24/06/2015
A l'ami - Le 24/06/2015
Le texte d’hier est narcissique, c’est l’ami qui le dit. Une connaissance qui contient mes décennies. Une enfance à nous deux. Il prétend que « je me kiffe ». Peut-être, mais alors je ne suis pas narcissique car Narcisse ne s’admire pas mais cherche son reflet, et précisément parce qu’il ne s’aime pas. Il cherche l’image de celui qu’il voudrait être et qu’il n’est pas. Il regarde l’eau qui ne le voit pas. Il ne « se kiffe » pas. Haine de soi.
Mais l’ami maintient :
« Tu n´écris que sur toi-même, sur ta suprématie physique et sur ton mépris des gens que tu juges inférieurs à toi: les bobos, les bobs, les dad-bod, les financiers, les indiens, les racailles, les africains, etc...
Et c´est drôle, car dans la pratique tu n´es pas du tout comme ça. Tu es capable d´avoir des potes de toutes les nationalités, de toutes les couleurs, de toutes les formes et de tous les goûts et qu´en réalité - sortis du contexte généralisant que tu appliques toujours dans tes écrits ou tes diatribes - tu estimes vraiment... (Je suis obligé de généraliser parce que le pamphlet a besoin d’archétypes ; et puis le propre de l’intellection est de généraliser. Si ! Autrement on ne serait jamais allé sur la lune, il faut modéliser et englober pour se figurer le monde et l’imager.)
Tu m´as bien compris.
Mais c´est bien mec, si tes écrits te permettent de te rassurer c´est parfait. C'est l´essentiel, p'tite tête. » Oui, et alors ? Comme tu dis, c’est drôle mais rare est qui sait rire aujourd’hui. L’homme qui rit n’est-ce pas.
L’Aristo est un personnage littéraire, un prétexte, et c’est ceci que l’ami se refuse à comprendre. C’est ce qui est éminemment problématique : que L’Aristo est un type détestable ne l’est pas du tout.
Nous vivons une époque très difficile pour les écrivains et qu'un type de la trempe de l’ami en rajoute est rigolo sinon attristant : cela prouve qu’il n'est plus possible de séparer l'œuvre de l'écrivain ou, si je puis dire, de l'écrivant, c'est-à-dire de celui qui écrit. C'est ni plus ni moins la création qui est annulée. Elle est censurée par ce qui la rend impossible. L’époque est avec Sainte-Beuve. Proust est mort.
Qu’aurait-elle pensé, cette époque qui cache son puritanisme dans la fête, qu’aurait-elle pensé, donc, cette pudibonde, de MORAVAGINE, éventreur de femmes et de jeunes enfants, qui est le double voire le triple de Cendrars ou Cendrars lui-même ? Le mentionner à la fin d’un texte d’égocentrique n’est pas un hasard. Seulement il faut connaître, et si on ne connaît pas, il faut se renseigner. Ici tiens, plus haut, j’écris l’homme qui rit n’est-ce pas : j’introduis Victor Hugo. Plus bas, je mentionne Sainte-Beuve, qui cocufiait Victor Hugo, lequel revient donc par un clin d’œil, c’est la tenue d’un texte ca ! Sainte-Beuve considérait qu’il était impossible de distinguer l’œuvre de l’artiste, comme aujourd’hui !, exactement comme maintenant !, à quoi Proust rétorque que si, on peut, et que Beuve et Sainte disent des conneries. J’espère sans doute trop d’un public qui n’existe de toute façon pas. Mais j’attends au moins autant de moi. J’ai tort : « il ne faut pas se prendre la tête ».
Outre Moravagine, le texte d’hier rend ses hommages.
Il y a le salaud de la fin, c’est Limonov et son LIVRE DE L’EAU. Grand fasciste narcissique qui ne se prend pas au sérieux, un qui ne « se kiffe » pas. Il suffit de lire son DISCOURS D’UNE GRANDE GUEULE COIFFEE D’UNE CASQUETTE DE PROLO pour apprendre ce qu’est le narcissisme de journal littéraire.
O ragazzo, c’est D’Annunzio.
Et le titre, Guignol’s band, c’est Céline. Or je suis sous le titre ! Donc je suis un guignol, rire !, pas prendre au sérieux, époque contrite vas-tu me lâcher oui ?! Et tous les évoqués, Limonov et Cendrars et D’Annunzio et Céline sont dans la bande, c’est l’humanité, bientôt. Guignol’s band est la bande-son du zigue, de mézigue, qui dégouline de narcissisme pour mieux en dégoûter l’homme qui lit. Il est fatigant, usant même, de devoir expliquer tout ca à des jean-foutre donneurs de leçons ; ca donne un écrit lourd, emprunté comme l’époque et ses gros tas de fiottes gauchistes à qui il faut tout expliquer, de l’homme qui rit à Proust et Sainte-Beuve. Je ne parle pas de l’ami, mais de ceux qui croupissent dans la critique bas-de-plafond, tous englués dans l’opinion qu’ils grattent au cul de leur idéologie. L'inculture, et c'est regrettable, se charge désormais de faire la loi au lieu de se faire loi et foi de comprendre ce qu'elle ignore. Je crois que ceci s'appelle de la modestie. Ca se perd. Le monde est livré aux idiotes.
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