur l'homme blanc dont la singularité, ne fût-ce que par l'aspect, c'est-à-dire la phsyionomie, a conduit en philosophie à l'individualisme.

   Je ne sais si vous avez vu cette photo qui montre des Chinois dans la mer à Hong Kong, je crois : tous à l'eau ou sur le sable, côte à côte, il est impossible de distinguer la mer ou le sable au milieu de la densité humaine. Ce n'est d'ailleurs pas tant le rassemblement humain qui stupéfie l'homme blanc que la bonhomie joviale et l'indifférence avec quoi les chinois acceptent la situation. Je ne suis pas étonné du succès du communisme en Chine. Mouvement de masse par excellence, le communisme s'intègre parfaitement à l'Asie, c'est-à-dire à l'âme et au corps asiatiques, et plus précisément chinois, parce que l'Empire du milieu jouissait de par son Histoire et sa géographie (au milieu de l'Asie) des conditions propices à la massification. L'idée ne demandait qu'à s’y concrétiser.

 

   Le 25 Décembre 2015 – Observations

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   Je suis persuadé qu'il est impossible de faire économie de la biologie pour philosopher ou "intuiter". De même de la physique quantique.

 

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   Je regarde avec mon père (en fond sonore pour moi car je suis dans mes pensées) un film avec Depardieu et Deneuve sur l'occupation.

   Arrive un type de Je Suis Partout. Il dit : "je vous rappelle que notre journal est socialiste, nous sommes anti-capitalistes". Il est évident que le fascisme est social et que le FN n'a finalement jamais été aussi fasciste. Jean-Marie Le Pen était un libéral en économie. Petite observation. La voix off conclut le film : « Et l’homme de Je Suis Partout fuit avec les autres à Sigmaringen et devint un homme de nulle part après qu’on eut perdu sa trace à Hambourg piégée par les bombardements. »

  

   Le 24 Décembre 2015 – Cinéma

   Trois films.

   OSLO 31 AOUT

   BOY A

   L’ADIEU AU ROI

   OSLO 31 AOUT : un feu follet romantique façon premier Barrès.

   BOY A : un vieux Werther mort trop jeune de s'être d'abord confronté au mal, donc au viol, puis ensuite à l'amour et à l'amitié, donc à la violence.

   L’ADIEU AU ROI : un roi communiste devenu anarchiste, donc un roi, davantage : un prince, en somme : un fasciste rome-antique. Guido Keller. Il faut avoir vu le Nick Nolte de ce film.

 

   Le 24 Décembre 2015 – Réflexions dans le train

   Dans le train.

   En face de moi un type, plus jeune que moi mais qui en fait plus, aspect sale, casquette de prolo, marxiste en graine qui crie bobo. Il me marche sur le pied, je dis pardon par instinct de politesse, lui s'excuse également, tout sourire, et me dit : "excuse-moi". Éduqué, rien à dire, sympathique voire mignon quoique bedonnant. Mais c'est ici que je m'interroge : dois-je déplorer son tutoiement socialiste qui convoque plus qu'il ne convie au vivre-ensemble ? Ou dois-je saluer son tutoiement jeuniste qui applaudit par une familiarité jamais existante une parenté d'âge encore toléré ?

   Je suis sinon toujours étonné par cette masculinité "sein" : que d'hommes dont on devine des seins sous le tee-shirt ou sous la chemise !

   À la piscine, c'est sein pour tout le monde ! L’autre jour aux douches, en arrive un dégueulasse, le dos couvert de poils. A gerber. Une montagne. Un tas. Puis un autre, plus réduit. Il marche les genoux collés et porte un slip de bain trop petit en sorte que je vois la moitié de son cul. Quel affligeant spectacle. Il montre un bide énorme qui tire tant sur ses épaules qu’elles disparaissent en aplatissant son dos. Sous sa gorge : deux seins, deux flaques de graisse gonflées aux hormones de gros, c'est-à-dire l’œstrogène. Les gros perdent en testostérone et gagnent en œstrogène ce qui explique leur hanche féminine. Il n’était jusqu’à l’attitude du type qui n’affichât sa féminité artificielle : sa manière de se doucher suivait la gestuelle d’une vahiné. Sorte d’ondine vomie par les eaux, il semblait absent au monde, indifférent aux regards, plongé dans l’aisance de son obésité. Imaginez le tableau. J’en conçus une immense peine et un dégoût pour l’humanité.

Lorsque je rencontre ces hommes-sein devant une glace et que nos reflets se croisent, je me dis que j'échappe à cette perversion urbaine par la grâce d'une génétique paysanne déposée en moi par des dizaines de génération qu'une seule passée en ville, la mienne, n'a pas parvenu à épuiser. Ha ! Je suis pourtant exigeant avec moi-même et ai conscience que ma condition urbaine d'assis me jette dans la laideur du mou. Je me demande lors à quoi mon fils ressemblera, ou ma fille. Je les espère durs. Je me prends à rêver. J'imagine ces champions de natation qui nagent en un jour ce que j'efface en deux semaines. J'atteins 1/20ème de mon potentiel humain. Je reste au seuil de l'espèce, partant, j'échoue près de l'endroit où la race se confond avec soi. Je pervertis la race et l'espèce et moi. Un raté du corps.

   Comment les femmes peuvent-elles se contenter de ces hommes-sein ?

   Un féminisme vrai, un féminisme sain, féminin et viril, remettrait les hommes au travail de leur corps. Il exigerait non point des changeurs de couche en fait de père-maman, mais des hommes forts en droit de père-modèle. Une féministe n'entendrait pas prendre son mari avec un gode mais attendrait qu'il la prît avec la force du mâle en rut. La femme qui veut prendre sans violer et être prise sans être violée : celle-ci est une femme à l'égal de l'homme. Qu'accepte-t-elle l'homme-sein ? Que se réjouit-elle de cet inférieur avec qui elle ne jouit pas ? Qu'espère-t-elle d'un homme aux attributs féminins, d'un homme-femme, donc, voire d'une femme, mais femme-autre ? Cet homme créé pour les soucis de l'égalité succombe aux raisons de l'effet au lieu que de satisfaire aux raisons de la cause.

 

   Entendu à l'instant de la part d'une dame en train de basculer sur le mauvais flanc de la pyramide des âges : "sympa le contrôleur : il a pas réclamé le billet pour le chat".

Elle insiste : "il était sympa hein ? C'est peut-être parce que c'est Noël...y'en a qui sont pas sympas. On tombe sur des abrutis parfois." C'est trop bon ces gens capables de remplir notre vide avec du vide.

 

   Il y a aussi un fat qui n'arrête pas de parler de tout et de rien derrière moi.

   Le fat : "y'a pas d'animaux méchants, c'est les gens qui les rendent méchants. C'est comme un bébé : on ne naît pas mé-chant (en détachant les syllabes), on le devient." Je n'ai pas pu m'empêcher (je suis en train de lire) de dire à haute voix que je me passerais bien d'écouter ces conneries.
Quelle fatuité. Quelle vulgarité dans l'assurance.
Le mal n'existe pas, évidemment. Ça pue l'athée matérialiste, ou le clandé positiviste qui n'a pas lu Auguste Comte mais dont il récite le catéchisme. Pénétré de toutes les perversions de la modernité, il est la bêtise même, et pire que la bêtise, il est la bêtise qui pense. C'est un décadent. Un beau spécimen de décadent qu'il conviendrait d'exposer et de faire parler comme on exige d'un singe savant qu'il compte sur un boulier.

 

 

24/12/2015

Vortex - Le 24/12/2015

Pat Poker

 

-Sur Drieu :

C'est le seul écrivain dont le style, lorsqu'il est imparfait par ce qu'il laisse d'impression de bâclé, me fasse penser « quel style... ».

C'est très rare de rencontrer un tel écrivain.

Fût-il un homme à séduire par une femme que cette femme en dirait qu'il a du charme. Parce que précisément : son style a du charme.

Ceci dit, dans ses livres travaillés, il est excellent et conserve toute mon admiration.

 

-Le capitalisme contient le communisme et le communisme contient le capitalisme. La preuve ? La Chine.

 

-Le libéralisme est un remplacement d’hommes d’espèce par des espèces d’homme. Là est le Grand Remplacement.

 

-Le futurisme : il est admis que c’est l’art fasciste ; plus justement, c’est la poésie du fascisme.

Le futurisme est machiniste, technologiste, progressiste, tout au mouvement soit mouvementiste, tout à la déconstruction soit déconstructiviste, et nihiliste surtout lorsqu’il se réduit à Marinetti. Le futurisme est un isme avec ses épithètes en iste. Méfiance à première vue. Seulement le fascisme contient ses lubies. Marinetti est un marginal du parti populaire. Malaparte, qui pourtant mange à tous les râteliers, ne se revendique pas du futurisme qui est toléré parce qu’il célèbre l’énergie. Esthétiquement, c’est un art pur et brutal qui satisfait aux codes de la force. La sculpture est vive et la peinture invente. Les deux veulent arracher l’urbain à sa condition d’assis en l’ensauvageant de nouveau afin qu’il dompte celle qui l’a dompté. Umberto Boccioni sculpte L’HOMME EN MOUVEMENT et peint LA VILLE SE LEVE. Il semble être l’artiste total du futurisme parce qu’il soumet deux disciplines à son idée, mais celui qui révèle le futurisme à lui-même est Ezra Pound. Il comprend que le futurisme est une poésie. Il sent ce que le fascisme contient de poétique et lui apporte une poésie, c’est le vorticisme. Les mots, le rythme, la scansion, tout est maîtrisé et dépassé afin de jeter le mouvement par-delà les mots, c'est-à-dire plus loin que la sémantique et au plus proche de la langue. La musique, le sens, Pound dévoile l’étymologie du futurisme. Avec le style grandiloquent d’un italien, Pound dit que le vorticisme est une danse des émotions à travers les mots.

Pound : « Le vorticisme est un art de l'intensité. Nous voulons choisir la forme la plus intense, puisqu'aussi bien certaines formes d'expression sont effectivement plus intenses que d'autres, sont plus dynamiques. Ce qui ne signifie pas qu'elles soient plus emphatiques ou plus criardes. »

Il n’y a qu’un gauchiste pour mépriser le futurisme au motif que ce serait fasciste.

 

-Le fascisme : l’alliance des aristocrates et de la plèbe, la force du haut avec celle du bas. Au milieu : l’empire du mou que le poing enferme dans sa paume. Orléanistes bourgeois et petit-bourgeois, salopes maçonniques et spéculateurs, cosmopolites et traîtres à l’homme : tous y passent. Tous éclatent sous la pression d’un élan vital. Jeunesse et non jeunisme, égalité et non égalitarisme, humanité et non humanisme, esprit et non mentalité, hommes et non sujets, femmes et non citoyennes. Seul intrus : le futurisme dont l’isme pervertit le futur. Sa poésie le sauve parce que jamais il n’y eut de mouvement plus poétique que le fascisme. Jamais il n’y eut plus humain que ce rassemblement rageur des classes extrêmes unies par la force.

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L'Aristo dit que c'est l'homme.