23/06/2015
Guignol's band - Le 23/06/2015
Guignol’s band
Dimanche, c’était défi MONTE CRISTO à Marseille. Cinq kilomètres de nage en haute mer. La massacrante. Sept-cent-cinquante participants. N’était la méconnaissance du parcours, j’aurais terminé dans les cent premiers. J’ai perdu du temps à chercher mon chemin et à gérer les instants faibles. Rengaine du sportif. La mer est hostile et la crampe entraîne la noyade.
J’achève la course en une heure et vingt minutes. J’échoue à la cent-soixante-dix-septième place. Je reviendrai l’an prochain et finirai sous une heure quinze dans les cinquante premiers. Juré ! Ce n’est pas important bien qu’un peu rageant. C’est que je suis sorti de l’eau aussi fringant que j’y étais entré ! Or l’économie ne fait pas l’homme.
En vingt minutes, j’étais rasséréné, réchauffé, ravitaillé puis changé. J’avais un train à prendre alors j’étais pressé. La course durant, je pensais à l’après. J’usais de ce stress positif qui survient dans l’urgence. Et puis je n’espérais rien tant que la fin pour enfiler mes wayfarer et saluer le frangin qui me suivait. Panache. Le tout devant les pépées du sud intimidées par ma mise à la Léonidas, barbu et taillé en V comme un gars de trente ans doit l’être. C’est ainsi qu’il faut se présenter aux épreuves. Dans les démocraties en paix, le sport est le succédané de la guerre.
L'Aristo dit qu'il se sentait dangereux
Il y eut beaucoup d’abandons. Il faut dire que certains avaient le physique du dad-bod que les Inrocks mettent à la mode. C’est le trentenaire vaguement sportif, qui pousse à la « muscul », avec le bide du bon-vivant qui prouve qu’il est marrant. Le gros a de l’humour maintenant. Parce qu’il nie la discipline austère du sportif « au régime de gonzesse ». Voire.
Une remarque : les filles qui se nourrissent comme un mecton, celles que j’appelle des mectasses, c’est-à-dire les cradasses, les bobos, ne sont pourtant pas affriolantes. Aussi, les Inrocks devraient-ils introduire plus de parité dans leur sociologie. Bref, toute cette engeance ne survivrait pas une seconde dans l’eau gelée et les courants froids que j’ai dominés de ma force. Où les conduirait leur physique mesquin, à peine perturbé par des pecs depuis quoi deux tétons-yeux regardent leurs pieds ? Il n’y a que le réel pour tabasser et soumettre les bobs larvés dans leur confort.
Ma course maintenant. L’effort modifie la perception du temps. La souffrance et la douleur s’associent pour en restreindre la durée. L’équilibre hormonal survit aux chocs en les contrebalançant par d’autres chocs, de sorte que le cerveau, littéralement drogué, dilate le sablier qui s’écoule dans l’oubli. L’eau ! Ceci est survenu dimanche : je me regardais nager. Je ne sentais plus rien que l’envie d’avancer. Encore et encore et encore. Tous les mouvements répétés à l’entraînement prenaient un sens. Enfin ! O extase ! La direction du parcours s’ajoutait à la métaphysique du challenge. Le pourquoi trouvait sa réponse, le bon vieux hic et nunc qui dit nage ou crève. J'ai toujours voulu m’extirper du corps sans mourir, par quoi le sport devient un moyen, le seul moyen qui se suffise plus que sa fin. Parce qu'on est bien d'accord que le réel est décevant. Seulement ce n'est pas le rêve qui permet d'y échapper, c'est la méthode gauchiste ca, sa farandole niaise, je parle ici de violence et de force, seuls rocs de sentiments capables d'extraire l'homme de sa gangue humaine. Or il n’y a guère que le sport et son abstraction, à savoir la lecture, qui le permettent.
Alors dans mon existence, j'ai tenté beaucoup. La drogue - la fumette, ignoble !, habitude de faible, puis les amphétamines, la cocaïne, il fallait que je comprisse de quoi il retournât. Et que ce fut bon ! ô puissance !, et la dive bouteille, encore et toujours. L'idée n’est-elle pas de vivre ? Se sentir vivant comme disent les mauvais films. Méthode adolescente que la chnoufe en tout genre, mais vécue en-dessous du sport ultra, mon unique et éternelle marge de dépendance.
Dimanche. Il y a ces vagues auxquelles je me soustrais en m'exilant de l'intérieur. Je suis prisonnier de moi-même, précipité en moi. Le paradoxe vient de l'impression de liberté. La souffrance est là mais n'est plus ressentie. L'anesthésie par la pensée se propage à proportion de l'endormissement qui tétanise (autre paradoxe) la méditation. L'ensemble de l'homme est plus rapide. La réflexion est d'autant plus vive que l'allure se renforce. Une chimie s'installe et provoque les mêmes effets que la coke. O dépassement de soi !
Dans le RER, je regarde toujours ces blancs effrayés par les racailles. C’est à cela que je pense dimanche, à l’acmé du trajet. S’agit de s’enfiler la rage et de frapper la mer. Alors je fixe un de ces blancs. Et je crie ! Et j’accélère sur ce blanc démoli. « Mais sois fier ! » Yeux aux aguets. Chétif. On dirait un agneau cerné par les loups. Il est le résultat de soixante années d'imposture. Les discours féminino-gauchistes ont vicié sa force qui s’expulse de ce poltron comme une glossolalie antiraciste court la bouche d'une gauchiste. C'est elle qui l'a vidé de sa sève.
Ultra, donc. Ultra pour ultraviolence et ultraforce. Manière Alex Delarge, le héros d'ORANGE MECANIQUE qui se pique d'utlraviolence bien korocho et jetée du goliwok. Le sport. Quelle agression ! Et puis il y a le résultat, la musculature et la prestance n'est-ce pas. Ha ces filles en bikini qui m'accueillent à l’arrivée ! "On voit les hommes", et cette sexa qui me regarde tituber "Ca va mon beau ? Tu es fort" avec cet amour de femme qui se partage entre la mère et l'amante – entre celle qui adoube celui qu'elle aurait pris pour fils, et l'autre qui se rappelle ses décennies qui se seraient bien accommodées de ce garçon aux muscles bandés, prêts à exploser la combinaison. O sensations divines !
Il y avait cet écrivain italien, Maurizio Serra, qui me parlait de MORAVAGINE.
Blaise Cendrars, je le découvre à douze ans. Mon père me dit un jour «L'OR, prends ! et lis, et dis-toi que les cons ne lisent pas. » Cendrars ! MORAVAGINE était posé sur cette table. Je l’ouvre. Lecture jubilatoire ! Il n’y a que Moravagine pour exprimer ce qui se trame en l’homme aux prises avec les éléments. Il ne peut gagner. Il fuit. Il s’échappe. Et au bout : cette plage, façon de paradis, Ithaque sans Pénélope, Orénoque sans verdure, là où les fragiles applaudissent les féroces en fin de baroud. Sortie de soi. Et de la tenue ! La tête vrillée par la froidure de l’eau et rompue par la houle. Je titube. Zéro fatigue ! Juste joie d’être là ! Vie vie vie vie vie vie vie. Fanculo la morte ! Alors force et honneur ! Me ne frego et je salue. Plaisir du vrai, personne n’enregistre, le bras est placé. Haut et fort ! O ragazzo sans monde...O ragazzo vostro...Tu te perds dans la ronde Sei beau comme un salaud !
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