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01/06/2015

Inde Mai 2015 - Incredible India

Pat Poker

                Il m’est impossible de recopier aujourd’hui mes notes d’action qui sont moins faites de réflexions que les précédentes. Il en va ainsi de la reprise au bob-office. Le temps se resserre, il devient ladre. Il vampirise la liberté. Le temps n’a plus d’adjectif. Il est impossible à décrire, c’est donc qu’il ne se vit plus. C’est plus tard dans la semaine que viendra mon récit limonovesque.

      Je jette des restes inscrits dans mon portable.

J’ai vécu la canicule qui carbonise l’Inde cet été. C’est la plus grosse vague de chaleur depuis 1996. C’est pire qu’un pic de froid. Celui-ci se combat, la chaleur est subie. Mais logiquement, en plus de nager dans les hôtels ou au club olympique de Delhi, j’ai couru. Tout ce qui est interdit par la santé hygiéniste, je le subvertis. Il fallait que je sente la chape autrement qu’en touriste marcheur. Aux températures s’ajoutait un vent du désert, pareil à un sèche-cheveux, qui jetait sur les épaules ses poids de fonte contre quoi je luttais d’autant plus que je forçais l’allure. J’y allais à midi. Mon tempérament s’échauffait si bien que j’ai tenté le 50 degrés. Aucun regret. De la souffrance en première classe.

Parcourant les pistes ocres des campagnes, je pensais à ces colons blancs, explorateurs et légionnaires à la fois, qui arpentèrent ces terres nouvelles. J’opposais leur courage  à la paresse des locaux. Je comprenais qu’il n’est rien de tel que l’affrontement physique comme le sport pour prendre possession d’un pays. J’en discutais avec mon masseur attitré qui dérouillait mes muscles selon les rites tantriques. Le type ne comprenait pas mon propos, sans doute à cause de son anglais limité. Il officie dans les hôtels pour riches occidentaux qui se font caresser la peau après une heure d’agitation façon poisson rouge. C’est la bonne conscience du gros : il enfile sa tenue sans se faire mal, puis il se fait du bien. Il se contente d’une vie sans effort qui tient promesse aux illusions : un jour je m’y mets sauf qu’il n’y va jamais. Alors il reste en surpoids. S’il se regimbe, il pousse à la gym comme si on lui soufflait dans les fesses. Il gonfle.

      A la piscine, quelques gros mais d’adorables Indiens me prennent pour un nageur professionnel. Je les dessille mais ils veulent des conseils. Alors on finit par s’entendre autour d’une règle simple : je leur consacrerai dix minutes à la fin de mon trois kilomètres. Evidemment, ils sont ravis. Ils comprennent comment nager le crawl mais ne parviennent pas à maintenir allongé le bras d’appui en sorte qu’ils brouillent leur ligne de flottaison et manquent se noyer. Je leur explique que l’équilibre, comme en tout, est la clé : une fois qu’il est trouvé, il est possible de se confier à l’eau, alors personne ne coule, chacun pourra glisser. La nage, c’est du vélo. Le coût se paie dans l’épaule qui supporte d’autant mieux l’épreuve qu’elle est musclée. Il faudra travailler et intégrer qu’il faut s’aider de la flotte. La natation est un sport dont l’espace est cet adversaire qui devient un allié. Comme le taekwondo qui enseigne à utiliser la force de l’ennemi pour la retourner contre lui, elle exige des heures de pratique et de connaissance avant de la maîtriser. Mes élèves aiment cette comparaison. Alors ils me montrent les mouvement de base du Viet Vo Dao qui est le sport de combat qu’ils partagent avec le Vietnam et l’Indonésie. Cet art martial utilise essentiellement les bras. Les mains ne frappent jamais parce qu’elles sont utilisées pour casser les membres de l’opposant une fois bloqués par une prise.  Son entraînement s'appuie sur un système de burpees qui massacrent n’importe quel profane. Je les regarde aux vestiaires s’adonner à un rituel yogi, laugh exercise, ils rient comme des damnés en fléchissant leur corps en arrière et en jetant les bras au ciel.

      Lorsque je discute avec les Indiens au sujet de la pollution, ils haussent les épaules. Ils ne s’en excusent pas. Ils considèrent que les pays riches ont pollué la planète pour le devenir. Eux qui sont en développement ont à leur tour le droit de polluer pour égaler le niveau de leurs prédécesseurs. Si les occidentaux veulent une Inde écologique, ils devront payer tant que son retard n’est pas comblé. La grande idée serait d’y créer une banque verte que l’OCDE alimenterait afin de financer des projets bio. Etant donné la corruption du pays, je doute de la sincérité de ces entreprises. Il faudra compter longtemps avec ces villes qui valident les pustules urbaines d’Oswald Spengler. Les gaz d’échappement mêlés aux vomissements démographiques créent un trafic qui congestionne les artères. Tout déplacement est une tannée sinon un suicide. Il existe un livre référence sur Bombay (donc sur l’Inde tant cette ville résume le pays) : BOMBAY MAXIMUM CITY de Sekutu Mehta. J’ai largement feuilleté ce bouquin sur les conseils d’un couple jain chez qui j’étais invité. Selon eux, c’est le livre qu’il faut connaître pour appréhender l’Inde.

Le titre de Sekutu Mehta est tout trouvé et son texte s’accorde à ce que j’ ai vu à Bombay il y a deux ans. Mumbay est une ville de plus de trente millions d’habitants traversée par des ponts dégoulinant de béton. Pharaonique, son architecture emprunte plus au grossier qu’au raffiné des pyramides. Elle développe la ville en hauteur vers quoi s’exilent les classes aisées, laissant les démunis en bas, à même le sol sur quoi ils concoctent leur pain. La cité maximum concentre les activités qu’elle recrache dans les cris et les klaxons, dans les fumées et les râles. C’est un volcan de crasse qui souille la géographie, en sorte que ce n’est plus un lieu mais un nulle part. Sekutu Mehta écrit que la ville, et surtout Bombay, est un noeud de transition où se défait l’Inde traditionnelle, c’est-à-dire que rien n’y est stable, tout est liquide, les existences se mènent dans l’urgence, la vitesse commande l’emploi du temps, les amitiés ne sont pas durables car n’importe qui peut quitter l’endroit n'importe quand, par quoi les relations s’atomisent  et, soit par peur d’être déçus, soit par mépris, les gens finissent par ne plus jamais en nouer. La ville génère le renoncement permanent excepté à l’argent qui devient la seule motivation des bombayites. Vérité là-bas, vérité ici…

Dans BOMBAY MAXIMUM CITY, il y a ces jains qui appartiennent à la caste des diamantaires. Souvent très riches. Il arrive que le chef de famille renonce à tous ses biens matériels au cours de la cérémonie de la diksha à l’issue de quoi il distribue son argent aux pauvres, se débarrasse de son domicile, et condamne les siens à errer jusqu’à la mort. Filles et garçons sont séparés : les sœurs suivent la mère et les frères emboîtent le pas du père. S’ils se croisent, il leur est interdit de se saluer. Ils sont tenus de rester glabres, de la tête aux pieds, et de revêtir un vêtement sans couture. Tout contact avec l’eau est proscrit, car il risquerait de souiller la vie. Ils passent la mousson enfermés dans des abris de pauvres qu’ils sont devenus, larvés dans l’humidité de cagibis qui contrastent avec le faste de leurs anciens appartements. Comme ils ne sont pas autorisés à toucher le fer, ils s’arrachent mutuellement les poils, y compris les cheveux, afin de rester imberbes. C’est donc le cuir chevelu en sang ou le crâne encroûté qu’ils sillonnent le pays. Sekutu raconte l’histoire de ce bébé jain malade ; il est soumis aux exigences d’une diksha qui a été décidée pour lui. Des cheveux lui poussent. Pourtant ravagé par la fièvre, ses parents le soignent en lui déchirant la tête. Incredible India dit la pub…

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L'Aristo dit qu'il tient trop à ses cheveux soyeux pour entamer sa diksha

 

Commentaires

Clair bien ecrit semble bien documente interessant pour une connaissance partielle mais efficace de l'Inde

Écrit par : Hagnauer | 01/06/2015

Clair bien ecrit semble bien documente interessant pour une connaissance partielle mais efficace de l'Inde

Écrit par : Hagnauer | 01/06/2015

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